Untitled Goose Game
6.8
Untitled Goose Game

Jeu de House House et Panic Inc. (2019Nintendo Switch)

Bon… Allez…
D’accord. Je ne vais pas faire celui qui crache dans la soupe.
Moi qui n’arrête pas de demander au monde du jeux-vidéo de partir à l’exploration – de nous proposer des expériences originales – et cela quitte à ce que ces titres aventureux soient courts et techniquement cheap, je ne peux décemment pas renier ce que nous propose là cet « Untitled Goose Game ».


Car oui, c’est vrai, ce jeu est original.
Incarner une oie, personnellement, je n’avais jamais fait.
Oui aussi, c’est vrai, ce jeu est sympa.
Passer son temps à essayer de foutre gentiment la merde dans ce petit village bien propret, moi ça a fini par m’amuser.
Et oui enfin, c’est vrai également, ce jeu est plutôt malin.
Parce que l’air de rien, l’un dans l’autre, ce gameplay est plutôt instinctif et nous invite vraiment à tout tenter, parfois juste pour la saleté du geste.
Donc, d’accord, pour tout ça : « Untitled Goose Game » est un petit jeu sympa. Je le concède volontiers…
Mais bon, à bien tout prendre, de mon point de vue, ça ne reste malgré tout qu’un petit jeu.


Petit jeu d’abord parce que très court.
Personnellement, me concernant, en quatre petites heures, je l’avais bouclé à 100%.
Une durée qui ne pose pourtant pas forcément problème chez moi, puisque « What’s Remain of Edith Finch » ou « Inside » - deux titres que j’ai adoré – ne m’avaient pas forcément duré plus longtemps.
Seulement voilà, là où avec les deux jeux sus-cités j’ai eu l’impression qu’en trois ou quatre heures j’avais fait le tour d’un large panel de propositions sans jamais voir le concept se répéter, avec cet « Untitled Goose Game » l’impression a été clairement plus mitigée.


D’abord il y a la surprise de cet espace de jeu au fond très restreint.
Pouvoir arriver à la fin du jeu juste en parcourant à peine quelques centaines de mètres à pattes, j’avoue que ça m’a quand-même sérieusement interpellé.


Mais surtout, le vrai problème, c’est cette impression de manque de densité.
D’ailleurs, dès que de nouvelles tâches apparaissent par dizaines à la fin de la trame principale, on se rend bien compte que la restriction spatiale n’est pas en soi un véritable souci.
Car si la petitesse de l’espace de jeu sait être compensée par une densité sans cesse accrue de choses à faire dedans, alors ce défaut peut clairement se transformer en qualité. Non seulement ça enrichit notre vision de cet espace déjà visité, mais en plus ça nous oblige à l’intérioriser davantage. Une stratégie bien plus efficace que d’enfiler les niveaux fades à la chaine.
C’est d’ailleurs ce qu’a tenté de faire cet « Untitled Goose Game », mais malheureusement sans aller jusqu’au bout de sa démarche.


Parce que ces tâches additionnelles, finalement, elles ont vraiment un goût de trop peu.
On se rend quand-même bien compte que ce petit patelin, il aurait pu être davantage rempli. Beaucoup d’éléments ne sont finalement pas utilisés (comme les talkies-walkies ou les courriers par exemple) ce qui donne l'impression que les petits gars de House House ne sont pas allés au bout de leurs idées.
Au fond, des tâches additionnelles, il n’y en a qu’une petite quinzaine, pas plus, dont certaines s’accomplissent parfois en seulement deux ou trois minutes tandis que d’autres sont de simples reproductions de tâches précédentes mais avec un timer.
Tout ça a de quoi donner un petit goût d’inachevé et de facilité tout de même.


D’ailleurs, cette facilité, je trouve qu’on la ressent aussi dans la mise en intrigue de notre partie.
Dès le départ on nous sort d’un buisson en tant qu’oie et that’s it.
Vas-y ! Fais ta vie ! Et dès que tu t’approcheras d’un coin où il y a des gens à faire chier, on te fera une petite liste de toutes les canailleries possibles à faire.
Alors certes, ça a le mérite de la simplicité, mais moi je trouvais ça léger. Surtout qu’on ne sait pas ce qu’on gagne à tout faire ou à n’en faire que la moitié.
Et même si j’entends que l’intérêt premier du jeu se trouve justement dans ces canailleries et que toute histoire devient superflue, je trouve que ça aurait pu être intéressant de greffer au-dessus de ça un soupçon d’intrigue, histoire de nous donner envie d’avancer.


Et c’est d’autant plus rageant que ce qui manque en introduction est présent en conclusion.
Cette fin, elle a beau être très simple et minimaliste, elle n’en est pas moins assez drôle et totalement dans l’esprit du jeu.
Si les petits gars de House House avaient su nous gratifier de ce même genre de petite touche pour l’amorce de leur jeu, ça n’aurait clairement pas fait de mal.
Mais là, dans l’état actuel, ça me donne encore une fois une impression de travail fait à moitié.


Donc au fond, si je dis que ce jeu est petit, ce n’est pas que pour la faiblesse de sa durée de vie. Mais c’est aussi clairement pour sa répétitivité et son aspect clairement inachevé.
Et le problème c’est que ça ne s’arrête pas là.


Car il me reste un dernier grief à faire à cet « Untitled Goose Game » : sa jouabilité.
Parce que bon, franchement, le maniement de cette oie, ce n’est pas toujours ça.
Parfois véritable paquebot qui n’arrive plus à tourner sitôt on l’a lancé ; parfois véritable boulet manchot quand il s’agit de pousser un ballon ou un chou (bon en même temps c’est vrai : une oie c’est assez proche d’un manchot !), il n’est pas rare de criser pour une maniabilité certes globalement acceptable mais parfois franchement rigide.


Ainsi, faire la ronde à l’infini avec un personnage à qui on cherche à choper ses clefs, se retrouver bloqué dans un coin à cause de PNJ en pleine crise d’épilepsie (au point de devoir relancer la partie hein), ou bien encore hurler parce que cette connasse d’oie a encore chopé le couteau alors que vous avez tout fait pour qu’elle chope la fourchette, tout ça risque fort de faire partie de votre expérience de jeu si vous vous lancez dans ce jeu…
(Et c’est un peu relou.)


En somme donc, à bien tout prendre, il a quand-même une plâtrée de limites ce petit jeu, ce qui m’empêche de vraiment le percevoir comme une très bonne surprise parmi les surprises.


Mais bon…
…comme je le disais plus haut, je ne vais pas cracher dans la soupe non plus.
Toutes ces limites, « Untitled Goose Game » parvient à les amenuiser par le fait qu’il ne soit pas punitif pour un sou. Après tout, tout ce qu’on loupe, ça ne nous pénalise généralement que de quelques secondes de perdues avant de pouvoir recommencer (…bon, sauf pour cette saloperie de pique-nique au chou. Ceux qui l’ont fait sauront de quoi je parle.)
De même, ses défauts, « Untitled Goose Game » parvient à les compenser aussi par son atmosphère choupi et un esprit vraiment bon enfant.
Et puis enfin – n’oublions pas l’essentiel – ce jeu il nous fait accepter beaucoup de limites parce qu’il nous offre en contrepartie ce plaisir consommé d’être une véritable saloperie d’oie !


Alors oui, jeu sympa mais petit jeu.
Petit jeu mais jeu sympa.
Au fond « Untitled Goose Game » on peut le prendre un peu dans le sens qu’on veut.
Mais l’un dans l’autre, ça reste quand-même un titre qui va dans le bon sens.
Ça reste un jeu qui explore, qui expérimente et qui amuse.
Alors, oui, moi, face à ça, je n’ai clairement pas envie de trop cracher dans la soupe. Même si bon, mon récent passé d’oie m’inciterait presque à le faire.
Car après tout, il est si bon, de faire sa bonne grosse connasse d’oie…

lhomme-grenouille
6

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Créée

le 23 févr. 2020

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