Pretty Good Trip

Prenez Kirby (en tout bien tout honneur), rajoutez-lui une paire d’oreilles ainsi qu’une queue, rendez-lui la classieuse couleur blanche qu’il arborait fièrement sur la cartouche Game Boy originelle en lieu et place de ce rose bonbon dégueulasse qu’on lui connaît aujourd’hui, et secouez le tout… Vous visualisez ? Ben laissez-moi vous présenter Yakopoo, le héros de Trip World, un jeu qui partage pas mal de points communs avec son concurrent nintendien…mais parler de copie, voire pire, de plagiat, serait un peu fort de café. Explications.

Yakopoo évolue effectivement dans un monde trômignon semblable à Dream Land, peuplé de créatures trôchoupinou rarement dangereuses, qu’il peut dégager de son chemin à coups de pied, comme le bourrin qu’il est secrètement. Il peut également se transformer à l’envie, pour pouvoir voler ou mieux nager, et acquérir ponctuellement des pouvoirs limités dans le temps, comme la possibilité d’attaquer avec sa queue (toujours en tout bien tout honneur) ou de lancer des graines (…) sur les ennemis pour les rendre dociles (une fleur pousse alors sur leur crâne)… Ça fait globalement plus penser à Kirby’s Adventure qu’à Kirby’s Dream Land (dans lequel les transformations n’étaient pas encore présentes)…et celui-ci est sorti 4 mois APRÈS Trip World…

Ah c’est sûr, pour le fanboy nintendien typique qui pense avec force que Big N a tout inventé (dernièrement la console hybride) et que les autres cherchent constamment à lui piquer ses idées, ça pourra faire un choc… :p Surtout que les similitudes avec Dream Land sont également plutôt pléthoriques : un niveau de difficulté globalement assez bas, une barre de vie assez conséquente, une durée de vie plutôt faiblarde de seulement 5 niveaux (qu’il est d’ailleurs possible de traverser avec un peu d’adresse en…15 minutes?), tout ça rappelle fortement la toute première aventure du reste de chewing gum saveur fraise !

Et honnêtement, si on met de côté les derniers combats de boss du jeu (et encore, leur pattern est pas dur à capter), Trip World est même encore plus facile, à cause d’un parti-pris pour le moins déroutant : environ 80 % des ennemis (à vue d’œil) restent étonnament passifs à notre passage, en tout cas tant qu’on ne les provoque pas (et encore pas tous), un peu comme s’ils en avaient pris de la bonne, si vous voyez ce que je veux dire… Trip World, titre de jeu à double sens ? Quand on voit qu’au début du jeu, certains ennemis se transforment sans raison apparente en champignons (hallucinogènes?), faut avouer que le doute peut subsister…

Là où en revanche on ne se pose aucune question, c’est sur l’aspect visuel du soft. Soyons clairs : Trip World est l’un des -voire le- plus impressionnants et beaux jeux du Game Boy. Les graphismes offrent un niveau de détail proprement hallucinant pour la petite portable 8 bits monochrome, sans jamais être trop fournis pour gêner la lisibilité ou ralentir l’animation (fluide en toutes circonstances, malgré quelques rares clignotements jamais vraiment dérangeants). Même l’intro du jeu déchire sa maman, bien aidée en sus par une musique parfaitement rythmée qui nous met directement dans le trip… Le Game Boy semble d’ailleurs également cracher ses tripes sur la partie sonore du jeu, les mélodies étant particulièrement inspirées et étonnament bien orchestrées… Du très grand travail.

À défaut d’être un grand jeu, Trip World est indubitablement un bon jeu, qui aurait largement mérité une suite, voire plus si affinités. Qui sait, avec quelques ajustements et une allégeance totale à Sega (ou à Sony), il aurait très bien pu entrer en concurrence frontale et faire de l’ombre à Kirby, tout comme Sonic l’a fait un temps à Mario… Quant à Yakopoo, on le retrouvera quelques années plus tard le temps d’une ultime apparition dans le VS Fighting Galaxy Fight, dans lequel il tient le rôle d’un mid-boss quelque peu mokujinesque, faisant écho à ses capacités de transformation…