Kitty got wet

Il est parfois amusant de relire ses vieilles critiques et de s'apercevoir que, sans que l'on en ait eu conscience, notre manière de percevoir et d'analyser les œuvres a évolué avec le temps. Ma première critique de Uncharted 3 n'est pas bien vieille, elle n'a que quatre ans, mais ces quatre années ont suffi pour créer de nettes différences. C'est pour cela qu'il est toujours intéressant de parcourir une nouvelle fois une oeuvre et de l'analyser une nouvelle fois, avec ce nouveau regard que nous portons sur lui. Pour cette raison, je vais laisser mon ancienne critique à la fin de celle-ci, et mettre à jour mon avis dès à présent.

Malgré une bonne surprise lors de mon premier parcours de Uncharted 3, le jeu m'avait laissé avec le temps un sentiment désagréable. Un sentiment provoqué par sa démesure finale et la succession de scènes abracadabrantes au delà de toute crédibilité, et le manque criant de liant entre celles-ci. Je m'y suis replongé toutes ces années plus tard avec la volonté de passer outre les incohérences scénaristiques et de me concentrer davantage sur l'analyse des éléments qui fonctionnent et qui ne fonctionnent pas.

Uncharted 3 a une ambition assez forte. Tout d'abord, il souhaite aller encore plus loin que ce qu'avait proposé le deuxième opus en termes de blockbuster. Pour rester dans le ton de la série et la force de sa narration (portée par les personnages), il souhaite également se mettre plus proche de Nathan Drake et d'explorer à la fois son passé et les liens avec les différents autres personnages.

Sur ce deuxième point, malheureusement, c'est assez bancal et on a très souvent le sentiment que la narration est précipitée et qu'elle ne tombe pas sous le sens. Par exemple, de par la volonté des scénaristes de venir chatouiller les motivations internes de Drake, les autres personnages vont se mettre à régulièrement questionner les raisons de sa quête à grand renfort de "tu ferais mieux d'arrêter, c'est trop dangereux cette fois", répétés en pagaille à plusieurs moments de l'aventure, sans que cela ne paraisse justifié pour le joueur qui a déjà vécu des aventures dangereuses avec ce héros et les autres personnages. L'écriture de ces dialogues est d'ailleurs assez clichée avec un ton mélodramatique auquel on ne croit pas un seul instant, tout simplement car ce n'est pas construit.

C'est un maigre détail mais qui est un bon témoin d'une aventure qui ne découle pas logiquement mais qui est forcée. Forcée par cette volonté faussement "profonde" mais aussi par la volonté des game designer : celle de proposer un nouveau blockbuster épique. Le problème de Uncharted 3 c'est que les volontés de la narration ne collent pas avec celles du gameplay, et celles-ci entrent assez souvent en conflit.
L'exemple le plus frappant est celui de la séquence maritime. Si celle-ci est grisante à jouer (j'en reparlerai), elle est aussi le plus grand exemple de l'échec de la coalition narration/gameplay. Toute cette longue séquence apparaît au milieu de l'histoire et n'est jamais justifiée scénaristiquement. On n'arrive jamais à croire à cette petite sous-intrigue, et le plus alarmant est que cette séquence est très mal raccordée à la suivante. Par le plus grand des hasards, Drake reprend sa quête là où il l'avait précédemment arrêté sans que cela ne choque personne (sauf les joueurs, forcément).
Mais outre l'incohérence scénaristique, le plus gros problème de cet écart est qu'il vient dénaturer le rythme du jeu et l'impulsion scénaristique qui en découle. Ce point est extrêmement important dans la construction d'un jeu d'aventure, et c'est d'ailleurs exactement là que Uncharted 2 excellait le plus. Les déviances scénaristiques de Uncharted 3 cassent la logique de cette aventure et donne une impression assez désagréable de chapitrage, ou presque de jouer à des aventures indépendantes reliées entre elles par un mince fil.

Cette impression est renforcée car certaines séquences sont extrêmement courtes, se résument parfois à un seul thème et pourraient presque avoir un nom qui résume ce qui s'y passe : "Nathan et Sully explorent un château en flamme", "Nathan explore un bateau qui coule", "Nathan se bat dans un avion".
On sent vraiment que toutes ses séquences ont été conçus par les game designer et que les scénaristes ont du ensuite se débrouiller pour que l'ensemble paraisse logique. Un sentiment qui se révèle... tout à fait exact, du propre aveu des développeurs. Et puisque que chaque séquence est d'une beauté incroyable et se veut parfois le faire valoir de leurs nouveaux outils de développement, on a l'impression de jouer à une succession de démo technique. "Ici, regardez ce qu'on sait faire avec [le feu/la destruction des décors/la physique de l'eau/la physique du sable/etc]".
Que ce soit le cas, ça ne me dérange pas... ce qui me dérange c'est que ce soit transparent.

En outre, le scénario est également entaché par d'autres incohérences plus dérangeantes, comme certains mystères vraiment farfelus qui ne trouvent jamais de résolution, et qui se révèlent donc être de grosse facilités d'écritures.
De plus, l'axe intimiste exploré par les scénaristes ne va également jamais au bout de ce qu'il propose. Je trouve que c'était un choix très intéressant de se focaliser sur le passé de Nathan, de travailler son rapport à Sir Francis Drake, son identitié, ses liens d'amitié, ses motivations profondes...et alors que toutes ces questions sont abordées, elles seront toutes balayées d'un revers de main et on ne s'y intéressera plus dans le dernier tiers du jeu. C'est un constat bien décevant d'observer la naissance d'une ambition et sa mort prématurée.
Et pourtant, et pourtant... il y a ça et là de très bonnes trouvailles, et c'est finalement quand Uncharted 3 va au plus simple, au plus sensible qu'il réussit le mieux. J'ai en tête un passage très minimaliste et simpliste où Nathan s'endort sur les genoux d'Elena. Un moment simple, avec très peu de paroles, mais qui en dit beaucoup et qui montre le talent des scénaristes derrières toutes les failles de leur narration.

C'est d'autant plus dommage qu'avec un peu plus de temps de développement, ces défauts là auraient pu ne pas exister. D'autant plus que le jeu présente en parallèle de très bonnes qualités en temps que jeu d'action.
Il ne faut pas passer par quatre chemins : malgré les incohérences, les errances et le fait que l'aventure suive difficilement son cours de manière logique... Uncharted 3 nous propose malgré tout une aventure incroyable. Et ce paradoxe témoigne de la qualité de ces séquences d'action/aventure puisqu'elles permettent d'outrepasser les défauts cités précédemment.

Tout simplement, Uncharted 3 nous fait vivre une aventure folle, des séquences ahurissantes qui sont, certes démesurées, mais qui transmettent un souffle épique probablement jamais égalé jusqu'alors. La qualité graphique et technique du titre joue beaucoup dans ce succès puisque le dépaysement est total et le nombre de fois où le jeu nous décroche la mâchoire, encore en 2016, est incalculable.

Les scènes d'actions proposées sont souvent exceptionnelles. Il n'y a que le niveau en Syrie que je n'aime pas du tout car il me donne l'impression que l'architecture des niveau a été conçu dans un premier temps, puis qu'on y a ajouté des scripts en pagailles et des rallongements pour le rendre plus épique... Ce qui ne parait pas naturel et qui révèle même très désagréable.
Mais les autres niveaux sont très réussis et à certains moments, le level design des arènes est particulièrement excellent. Dans cet Uncharted, les approches laissées au joueur sont nombreuses et les arènes vraiment vastes ce qui permet d'enrichir vraiment la qualité des différents affrontements.

Malheureusement, ce qui vient casser la qualité de l'architecture des arènes (pourtant un des gros points forts du jeu) c'est l'intelligence artificielle. Elle n'est pas mauvaise, mais elle a été programmée pour ne faire que lancer des grenades sur Drake. Au début, ce n'est pas gênant, mais plus les arènes se complexifient et plus cette programmation devient une erreur de game design. Le joueur est donc face au problème suivant : beaucoup d'ennemis lui tirent dessus, il doit donc rester caché... mais on le bombarde de grenade toutes les 10 secondes donc il doit tout le temps bouger... mais s'il reste en dehors des couvertures il meurt en quelques balles donc il doit rester à couvert... mais des ennemis en armure le charge donc il doit tuer très vite... Bref les grenades viennent casser la synergie du game design de ces affrontements, car le joueur ne peut pas tuer rapidement les ennemis qui lui foncent dessus s'il doit constamment changer de couverture. Certes, une fonction permettant de ramasser la grenade et de la relancer a été implémentée, mais elle est compliquée à l'utilisation et nécessite de sortir de sa couverture... ce qui est très rarement possible.
C'est pour moi un défaut crucial du game design qui vient ternir un level design particulièrement excellent. D'autres défauts interviennent ponctuellement, mais c'est pour moi le plus gros.

A côté de cela, le feeling des armes est également assez différent et je trouve qu'il a perdu en efficacité par rapport à l'épisode précédent. Manette en main, avec les vibrations on a l'impression de tirer des coups surpuissants et l'effet visuel qui accompagne les tirs renforce cette impression... mais les ennemis ne réagissent pas ou peu à ces tirs, ce qui crée un déséquilibre dans le feeling que j'ai trouvé regrettable.

Uncharted 3 est donc pour moi un jeu qui comporte de nombreuses failles. Beaucoup trop de failles. Mais malgré toutes celles-ci ou celles que j'aurais oublié de relever, ma note reste vraiment haute. Pourquoi donc ?
Pour la simple qualité que j'ai énoncé précédemment : c'est un jeu ahurissant. Un jeu qui nous propulse dans des situations incroyables, des scènes d'anthologie, qui nous fait vivre ce qu'on ne vivre dans aucun autres jeux. Parce que malgré ses erreurs scénaristiques, sa seconde moitié est une succession de moments formidables, d'idées très bien menées, de level design de grande qualité... On peut lui reprocher une trop grande démesure et c'est parfaitement justifié. Moi-même certains passages m'exaspèrent mais j'en reviens toujours à être fasciné quelques minutes plus tard... C'est un sentiment qui finit par prendre le dessus.

En outre, en termes d'aventure, on passe un très bon moment : les décors se renouvellent constamment, il est d'une richesse visuelle inouïe, et la partition de Gred Edmonson vient compléter superbement le tableau. Les instruments utilisés sont nombreux et capturent l'essence des lieux visités, et cette qualité musicale propulse le jeu vers d'autres sommets.
De plus, malgré une gestion du rythme un peu douteuse, Uncharted 3 arrive à proposer de magnifiques visites de temples avec de très bonnes énigmes, ce qui est un point qui m'enthousiasme particulièrement.

Uncharted 3 est un jeu finalement aussi grandiose qu'imparfait. Avec plus de temps de développement et une plus grande prise en compte de la narration dans le game design, et quelques ajustement ça et là, ce jeu aurait pu être une aventure extraordinaire. Dans les faits, il s'agit d'un jeu bancal qui tient malgré tout debout grâce à de fortes qualités. Je l'avoue, ces qualités sont souvent tape à l'oeil, mais c'est grâce à cette maîtrise de la technique et surtout de leur moteur physique que l'équipe de Naughty Dog arrive à proposer une aventure qui n'est comparable à aucune autre, et qui procure donc des sensations qu'aucune autre n'est capable de produire. Et c'est cet élément là qui est notable, d'autant plus renforcé par toutes les qualités identitaires de la série qui trouvent également leurs forces dans cet épisode.
Uncharted 3 est moins une "illusion" qu'il n'est une déception. C'est l'épisode du regret, de l'imperfection. Mais il n'en est pas moins un jeu d'aventure sans équivalent, et ma note est celle de l'affection et de la générosité.

8/10

Critique écrite début 2012 :

J'ose affirmer que mettre moins de 7 à ce jeu tient de la mauvaise foi*
* offre soumise à condition : aimer le style de jeu, aimer l'aventure, aimer l'action.
Si le détail ne vous intéresse pas, passez directement au dernier paragraphe.

Quand on met le Blu-ray d'Uncharted 3 dans sa console, on a un mélange d'impatience de tout découvrir et de doute. Le 2 avait tellement impressionné qu'il ne pouvait que laisser une place mémorable dans tous les esprits... Le 3 avait du pain sur la planche pour nous faire revivre une expérience de la même qualité... Surtout en sachant qu'un joueur ne souhaite pas avoir une version améliorée du jeu précédent, il veut un jeu différent mais tout aussi géniale ! L'équation devient plus compliquée.

Pour le coup, Uncharted 3 opte pour un point de vue différent. Un point de vue centré sur ses personnages principaux. Et pour le coup, c'est l'épisode où la narration intérieure la mieux réussie (avant de me flageller, notez que j'ai dit "intérieure). Ici, on est dans la peau de Nathan Drake plus que jamais, et pour la première fois on se met à ressentir l'expérience qu'il vit d'un point de vue émotionnel. Ce magnifique chapitre 18 en témoigne à lui seul, mais il n'y a pas que ça... les 2 et 3 également.

Si Uncharted 2 pouvait souffrir d'une overdose de gunfight par moment, car le jeu ne nous laissait que rarement souffler, ici le soft prend son temps et nous fait vivre plein d'instant narratifs, intimistes, où la découverte de lieu et de secret ne pourra qu'encore plus nous émerveiller. Ce jeu fait littéralement rêver. Les images qu'il nous propose sont hallucinante d'inventivité et de beauté... Qui ne s'est pas senti en train de découvrir des mystères enfouie depuis des milliers d'années ? Et ces lieux possèdent leur architectures propres, leurs styles propres, c'est vraiment magnifique, et pas seulement d'un point de vue graphique. Et ce qui va naturellement avec ça, c'est la duplication des énigmes, encore plus nombreuses et mieux trouvées (même si pas très complexes à réaliser).

Vraiment, s'il y a quelque chose à retenir, c'est l'aventure, la vraie. C'est dans cet opus que l'on va le sentir à son paroxysme (même si ça vaudra jamais les premiers Tomb Raider, yilalilalou).

Et ce qui va avec l'aventure, c'est aussi l'action épique. Et avec de troisième volet on est servi, il fourmille de situation plus incroyables les unes que les autres, avec (presque) aucune redite de l'épisode précédent ! (une séquence est quasi identitique, cf le début du chap 20).
Le problème de ses phases épiques sont qu'elles ont été spoilé massivement dans les conférences. Bon il en reste des "inédites", mais pas énormement quoi... Et ça c'est inadmissible. 'tain mais passer nous le jeu entier la prochaine fois tant qu'on y est.
C'est certainement pour cela que la plupart des personnes peuvent être déçues. Si avec U2 on avait tout à découvrir, d'autant plus que le 1 était classique, ici non seulement nous avons le poids du 2 dans nos esprits mais en plus on connait tous les trucs épiques. Alors franchement, lolilol ? Comment être émerveillé de la même manière ?
Naughty Dog avait du avoir peur que les gens pensent qu'il allait être moins bien, alors ils ont choisi de nous "rassurer" en nous montrant que c'était épique. Mauvais choix.
Mais bon, ça reste épique, hallucinant, mais certaines scènes auraient gagné à être plus longues... (trop courts ces chaps 15 et 17 bordel...).

Et si c'est épique c'est car dans Uncharted il y a de l'action, et donc des gunfights. L'équilibre est comme je le disais bien mieux dosées. De plus, le combat au corps à corps amélioré devient enfin intéressant !
De manière générale, ces séquences sont toutes excellentes. C'est explosif comme on l'aime, avec des situations inédites et de bonnes idées en prime.
Le lvl design reste très bon, mais le problème vient du character design. Il y a pour faire court deux sortes de méchant : le normal, et le gros protégé. Voilà. La difficulté viendra de leurs armes ou de leur nombre. Autrement dit pour ce coup c'est plutôt moyen. Rien de nouveau, d'innovant, juste du classique...
D'ailleurs la difficulté est risible. Le mode difficile devrait être le mode normal. Uncharted 3 est de loin le plus facile de tous.

Ce qui fâche également, c'est le scénario global. Alors, autant la quête de Francis Drake et Lawrence d'Arabie est très intéressante, autant le rapport avec l'ennemi Marlowe tient à du très moyen. Que veut-elle ? Le pouvoir. Archétype du classique. (vous me direz c'était pas mieux avant non plus).
Mais la construction souffre toujours des mêmes soucis. La rencontre avec Elena dans le 2 tenait du cliché, mais ici c'est la même quand les héros retrouvent Chloé et Cutter dans la citadelle.
Certains passages ne servent strictement à RIEN dans l'intrigue. Ils sont là pour rallonger la durée de vie, mais ils n'ont aucune concordance avec le scénario global et ses événements se déroulent sans grande logiques. Je parle ici de toute la séquence du bateau.
La fin est aussi bâclée. Au final, autant les deux personnages centraux sont très bien travaillé, autant les autres ont un traitement assez expédié. Même si Cutter, le nouveau, a un petit traitement de faveur également. Chloé passera à la trappe de l'intérêt zéro.
Pour rester dans la déception, les trésors sont daubées alors qu'ils étaient géniaux dans le 2.

Je fais une parenthèse pour parler de Tomb Raider. Pour moi cet épi c'est un peu la déclaration d'amour volontaire ou non à la série. Entre le métro de Londres de TR3, les chapitres 2 et 3 rappellent le début de TR4, les épaves de bateau comme dans TR2 (avec les mêmes couleurs intérieures), l'avion de TRL ou TR2... j'ai trouvé comme cela des références (qui n'en sont peut-être pas). Mais c'est également par l'augmentation des énigmes et des lieux de découvertes, des temples, qui me rappellent cette fabuleuse série. Et c'est vraiment ici que l'on peut comparer, bien plus que dans les deux premiers.

Sinon bien sûr le jeu est magnifique, mais ça tout le monde le sait. Mais il faut savoir qu'il y a aussi plus de bugs.

Alors pourquoi en dessous de 7 c'est de la mauvaise foi ? Car quand un jeu offre une telle expérience, une telle aventure avec des images aussi fortes et uniques dotées d'une beauté rare, c'est qu'il est exceptionnel, et que sa note doit aller avec cela. C'est le jeu qui nous met face à des situations toutes plus incroyables les unes que les autres, et qui fait rêver plus que jamais tellement c'est grandiose. C'est le genre d'expérience qui donne tant de forces aux jeux vidéos.
Alors pourquoi pas 9 pour moi ? A cause de l'histoire, trop brève, sans suspense, mal cousue dans sa seconde partie, au dénouement assez inintéressant. Et aussi à cause du pass online et des dlc à rallonge. Merci Sony de nous polluer.
Au final, U3 a de gros avantages sur U2, mais U2 a de gros avantages sur U3. Les deux se complètent bien.