Yakuza Zero
8.1
Yakuza Zero

Jeu de Ryû ga Gotoku Studio et Sega (2015PC)

Il y a beaucoup de choses bien dans la mise en scène, du fun, une super ambiance, mais j'ai envie de tempérer l'enthousiasme général que j'ai souvent vu sur ce jeu (comme beaucoup, c'est mon premier Yakuza).


Si l'histoire principale est très bien menée, avec beaucoup de finesse dans la mise en scène et dans l'écriture (les balourdises de Hollywood j'en peux plus), le scénario de gangsters arrive à être long et complexe tout en restant compréhensible ET cohérent de bout en bout et ça c'est très fort; par contre je trouve que ça reste trop lisse. Je veux dire, ça reste des gentils très gentils contre des méchants très méchants, alors qu'on parle de rivalité entre mafieux quand même. Kiryu et Majima sont des SAINTS, des angelots, des crèmes, ils n'affrontent pratiquement que des crapules qui l'ont bien mérité, et quand un méchant meurt ça n'est jamais de leur main. On se demande ce qu'ils foutent dans le monde de la pègre, leur place est à l'Armée du Salut. Vous allez me dire, gnagna le scénario aborde ce sujet, oui mais non ça sent quand même la justification facile. Y'aurait le bon yakuza et le mauvais yakuza ? Mais quel genre de yakuza il veut être Kiryu ? On ne le voit jamais racketter, tabasser, sauf UNE fois : dans la toute première scène du jeu. Alors que bon c'est un peu la définition de ce qu'est la pègre. Alors y'a un peu de trafic d'armes mais attention hein c'est pas pour alimenter le grand banditisme nan nan nan c'est par amour pour le beau katana artisanal ! Genre.


Par ailleurs j'ai un gros problème avec le ton qui oscille entre le drama du scénario principal et la bouffonnerie totale des autres activités du jeu, qui confine souvent à la niaiserie pure et dure. Ces historiettes de gros connards qui en une seconde se rendent compte qu'ils étaient des gros cons, jurent qu'ils seront le plus gentil des hommes désormais et se font automatiquement tout pardonner au passage, désolé ça passe pas. Et passer en un clin d'oeil d'un événement tragique et déprimant à une joyeuse session de karaoké, non plus. D'ailleurs le jeu veut parler de trop de choses à la fois : la bulle spéculative japonaise, les rivalités politiques, l'honneur et la fidélité... En fait, le jeu est le plus pertinent, intelligent et délicat, à quelques exceptions près, quand il aborde le sujet de la sexualité masculine, qui en occupe une bonne part. La virilité, la paternité, la relation de couple... Les quêtes secondaires à ce niveau sont parfois mémorables, comme celle où ce grand gaillard de Kiryu (20 ans, rappelons-le) tente timidement d'échapper aux regards féminins pour acheter un magazine de charme qu'il a promis d'amener à un garçonnet, qui aurait bien besoin d'être guidé par un adulte sur ce sujet.


Je trouve que l'ensemble, sous des dehors gritty, n'a en réalité aucune ambiguïté et donne l'impression d'un produit commercial très calibré pour plaire au grand public. Le jeu est d'ailleurs très marketé vers un public féminin au Japon si je ne me trompe pas.


Un mot sur la version anglaise au passage que je trouve de très haut niveau (ils ont bossé un an et demi dessus, pondant au passage des guides de jeux pour les minijeux asiatiques). Les dialogues anglais sont excellents, les registres de langue me semblent parfaitement maîtrisés, et bon dieu que c'est dur quand il faut traduire du japonais ! Les japonisants regrettent évidemment l'abus de suffixes -chan et -san, mais les Anglo-saxons ont l'habitude de procéder comme ça et à la lecture, ils semblent être souvent nécessaires pour saisir la teneur de certaines relations entre les personnages.


Techniquement c'est bien à la ramasse avec des prodiges d'habileté pour cacher la misère (la modélisation des visages en gros plan, hallucinante, avec ce qu'il faut de cartoon pour simplifier la tâche), mais bon, c'est un jeu PS3. L'ambiance des quartiers de Kamurocho et Sotenbori est formidable, les décors superbes, la musique hard rock absolument dans le ton. L'immersion du joueur occidental est évidemment bien aidée par les comédien(ne)s japonais(e)s qui font vivre leurs personnages.


Les minijeux sont d'un intérêt très inégal (le catch sexy, une énorme déception), mais comme il y en a plusieurs dizaines, tout le monde y trouvera son compte. Par exemple j'ai rien compris au mahjong, ni au baseball, j'ai même pas essayé le shogi vu que je suis déjà inapte aux échecs, je hais les discothèques, mais j'ai adoré les courses de petites voitures et j'ai pris le pli de la plupart des jeux traditionnels joués par les SDF de West Park.
Par contre, la fameuse gestion de cabaret dont on nous rebat les oreilles depuis trois ans, j'ai pas trop vu l'intérêt. C'est du niveau d'un jeu Facebook, avec des QCM aux réponses totalement random.


En fait quand on relie ce jeu à Shenmue, on va te dire que les mini quartiers plutot qu'un grand open world c'est un choix culturel, la conception japonaise de la liberté, RIEN DU TOUT: c'est juste que les Japonais n'ont pas le fric pour faire de grands mondes ouverts (d'ailleurs depuis il y a eu Breath of the Wild). La référence de Yakuza c'est totalement GTA, mais un GTA cheap, sans voitures, sans véhicules, sans plein de trucs et une fois que tu as établi la bonne comparaison, eh bien Yakuza 0, il souffre terriblement face à GTA 5. Parce que GTA 5 propose beaucoup plus de choses avec un niveau technique infiniment plus élevé, et si son ton satirique est carrément moins subtil, il est beaucoup plus cohérent entre les divers aspects du gameplay.


Après avoir tempéré l'enthousiasme quasi général sur Yakuza0, j'espère que j'en ai dit quand même assez sur ses points forts. Je n'ai pas parlé du système de combat qui est un BTU sympa et varié mais qui devient quand même d'autant plus répétitif que c'est le seul style d'action du jeu et qu'il devient trop facile (en normal) si on a monté les personnages à fond avant la fin du jeu. Et bien entendu la jouabilité dans son ensemble répond au petit poil.


Bref un fort bon jeu... mais un tantinet bancal dans le propos.

Catel_
7
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le 1 juin 2020

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Catel_

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