Cover Words (2014)

Words (2014)

Avec quelques annotations faisant part de mes ressentis, et des extraits qui m'ont marqué, sans spoilers.

2017 :
http://www.senscritique.com/liste/Words_2017/1556557
2016 (22) :
http://www.senscritique.com/liste/Words_2016/1146909
2015 ...

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27 livres

créee il y a plus de 10 ans · modifiée il y a plus de 9 ans

Crime et Châtiment
8.5

Crime et Châtiment (1867)

(traduction André Markowicz)

Pryestupleyniye i nakazaniye

Sortie : 1998 (France). Roman

livre de Fiodor Dostoïevski

Paul_ a mis 8/10.

Annotation :

"Les locataires repassèrent la porte, l'un après l'autre, avec cet étrange sentiment de satisfaction intime que l'homme le plus compatissant ne peut s'empêcher d'éprouver à la vue du malheur d'autrui, fût-ce celui d'un ami cher."

………

Finalement un peu déçu, après de telles attentes. Une fin époustouflante, mais une lecture qui a traîné sur plusieurs mois… C'est peut-être dû à mon édition de 1950, traduction de Pozner, qui m'a semblé fade et sans éclat, même si c'est sans doute un choix justifié. À relire dans quelques années dans la version de Markowicz !

La Métamorphose
7.5

La Métamorphose (1915)

Édition de Claude David

Die Verwandlung

Sortie : 1989 (France). Nouvelle

livre de Franz Kafka

Paul_ a mis 7/10.

Annotation :

"On devient complètement stupide à se lever d'aussi bonne heure. L'homme a besoin de sommeil."

"N'était-il qu'une bête, si la musique l'émouvait pareillement ?"

……...

Un récit qui m'était tombé des mains sans raison il y a un an, et qui signe enfin mon entrée dans l’œuvre de Kafka.

Sur la télévision
7.5

Sur la télévision (1996)

suivi de l'Emprise du journalisme

Sortie : 1996 (France). Essai, Cinéma & télévision

livre de Pierre Bourdieu

Paul_ a mis 7/10.

Annotation :

Pour les cours.

"La communication est instantanée parce que, en un sens, elle n'est pas. Ou elle n'est qu'apparente. L'échange de lieux communs est une communication sans autre contenu que le fait même de la communication."

………

En réalité, une de mes premières lectures intégrales d'un ouvrage de socio, et un plaisir de retrouver la rigueur sémantique de Bourdieu dont j'avais déjà lu quelques articles.

Ada ou l'Ardeur
8.3

Ada ou l'Ardeur (1969)

Ada or Ardor: A Family Chronicle

Sortie : 1975 (France). Roman

livre de Vladimir Nabokov

Paul_ a mis 10/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

"When we remember our former selves, there is always that little figure with its long shadow stopping like an uncertain belated visitor on a lighted threshold at the far end of an impeccably narrow corridor."

"I'll tell you why. From a humble but reliable sauce, I mean source, excuse my accent, I have just learned qu'on vous culbute behind every edge. Where can I find your tumbler ?"

"I cannot brood over broken hearts, mine is too recently mended."

Je pourrais citer tout le livre, en fait.

………

Roman de la profusion: beaucoup plus long, ambitieux et complexe que Lolita, et par là même, beaucoup plus incompréhensible. Nabokov nous en met plein la vue dès le début en mêlant références obscures, jeux de mots trilingues, argot de lépidéptoriste et lettres en langage codé. Le lecteur est étouffé – surtout s'il est assez insolent pour venir lire dans le texte, comme moi – et pourtant, le plaisir est là, protéiforme, mais on ne peut plus authentique. Ada se sirote (la densité des pages et le découpage en chapitres succincts n'offrent aucune alternative) comme pour mieux saisir la “texture of Time” que le personnage de Van s'évertue à décrire, cette centaine d'années et ces centaines de pages passées en compagnie d'un couple sans cesse séparé et réuni par le flux et le reflux des vagues du temps.

Véritable hapax dans la littérature moderne, Ada or Ardor est assurément imparfait, mais terriblement jouissif ; d'une richesse immense, il offre la perspective de relectures infinies.

Splendeurs et misères du travail des diplomates

Splendeurs et misères du travail des diplomates

Sortie : 11 octobre 2013 (France). Essai

livre de Françoise Piotet, Marc Loriol et David Delfolie

Paul_ a mis 6/10.

Annotation :

Pour les cours.

"Avant, les ambassadeurs étaient souvent aussi de grands écrivains, aujourd'hui ce sont les écrivains que l'on nomme ambassadeur."

.........

Long et répétitif. La structure du propos est assez bancale, du coup le rendu final ne donne pas l'impression d'avoir exploité au mieux les années d'enquête et les extraits d'entretiens qui sont les seules réjouissances de la lecture au milieu de vérités pas si méconnues que ça.

Roman avec cocaïne
8.1

Roman avec cocaïne (1934)

Roman s kokainom

Sortie : 1983 (France). Roman

livre de M. Aguéev

Paul_ a mis 9/10.

Annotation :

"C'était bizarre dans ma vie. Alors que j'éprouvais du bonheur, il suffisait de penser que ce bonheur n'était pas là pour longtemps, et il cessait aussitôt d'être."

"Et enfin un arrêt et un point final, et la certitude (ressentie combien de fois déjà, et chaque fois à sa façon) que les charmes d'un corps de femme qui enflamment les sens sont comme les odeurs de cuisine - excitants quand on a faim, répugnants quand on est rassasié."

………

Ce qui frappe après la lecture de Roman avec cocaïne, c'est le caractère aporétique, presque mensonger du titre. La drogue, en apparaissant seulement au dernier quart du récit, n'est finalement qu'un prétexte, qu'un moyen d'accentuer les sensations de Vadim. Les parties qui précèdent sont déjà saisissantes de réalité. La très brève histoire d'amour avec Sonia est comme un roman à elle seule tant elle marque au fer rouge. Et dire qu'on a attribué ce livre à Nabokov, c'en est pourtant tellement dissemblable...

Au cœur des ténèbres
7.7

Au cœur des ténèbres (1899)

(traduction Jean Deurbergue)

Heart of Darkness

Sortie : 1902 (France). Nouvelle

livre de Joseph Conrad

Paul_ a mis 8/10.

Annotation :

"We live, as we dream - alone…"

"There were moments when one's past came back to one, as it will sometimes when you have not a moment to spare to yourself; but it came in the shape of an unrestful and noisy dream, remembered with wonder amongst the overwhelming realities of this strange world of plants, and water, and silence. And this stillness of life did not in the least resemble a peace. It was the stillness of an implacable force brooding over an inscrutable intention. It looked at you with a vengeful aspect."

"I have wrestled with death. It is the most unexciting contest you can imagine. It takes place in an impalpable greyness, with nothing underfoot, with nothing around, without spectators, without clamour, without glory, without the great desire of victory, without the great fear of defeat, in a sickly atmosphere of tepid scepticism, without much belief in your own right, and still less in that of your adversary."

………

Une lecture plus ardue qu'elle n'y paraît. One does not simply walk into Mordor… La forme épouse tellement le fond que le voyage vers Kurtz étouffe, asphyxie - on sentirait presque la moiteur de la jungle - mais il est fascinant de constater qu'une fois Marlow rentré en Europe, c'est comme un bol d'air, et le style est alors épuré, cristallin, à l'image des larmes de la fiancée.

Les Chants de Maldoror
8.2

Les Chants de Maldoror (1869)

Sortie : 1869 (France). Poésie

livre de Comte de Lautréamont (Isidore Ducasse)

Paul_ a mis 6/10.

Annotation :

"Je voudrais t'aimer et t'adorer : mais, tu es trop puissant, et il y a de la crainte, dans mes hymnes. Si, par une seule manifestation de ta pensée, tu peux détruire ou créer des mondes, mes faibles prières ne te seront pas utiles; si, quand il te plaît, tu envoies le choléra ravager les cités, ou la mort emporter dans ses serres, sans aucune distinction, les quatre âges de la vie, je ne veux pas me lier avec un ami si redoutable."

"J'ai reçu la vie comme une blessure, et j'ai défendu au suicide de guérir la cicatrice. Je veux que le Créateur en contemple, à chaque heure de son éternité, la crevasse béante. C'est le châtiment que je lui inflige."

.........

Eh bien, la lecture des Chants a été pour moi aussi douloureuse que les tortures qu'inflige Maldoror à ceux qui ont le malheur de croiser son chemin... Une prose peu engageante - et pourtant l'incipit avait de quoi prévenir - qui force néanmoins l'"âme timide" à traverser au moins les trois premiers chants, à reculons, suivant un sentier tortueux, jusqu'à ce que, inéluctablement, le lecteur fragile finisse par trébucher, partagé entre admiration et répulsion, et se résolve à survoler le reste de l’œuvre.

En définitive, une poésie qui ne parvient pas à me toucher (sans que je sois pour autant circonspect vis-à-vis du fond) malgré quelques passages remarquables, parmi lesquels les fameux "il est beau comme".

Demande à la poussière
8.1

Demande à la poussière (1939)

Ask the Dust

Sortie : 1986 (France). Roman

livre de John Fante

Paul_ a mis 8/10.

Annotation :

"Almighty God, I am sorry I am now an atheist, but have You read Nietzsche ? Ah, such a book!"

"I have seen them stagger out of their movie palaces and blink their empty eyes in the face of reality once more, and stagger home, to read the Times, to find out what's going on in the world. I have vomited at their newspapers, read their literature, observed their customs, eaten their food, desired their women, gaped at their art. But I am poor, and my name ends with a soft vowel, and they hate me and my father, and my father's father, and they would have my blood and put me down, but they are old now, dying in the sun and in the hot dust of the road, and I am young and full of hope and love for my country and my times, and when I say Greaser to you it is not my heart that speaks, but the quivering of an old wound, and I am ashamed of the terrible thing I have done."

"[...] and Arturo Bandini was pretty good that night, because he was talking to his true love, and it wasn't you, and it wasn't Vera Rivken either, it was just his true love."

.........

Je crois n'avoir jamais autant "lu" un auteur à travers son œuvre que dans Ask the Dust. Fante, par l'intermédiaire de son alter-ego Bandini, se livre sans aucune pudeur, avec un tel naturel que ça en devient presque gênant. Et dès lors, l'émoi suscité par la lecture est décuplé - et même si Arturo est un peu con quand même, on finit par s'y attacher. Sans oublier l'atmosphère toute singulière qui émane de ces pages, hantées par la figure de Camilla, L.A. Woman par excellence.

Le Gai Savoir
8.2

Le Gai Savoir (1882)

(traduction Henri Albert)

Die fröhliche Wissenschaft

Sortie : 1882 (Allemagne). Essai, Philosophie

livre de Friedrich Nietzsche

Paul_ a mis 10/10.

Annotation :

"L'homme se fait une image de la femme, et la femme se forme selon cette image."

"On ne se dit sursaturé des gens que quand on ne peut plus les digérer, alors qu'on en a tout plein l'estomac. La misanthropie n'est que la conséquence d'un amour trop gourmand de l'humanité, d'une "anthropophagie" - mais qui donc, mon prince Hamlet, vous incita jamais à avaler les gens comme des huîtres ?"

"Ce qui me rend heureux, c'est de voir que les hommes refusent absolument de penser la pensée de la mort !"

Et ce n'est qu'une infimité de l'infinité que représente ce livre.

………

Qu'ai-je fait jusque-là dans ma vie au lieu de lire Nietzsche ? Au moins un aphorisme sur deux me fait l'effet d'un tremblement de terre quand ce n'est pas l'autre moitié qui me donne des frissons de plaisir. Pour parler musique - puisque le Déicide aime bien ça -, le Gai savoir est une symphonie parfaite, qui touche à toutes les échelles sans jamais paraître sonner faux.

Maîtres anciens
7.9

Maîtres anciens

Alte Meister - Komödie

Sortie : 1985 (France). Roman

livre de Thomas Bernhard

Paul_ a mis 9/10.

Annotation :

"J'ai toujours eu horreur des rassemblements de gens, je les ai évités durant toute ma vie, jamais je ne suis allé à quelque rassemblement de gens que ce soit à cause de ma haine des masses, pas plus que Reger, d'ailleurs, je ne déteste rien plus que la masse, la foule, même sans me joindre à elle, je crois sans cesse que je vais être écrasé par la masse ou par la foule. Dès mon enfance je l'ai évitée, la masse, j'ai détesté la foule, le rassemblement de gens, cette concentration de grossièreté et d'étourderie et de mensonge."

"Hé oui, a dit Reger, même si nous le maudissons et même si, parfois, il nous paraît complètement superflu et si nous sommes obligés de dire qu’il ne vaut tout de même rien, l’art, lorsque nous regardons ici les tableaux de ces soi-disant maîtres anciens, qui très souvent et naturellement avec les années nous paraissent de plus en plus profondément inutiles et vains, et de plus, rien d’autre que des tentatives impuissantes pour s’établir habilement sur la terre entière, tout de même rien d’autre ne sauve les gens comme nous que justement cet art maudit et satané et souvent répugnant à vomir et fatal, voilà ce qu’a dit Reger."

.........

Peut-être légèrement surnoté, mais le point de trop vaut pour un plaisir auquel je ne m'attendais pas forcément en attaquant un tel morceau. Le concept de base est fascinant : depuis 30 ans un homme vient, un matin sur deux, s'asseoir sur la banquette d'un musée pour y observer toujours le même tableau. Bernhard nous relate les réflexions de cet homme sur l'art et sur la vie, page par page, vague par vague, jusqu'à nous noyer dans un raz-de-marée de véhémence. La critique de l'Etat y est parfois facile voire puérile mais on se prend vite au jeu, pour finir par anticiper chaque remous avec une délectation clairement malsaine.

Voyage au bout de la nuit
8

Voyage au bout de la nuit (1932)

Sortie : 15 octobre 1932 (France). Roman

livre de Louis-Ferdinand Céline

Paul_ a mis 9/10.

Annotation :

"C'est tout vibrant, tout rayonnant qu'elle m'aurait voulu, et moi, de mon côté, je ne concevais pas du tout pourquoi j'aurais été dans cet état-là, sublime, je voyais au contraire mille raisons, toutes irréfutables, pour demeurer d'humeur exactement contraire."

"On avait à peine le temps de les voir disparaître les hommes, les jours et les choses dans cette verdure, ce climat, la chaleur et les moustiques. Tout y passait, c'était dégoûtant, par bouts, par phrases, par membres, par regrets, par globules, ils se perdaient au soleil, fondaient dans le torrent de la lumière et des couleurs, et le goût et le temps avec, tout y passait. Il n'y avait que de l'angoisse étincelante dans l'air."

"En somme, tant qu'on est à la guerre, on dit que ce sera mieux dans la paix et puis on bouffe cet espoir-là comme si c'était du bonbon et puis c'est rien quand même que de la merde."

.........

Le journal d'un nihiliste qui voyage de désillusions en désillusions... Logorrhée météorique sortant d'une bouche pleine de bile... Un homme qui, partout où il va, se retrouve toujours à la fin à marcher tout seul, dans sa nuit... "N’importe où ! n’importe où ! pourvu que ce soit hors de ce monde !" criait l'âme d'un autre Parisien désabusé...

La Psychanalyse du feu
7.5

La Psychanalyse du feu (1938)

Sortie : 4 novembre 1985 (France). Essai, Philosophie

livre de Gaston Bachelard

Paul_ a mis 7/10.

Annotation :

"Celui qui travaille le silex aime le silex et l'on n'aime pas autrement les pierres que les femmes."

"Puisque le feu se dépense dans l'animal, c'est qu'il s'économise dans le minéral. Là il est caché, intime, substantiel, donc tout-puissant. De même, un amour taciturne passe pour un amour fidèle."

.........

Je dois avouer ne pas avoir tout compris. J'ai beaucoup de mal à lire des essais en général, mon esprit critique est sans doute trop peu entraîné. Il n'empêche que la lecture de la Psychanalyse du feu est agréable car fournie de références, souvent sous forme de citations, à des auteurs d'un autre temps, que le bon Gaston s'est efforcé de sortir de l'oubli. Dommage que la plupart des complexes qu'il présente me soient restés relativement flous, tout comme sa propension à chercher l'objectivité à tout prix, qui ne m'a totalement convaincu.

Du côté de chez Swann
8

Du côté de chez Swann (1913)

À la recherche du temps perdu / 1

Sortie : 14 novembre 1913. Roman

livre de Marcel Proust

Paul_ a mis 10/10.

Annotation :

"Un petit coup au carreau, comme si quelque chose l'avait heurté, suivi d'une ample chute légère comme de grains de sable qu'on eût laissés tomber d'une fenêtre au-dessus, puis la chute s'étendant, devenant fluide, sonore, musicale, innombrable, universelle : c'était la pluie."

"Mais depuis que Swann était si triste, ressentant toujours cette espèce de frisson qui précède le moment où l'on va pleurer, il avait le même besoin de parler du chagrin qu'un assassin a besoin de parler de son crime. En entendant la Princesse lui dire que la vie était une chose affreuse, il éprouva la même douceur que si elle lui avait parlé d'Odette."

"Ce nom de Swann d’ailleurs, que je connaissais depuis si longtemps, était maintenant pour moi, ainsi qu’il arrive à certains aphasiques à l’égard des mots les plus usuels, un nom nouveau. Il était toujours présent à ma pensée et pourtant elle ne pouvait pas s’habituer à lui. Je le décomposais, je l’épelais, son orthographe était pour moi une surprise."

.........

Ah, Proust. Tout un monde.

Passages
8

Passages (1950)

Sortie : 1950 (France). Poésie

livre de Henri Michaux

Paul_ a mis 6/10.

Annotation :

"Le Robot mélancolique, qui sait qu'il est robot, n'a plus de plaintes, n'a plus de cris. Il ne les ose plus, sachant maintenant qu'il est robot. Pourquoi crierait-il ? Pourquoi ferait-il des histoires ?"

"Les peuples ont trouvé différentes choses à leur convenance. Certaines de ces choses, il me semble que moi-même j'eusse pu les trouver, tandis que d'autres, non, absolument pas. Ainsi les cygnes. Je veux dire leur utilisation, les avoirs mis dans de grands bassins pour les y contempler. Jamais je n'aurais trouvé ça. Et si ces pédants volatiles s'étaient trouvés par hasard sur une pièce d'eau près de moi, je les aurais plutôt fait déguerpir. Jamais non plus je n'aurais imaginé leur étonnante fortune en tant de pays. Car les faits sont là : on les regarde."

.........

Je lis un peu de poésie pour avancer dans mon programme. Légèrement déçu pour mon premier Michaux, qui a des idées, c'est évident, mais qui ne parviennent pas - à mes yeux - à dépasser le simple stade d'idées : le style est plat, presque quelconque, et ne met pas en relief ces dernières. La distinction que j'opère entre fond et forme est sans doute un peu radicale, mais j'ai toujours eu la conviction que la fusion des deux est essentielle, surtout en poésie. Ca reste bon tout de même, et j'ai hâte de rebondir sur ses recueils plus connus.

Le Roman inachevé
8.1

Le Roman inachevé (1956)

Sortie : 1956 (France). Poésie

livre de Louis Aragon

Paul_ a mis 7/10.

Annotation :

"Moi je forme en ma bouche et ma tête sonore
Un vers qui s’en arrachera comme un sanglot
Ils me prendront au mieux pour un triste ténor
Je donne mon sang rouge à quelqu’un que j’ignore
Et pour lui ce ne sera jamais que de l’eau"

.........

Roman inachevé, lecture inachevée... Ce n'est pas dans mon habitude d'abandonner un livre avant d'avoir atteint la dernière page, mais voyage oblige, Aragon n'a pas trouvé sa place dans la valise... Belle poésie estivale néanmoins, des vers sans ponctuation comme je les aime (leur forme encore plus éclatée chez Apollinaire avait déjà fait mon bonheur) et un rythme à prendre au fil des poèmes. Le problème, c'est justement que j'ai eu du mal à véritablement y entrer.

Le Livre de l'intranquillité
8.5

Le Livre de l'intranquillité

O Livro do desassossego por Bernardo Soares

Sortie : 1982 (France). Journal & carnet, Aphorismes & pensées

livre de Fernando Pessoa

Paul_ a mis 10/10 et a écrit une critique.

Annotation :

"Nous vivons une bibliophilie d'analphabètes, un entracte avec orchestre."

"Le paysan, le lecteur de romans, le pur ascète - ces trois-là connaissent le bonheur, car ils renoncent tous trois à leur personnalité : l'un parce qu'il vit selon l'instinct, qui est impersonnel, le deuxième parce qu'il vit par l'imagination, qui est oubli, le dernier parce qu'il ne vit pas et que, sans être mort, il dort."

"On se lasse de penser, d'avoir des opinions personnelles, de vouloir penser pour agir. On ne se lasse point cependant, d'adopter, même transitoirement, les opinions d'autrui, dans le seul but d'éprouver leur influence, sans pour autant céder à leur impulsion."

.........

Voir ma critique.

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur
8.1

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur (1960)

To Kill a Mockingbird

Sortie : 1961 (France). Roman

livre de Harper Lee

Paul_ a mis 8/10.

Annotation :

“Until I feared I would lose it, I never loved to read. One does not love breathing.”

“With him, life was routine; without him, life was unbearable.”

.........

J'avais peur de ne pas aimer ce livre, d'ordinaire je ne suis pas vraiment attiré par ce genre de roman trop plein de bons sentiments. Il n'empêche que Lee détient un talent indéniable pour aborder des sujets sensibles avec légèreté et subtilité ; le point de vue des enfants est très bien rendu. Une belle surprise donc !

Clair-obscur
7.9

Clair-obscur (1916)

Meian

Sortie : 1989 (France). Roman

livre de Natsume Sōseki

Paul_ a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

"- Pourquoi Kiyoko ne s'est-elle pas mariée avec vous ?
Cette fois-ci, Tsuda répondit comme pour renvoyer un écho.
- Je ne sais pas, mais je ne comprends pas du tout pourquoi. C'est tout simplement mystérieux. J'ai beau réfléchir, rien ne sort.
- Elle a donc épousé M. Seki, un beau jour.
- C'est ça, un beau jour. A vrai dire, ce fut même beaucoup plus court qu'un jour. Le temps de dire « ciel ! », je me suis retourné : elle était déjà mariée.
- Qui a dit « ciel ! » ?
Pour Tsuda, rien n'était aussi dépourvu de sens que cette question. Cela ne la regardait pas de savoir qui avait dit « ciel ! ». Mais Mme Yoshikawa insista.
- C'est vous qui avez dit « ciel ! », ou Kiyoko ? Ou bien avez-vous dit tous les deux « ciel ! » ?
- Eh bien..."

"A force de contempler le visage sincère de Nobuko, Tsuda se laissait prendre peu à peu. Son caractère n'était pas autant empreint de poésie que celui de Nobuko. Cependant, un fait un peu inquiétant le menaçait de loin. La poésie de Nobuko – ce qu'il appelait son illusion – commençait à produire peu à peu son effet. C'était comme un oiseau qu'il croyait mort et qui, sous ses caresses, lui semblait soudain battre des ailes : il se sentit mal à l'aise et mit aussitôt fin à la conversation."

.........

Oh, comme j'aimerais pouvoir lire le japonais ! Quel plaisir cela doit être de ressentir pleinement la force des mots de Sōseki ! Quelle douleur aussi ! Car dans Clair-Obscur, chaque mot semble être une perturbation, un cri étouffé ; un regard fuyant vous retourne le cœur, une parole de trop et ce sont les larmes qui montent aux yeux. Tsuda est la marionnette principale de son auteur sans pitié, qui n'hésite pas à l'empêtrer dans des dialogues sans fin, dialogues qui n'ont de cesse de ronger son ego, petit à petit. Lecture fastidieuse s'il en est, ce roman laisse pantois par l'intelligence dont il fait preuve, tout particulièrement dans la construction minutieuse de ses personnages.

Et dans ce sourire final énigmatique on essaiera d'entrevoir le symbole d'une fin heureuse pour un auteur mythique emportant son œuvre avec lui : "Il était en effet vautré sur une feuille où il avait marqué seulement le chiffre du chapitre : 189, et il n'y avait pas une ligne écrite." (Mémoires de Kyōko, femme puis veuve de Sōseki.)

Feu pâle
8

Feu pâle (1962)

Pale Fire

Sortie : 1965 (France). Roman

livre de Vladimir Nabokov

Paul_ a mis 8/10.

Annotation :

“And he absolutely had to find her at once to tell her that he adored her, but the large audience before him separated him from the door, and the notes reaching him through a succession of hands said that she was not available; that she was inaugurating a fire; that she had married an American businessman; that she had become a character in a novel; that she was dead.”

“Of the not very many ways known of shedding one's body, falling, falling, falling is the supreme method, but you have to select your sill or ledge very carefully so as not to hurt yourself or others. Jumping from a high bridge is not recommended even if you cannot swim, for wind and water abound in weird contingencies, and tragedy ought not to culminate in a record dive or a policeman's promotion. If you rent a cell in the luminous waffle, room 1915 or 1959, in a tall business centre hotel browing the star dust, and pull up the window, and gently - not fall, not jump - but roll out as you should for air comfort, there is always the chance of knocking clean through into your own hell a pacific noctambulator walking his dog; in this respect a back room might be safer, especially if giving on the roof of an old tenacious normal house far below where a cat may be trusted to flash out of the way. Another popular take-off is a mountaintop with a sheer drop of say 500 meters but you must find it, because you will be surprised how easy it is to miscalculate your deflection offset, and have some hidden projection, some fool of a crag, rush forth to catch you, causing you to bounce off it into the brush, thwarted, mangled and unnecessarily alive. The ideal drop is from an aircraft, your muscles relaxed, your pilot puzzled, your packed parachute shuffled off, cast off, shrugged off - farewell, shootka (little chute)! Down you go, but all the while you feel suspended and buoyed as you somersault in slow motion like a somnolent tumbler pigeon, and sprawl supine on the eiderdown of the air, or lazily turn to embrace your pillow, enjoying every last instant of soft, deep, death-padded life, with the earth's green seesaw now above, now below, and the voluptuous crucifixion, as you stretch yourself in the growing rush, in the nearing swish, and then your loved body's obliteration in the Lap of the Lord.”

.........

La magie des premiers jours commence déjà à s'estomper. Une plume toujours éblouissante, du méta en veux-tu en voilà, de l'humour, mais il manque quelque chose. Je ne sais pas quoi.

L'Art de la guerre
7.5

L'Art de la guerre

Essai, Culture & société

livre de Sun Tzu

Paul_ a mis 7/10.

Annotation :

“All warfare is based on deception. Hence, when we are able to attack, we must seem unable; when using our forces, we must appear inactive; when we are near, we must make the enemy believe we are far away; when far away, we must make him believe we are near.”

.........

Je m'offre des petites gourmandises au milieu des mastodontes pour tenter de remplir mes objectifs de l'année. Se lit très très vite, j'y reviendrai sûrement à la veille d'un exam ou autre, ça s'y prête particulièrement bien je trouve. Plus qu'un ouvrage de stratégie militaire, un petit traité de philo et le dernier témoignage d'une civilisation perdue.

Trois contes
7.1

Trois contes (1877)

Sortie : 1877 (France). Recueil de contes

livre de Gustave Flaubert

Paul_ a mis 8/10.

Annotation :

"Puis ce fut l’emportement de l’Amour qui veut être assouvi. Elle dansa comme les prêtresses des Indes, comme les Nubiennes des Cataractes, comme les Bacchantes de Lydie. Elle se renversait de tous les côtés, pareille à une fleur que la tempête agite. Les brillants de ses oreilles sautaient, l’étoffe de son dos chatoyait ; de ses bras, de ses pieds, de ses vêtements jaillissaient d’invisibles étincelles qui enflammaient les hommes. Une harpe chanta, et la multitude y répondit par des acclamations. Sans fléchir ses genoux en écartant les jambes, elle se courba si bien que son menton frôlait le plancher, - et les nomades habitués à l’abstinence, les soldats de Rome experts en débauches, les avares publicains, les vieux prêtres aigris par les disputes – tous – dilatant leurs narines, palpitaient de convoitise."

.........

Un plaisir de retrouver Flaubert dans ces trois contes testamentaires. Quelques pages lui suffisent pour installer une ambiance, dans son style toujours très épuré, garni d'un vocabulaire témoignant d'une formidable érudition. Et puis il y a des perroquets et des têtes coupées, c'est cool.

Gatsby le magnifique
7.4

Gatsby le magnifique (1925)

(traduction Philippe Jaworski)

The Great Gatsby

Sortie : 2012 (France). Roman

livre de F. Scott Fitzgerald

Paul_ a mis 7/10.

Annotation :

“If personality is an unbroken series of successful gestures, then there was something gorgeous about him, some heightened sensitivity to the promise of life, as if he were related to one of those intricate machines that register earthquakes ten thousand miles away. This responsiveness had nothing to do with that flabby impressionability which is dignified under the name of the 'creative temperament'-- it was an extraordinary gift for hope, a romantic readiness such as I have never found in any other person and which it is not likely I shall ever find again. No--Gatsby turned out all right at the end; it is what preyed on Gatsby, what foul dust floated in the wake of his dreams that temporarily closed out my interest in the abortive sorrows and short-winded elations of men.”

"So we beat on, boats against the current, borne back ceaselessly into the past."

.........

Très agréable à suivre, comme la plupart des narrations à la première personne, on apprécie le mythe autour de ce personnage et de cette époque dorée. Mais voilà, aussitôt lu, aussitôt oublié. Le côté polar m'a un peu dérangé, entre autres.

La Mort de Virgile
8.1

La Mort de Virgile

Der Tod des Vergil

Sortie : 1945 (France). Roman

livre de Hermann Broch

Paul_ a mis 9/10.

Annotation :

"[...] là, le désespoir commença à l'envahir, là, parmi ces antres de vermine et cette décrépitude la plus misérable, là en présence de ce dernier échelon de la réclusion terrestre, en présence de ce lieu où l'on naît, dans un enfantement haineux, où l'on crève d'une mort haineuse, où l'entrée et la sortie de la vie sont entremêlées dans la plus étroite fraternité, où toutes les deux sont un sinistre pressentiment, anonymes toutes les deux et confondues dans le rêve ténébreux d'une malédiction en dehors du temps; là, dans l'obscurité, dans cette perversité la plus anonyme qui soit, pour la première fois il fut contraint de se voiler la face, il fut contraint de le faire au milieu du glapissement des femmes et de leurs rires jubilants, il fut contraint de le faire pour devenir un aveugle volontaire, tandis qu'on lui faisait monter marche par marche l'escalier de la ruelle de misère -"

"La mer se soulevait en vagues plates, douces, presque tabulaires, molles et d'un gris crépusculaire, et sur cette surface lisse, pesante comme du plomb et pourtant ténue comme un souffle, le murmure se dissociait, il se dissociait hors de toute audition dans cette force crépusculaire, qui, avec la légèreté d'un souffle, portait sur son miroir la procession des navires; nacrée mais incolore, la conque du ciel s'ouvrait au-dessus de la mer, Plotius ramait, et en arrière demeuraient les bruits de la vie, apportés par la brise, des rivages lointains qui s'enfonçaient [...]"

.........

Il y a quelque chose de profondément mystique dans La mort de Virgile ; on en sort avec l'impression d'avoir vécu une "near-death experience". Asphyxiés, prisonniers tout le long de cette chambre et de ce chant funèbre sans fin, on se prend pourtant à admirer cette densité incroyable, à apprécier ces vagues de mots magnifiquement traduits, à croire en la stérilité de l'art et l'aridité de la vie. Composé alors que le monde tombe dans l'abîme, Broch se sert de son récit comme un moyen de revenir aux sources, à la recherche de vérités perdues, pour détourner son regard du sombre présent l'espace d'un instant.

Vingt-quatre Heures de la vie d'une femme
7.7

Vingt-quatre Heures de la vie d'une femme (1927)

Vierundzwanzig Stunden aus dem Leben einer Frau

Sortie : 1927 (France). Nouvelle

livre de Stefan Zweig

Paul_ a mis 8/10.

Annotation :

"La reconnaissance, on la voit si rarement se manifester chez les gens ! Et même les plus reconnaissants ne trouvent pas l’expression qu’il faudrait ; ils se taisent, tout troublés ; ils ont honte et contrefont souvent l’embarras, pour cacher leurs sentiments. Mais ici, dans cet être à qui Dieu comme un sculpteur mystérieux avait donné tous les gestes capables d’exprimer les sentiments d’une manière sensible, belle et plastique, le geste de la reconnaissance brillait comme une passion qui rayonnait de tout son corps."

Le Bruit et la Fureur
7.8

Le Bruit et la Fureur (1929)

The Sound and the Fury

Sortie : 1938 (France). Roman

livre de William Faulkner

Paul_ a mis 9/10.

Annotation :

"I've seed de first en de last," Dilsey said. "Never you mind me."
"First en last whut?" Frony said.
"Never you mind," Dilsey said. "I seed de beginnin, en now I sees de endin.”

Ulysse
7.7

Ulysse (1922)

(traduction Auguste Morel)

Ulysses

Sortie : 1929 (France). Roman

livre de James Joyce

Paul_ a mis 9/10.

Annotation :

Je vous mets plein de citations pour vous inciter à le lire en anglais héhé.

"I fear those big words, Stephen said, which make us so unhappy."

"Maeterlinck says: if Socrates leave his house today he will find the sage seated on his doorstep. If Judas go forth tonight it is to Judas his steps will tend. Every life is many days, day after day. We walk through ourselves, meeting robbers, ghosts, giants, old men, young men, wives, widows, brothers-in-love. But always meeting ourselves."

"- Sure, you'd burst the tympanum of her ear, man, Mr Dedalus said through smoke aroma, with an organ like yours.
In bearded abundant laughter Dollard shook upon the keyboard. He would."

"It soared, a bird, it held its flight, a swift pure cry, soar silver orb it leaped serene, speeding, sustained, to come, don't spin it out too long long breath he breath long life, soaring high, high resplendent, aflame, crowned, high in the effulgence symbolistic, high, of the ethereal bosom, high, of the high vast irradiation everywhere all soaring all around about the all, the endlessnessness..."

"If he had smiled why would he have smiled?
To reflect that each one who enters imagines himself to be the first to enter whereas he is always the last term of a preceding series even if the first term of a succeeding one, each imagining himself to be first, last, only and alone, whereas he is neither first nor last nor only nor alone in a series originating in and repeated to infinity."
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Fini le 31 décembre. Si ça c'est pas une merveilleuse façon de terminer l'année...

Paul_

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