Black Metal : La première vague 1981-1991 [en cours]

Annotation :

1981.

Style : Speed garage / NWOBHM teubé.

Là où tout commence. Là où la crasse s'est tellement immiscée dans l'engrenage pour que ce soit compris par beaucoup comme "différent", comme le départ d'autre chose. Une crasse vraiment black metal.

Car pour l'époque, le visuel est noir, choquant et complètement occulte. Car pour l'époque, une telle énergie ne s'était pas encore entendue sauf chez Motörhead. Mais là, c'est la décadence bâtarde entre un speed mal joué et caverneux, un heavy metal garage sans technique et déjà des attributs limite thrash.

Un feeling très malsain pour l'époque malgré ce groove. Une entrée en matière atmosphérique sur "Witching Hour" qui rappelle ce qui se fera dix ans plus tard. Les tambours de l'enfer sur le titre éponyme. Le Noir est déjà ici.

Annotation :

1982

Style : Speed garage / NWOBHM teubé.

Un an plus tard, Venom remets le couvert avec la même musique et la formule est enfin lancée : Black Metal. Pochette noire et blanche. Tête de bouc et écriture gothique.

"Mais eugneugneu, c'est pas du black metal, c'est juste un nom, une attitude." Justement. L'attitude, l'aura et la volonté d'une ambiance souterraine auront tellement influencé les compositeurs européens au cours de cette décennie que Black Metal de Venom EST du black metal. C'est joué trop vite pour son époque, trop mal et avec une telle adrénaline que Venom mêlait grand guignol et ultra-violence avec une véritable authenticité de punks à chiens.

Annotation :

1982.

Style : Heavy Metal occulte.

Plus difficile cette fois. Mercyful Fate revient néanmoins régulièrement dans les articles et listes qui parlent de proto-black metal. Nous avons affaire avec un authentique groupe de heavy metal très influencé par la NWOBH. Pas de crasse rutilante, ni d'influences punk. Beaucoup de solos mélodiques typiques et de riffs harmoniques. On est loin des gammes pentatoniques primaires utilisées par les autres groupes.

Mais vous l'aurez compris, la pochette en dit très long et pour 1982 c'était vraiment un choc. La même année, "Death Penalty" de Witchfinder General faisait scandale avec une pochette plus "douce". Corpse-paint du chanteur King Diamond, ambiance ultra macabre et occulte, prestations scéniques digne d'un film d'horreur. Encore une fois, je le répète, c'était un choc pour l'époque. Et cela a nourri la future scène black metal.

Annotation :

1982.

Style : Crust Punk / Hardcore.

Je crève l'abcès. OUI, Discharge avec cet album a influencé durablement le black metal, du moins certains groupes phares. Première et deuxième vague comprises. On peut débattre autant qu'on veut sur l'influence du punk sur le black metal mais CE Discharge là, pas de doute. Si bien entendu les musiciens n'en étaient pas conscients à l'époque, il serait malhonnête de le nier. Quorthon l'a révélé au cours d'interviews (comment ne pas reconnaître la verve de "I won't suscribe" ou "Meanwhile" sur ses premiers albums ?). Fenriz de Darkthrone a lui-même reconnu l'énorme influence de ce groupe sur leur période post-The Cult Is Alive. Et Ildjarn ? et tous les groupes primitivistes à la Odelegger, Akitsa et compagnie ? Il y a du punk. Il y a Discharge.

L'album est énorme. Il sent la foudre, la saturation, la colère, le garage qui pue le pétrole et le juvénile esprit de destruction qui sera adopté par des nordiques peu après. Riffs acérés, simples, rapides mais pas seulement. Un crachat à la gueule brut et frontal à l'opposé d'une scène punk qui s'embourgeoise, d'expérimentations en tout genre avec la cold wave. Un retour aux sources. Minimaliste, méchant et guerrier.

Annotation :

1983

Style : Thrash Metal.

J'ai eu une petite hésitation pour mettre le premier Slayer dans cette liste mais je dois me rendre à l'évidence. L'influence de la bande d'Araya sur le futur black metal est notable et de nombreux groupes de thrash auront contribué.

Je ne reviens pas sur l'excellence de cette première offrande aux mélodies acides, riffs tueurs encore gorgés de speed. Tout a déjà été dit dessus. La brutalité encore inédite pour l'époque, l'artwork et les paroles frontales et les cris de rage d'Araya prennent à rebours une scène heavy dont la complexité technique va crescendo et des thématiques de série B et fantasy.

Annotation :

1983.

Style : heavy metal occulte.

Le premier album longue-durée de Mercyful Fate et si vous avez lu mon texte sur leur EP au dessus, on est en plein dedans.

Toujours un heavy metal très influencé par la NWOBHM, toujours pas grand chose de comparable techniquement et musicalement mais l'ambiance est de plus en plus macabre, le chant de King de plus en plus aiguë (et même plus "hurlé). Les paroles sataniques sont de plus en plus frontales, à l'instar des autres groupes de cette période (Slayer, Venom).

Plus concrètement, l'ambiance occulte quitte pour de bon les terres du metal bluesy à Papa pour entrer de façon plus organique dans celui de la rapidité et des lignes mélodiques agressives.

Annotation :

1984.

Style : Speed garage

Et je termine ici avec Venom (car avec Possessed, ce sera vraiment de la redite). C'est toujours aussi grand-guignol, aussi direct et neuneu, mais le groupe souhaite "innover" avec une longue piste de vingt minutes entrecoupées de passages plus atmosphériques (guitare acoustiques, effets sonores, ce qui était une nouveauté pour l'époque).

Un album auquel j'ai personnellement moins accroché.

Annotation :

1984.

Style : heavy metal occulte.

Pareil, j'arrête ici avec Mercyful Fate (et King Diamond). La même chose qu'au dessus à la différence qu'il s'agit d'un des plus grands albums de heavy de tous les temps. Tout y est, les riffs imparables, l'écriture géniale, les changements de rythmes opportuns et variés et cette ambiance.

Pas pour rien que plusieurs groupes de la seconde vague le reprendront (comme Emperor avec "Gypsy")

Annotation :

1984.

Style : Thrash metal necro.

On commence un peu à s'en rapprocher stylistiquement. Bien sûr, Sodom aura toujours fait du thrash mais le couplé "In The Sign Of Evil" / "Obsessed By Cruelty" mets un bon pied dans le plat.

Riffs simples mais qui mettent dans le mille à chaque fois, production sale, énergie adolescente très violente pour l'époque et surtout des vocaux (proches de Venom mais plus tranchants et habités par le Diable) qui se rapprochent de plus en plus des hurlements types bm.

En dehors, l'EP est génial.

Annotation :

1984.

Style : gros Thrash de bonhommes.

Proche dans l'esprit de ce que fait déjà Sodom avec son "In The Signe Of Evil" mais avec une énergie à mon sens encore plus énorme, la production aidant. Si les structures sont plus classiquement thrash (avec des solo très solides en plus), ces groupes donnent une idée du genre black/thrash encore pratiqué aujourd'hui sans d'énormes différences. Écoutez des Nifelheim pour voir... Les vocaux de Marcel Schirmer chatouillent les gueulements de Quorthon de Bathory.

Encore plus "black metal", essayez de vous dégoter "A Black Metal Night" sorti en... 1989 avec l'enregistrement d'une répet' de 1984. Introuvable sur SC puisqu'il s'agit d'un bootleg. Néanmoins, la pochette, le nom, le chant caverneux, l'horrible son très raw en font également une pièce historique.

Annotation :

1984.

Style : thrash lourd, morne et décharné.

Tom Warrior est quelque part un des premiers black metalleux de l'histoire. Quand Venom, King Diamond avaient encore un côté très spectacle, notre suisse veut vomir à la face du monde sa colère et surtout son déracinement du monde moderne. Les premiers enregistrements d'Hellhammer en 1983 ont apporté des ambiances absolument dérangeantes et glaciales pour l'époque. Pas de spectacle, un thrash peu enjoué, parfois même lent et rampant qui tue le fun. De grands riffs.

Annotation :

1984

Style : Speed/Thrash (proto-bm)

Les milanais de Bulldozer livrent un premier EP de moins de sept minutes mais chaque seconde tue. C'est un peu un best-of de tout ce qui est "metal extrême" de l'époque. On sent de gros fans de Venom (jusqu'à la copie) mais avec l'apport de structures de plans thrash qui commençaient à bien s'exporter depuis Slayer et les groupes teutons. Les solos heavy n'épargnent pas la faible durée de l'enregistrement et le son est bien evil pour l'époque. Les grognements rappellent Tom Warrior et Destruction. Miam.

Annotation :

1984.

Style : Black/Thrash.

Enfin, on peut le dire. C'est du black metal. On avait jusque-là une ombre (Mercyful Fate, Venom) voire un pied (Hellhammer, Bulldozer). Là, c'est les deux.

On est pas encore au blast-beat mais ça bourrine enfin salement. Le "chant" démoniaque est enfin caractéristique, le son, l'ambiance, le côté austère et hermétique. War sera repris par Varg Vikernes sur son premier album. Un chef d’œuvre.

Tout a été dit dessus. L'écouter et se faire sa propre expérience sur Bathory est une base. En fait, c'est même LA base.

Annotation :

1984.

Naissance du metal extrême.

"Morbid Tales" n'a techniquement rien de vraiment bandant. On reprends la formule d'Hellhammer pour la nourrir avec une production plus carrée, plus ronde sur les guitares et il faudra encore attendre un peu pour les influences extérieures.

Ce que cet EP (ou album pour la version américaine) a de fondamental est ce feeling extrême, cette spontanéité primaire, primitive même qui fait naître encore un peu plus le black metal avec ces ténèbres qui envahissent chaque riff. Mais aussi le death metal dans tout ce chaos, jusqu'au doom dans ces mid et ces langueurs vicieuses.

Un album historique.

Annotation :

1985.

Style : Black/Thrash.

Exacte redite du premier album. Sans les mêmes riffs qui tuent malgré des titres bien sympathiques ça et là ("Reap of Evil", rigolo).
Jamais trop accroché.

Annotation :

1985
Style : Black/Thrash/Punk

Le Japon arrive dans le dossier dès 1985 avec ce qui sera pour les trois prochaines décennies un des fers de lance du metal extrême nippon (avec Sigh) : Sabbat. Groupe formé en 1983 sous le nom d'Evil avec de nombreux concerts à leur actif, il a fallu attendre deux ans avant un premier enregistrement

Ici, on est clairement inspirés par du Venom dans l'aspect speed/thrash mais avec encore un feeling punk pété, des solo démoniaques et froids qui rappellent par moments Discharge. 2 titres seulement, mais des refrains qui restent en tête malgré la haine palpable à chaque instant.

Annotation :

1985, huh !
Style : Album fondateur du metal extrême, huh !

To Mega Therion, c'est l'album ou du moins l'un des plus grands albums huh ! Celui qui a influencé le metal extrême au sens large : black metal huh ! death metal huh ! doom metal, huh !

La noirceur s’immisce enfin dans tous les pores de ce premier album longue-durée des suisses. Les riffs sont plus gras, beaucoup plus lourds, le paysage sonore devient pour le coup réellement monochrome. Album encore bien headbangant mais le paradigme subit une mutation irréversible. Des expérimentations préfigurent le chef-d’œuvre qui suivra : des cuivres, de timides voix féminines mais c'est d'une finesse rare.

Un "must-have" comme disent les anglophones.

Annotation :

1986

Style : Thrash metal noirâtre.

Vous n'avez jamais entendu parler de NME ? C'est sûr que le groupe ne risque plus de se faire entendre. Son leader, Kurt Struebing a massacré sa mère adoptive à coups de ciseaux en 1986 (en prétextant être un robot !) avant de mourir noyé dans sa caisse ravagé par la came quelques années plus tard. Trois albums passés plus ou moins sous les radars sauf ce "Unholy Death" qu'Euronymous adorait (autre destin tragique).

Thrash metal survitaminé aux sciences occultes un peu dans la tradition de Venom mais ici la crasse et la vomissure sont nettement plus audibles. Moins bouffon, moins grandiloquent, l'âme de GG Allin plâne sur cette galette (on croirait vraiment entendre "Die When you Die" sur "Black Night" c'est fou). Plus de rage, plus de haine, plus d'urgence dans ce metal de la mort noir, c'est vraiment le garage qui pue la pisse à la Navigator et éclairé aux bougies noires.

Annotation :

1985.

Style : Speed/Thrash chaotique.

J'ai parfaitement conscience que Morsüre est un brin hors-sujet. J'ai conscience surtout que 1985 marque un tournant dans la naissance du metal extrême où l'on commence à voir se dessiner les frontières : Possessed pour le death metal, Venom et Bathory pour le black. Mais alors, ce groupe de speed/thrash, pouquoi ne serait-il pas tout simplement un bête album de speed/thrash ? J'ouvre la discussion.

« Attention ultime violence »
« Le groupe le plus speed du monde »
Marketing ou réalité ?

La France a enfin le droit de cité dans cette liste aux relents très anglo-saxons et teutons. Morsüre a choqué le microcosme du metal dégénéré avec cet unique album longue durée. Formellement, un rejeton bâtard de Slayer et Venom de plus. Dans les faits, une publicité qui s'accrochait à présenter l'album le plus violent de tous les temps. Maintenant on peut en rire mais je ne peux m'empêcher de songer à cette même publicité utilisé par un certain Mayhem deux ans plus tard.

A l'écoute, ça va très vite, ça cogne très fort et la rigueur n'est pas leur point fort. Mais justement, ça renforce la fureur et le chaos ambient. Une batterie électronique qui file à toute berzingue, des guitares doublées, des soli chaotiques qui se greffent dessus, une voix qui hurle, éructe et grogne dans le plus joyeux foutoir. Pour aujourd'hui, c'est presque gentil. Pour l'époque, du metal extrême dont la force de frappe (dans le contexte) pourraient rappeler les formations de black/death actuelles.

Oui, j'extrapole un peu beaucoup sûrement, mais j'avais envie de citer Morsüre. Puis ça reprend un poème de Baudelaire !

Annotation :

1986.

Style : Heavy Metal evil de carnaval.

Souvent cité dans les références (mineures cela-dit) du proto-black metal, je citerai Satan's Host par conscience professionnelle. En effet, je ne suis pas moi-même convaincu de leur légitimité au sein de cette liste.

En effet, Satan's Host tient plus de la résurgence d'un speed bien crado avec quelque urgence un poil power. La production est en effet abominable et le mixage quasiment inexistant. Hormis ce côté garage à la réverbération fongique et une thématique démoniaque bon enfant, rien de bien consistant. Les titres sont juste corrects et j'oublie personnellement les riffs une fois l'album terminé.

Annotation :

1986.

Style : Black/Thrash/Speed

Il n'y a pas seulement eu Sarcofago au Brésil pour tâtonner les débuts du black metal. Groupe actif depuis 1981 (tout de même !), "Bloody Vengeance" est leur premier méfait studio. Rien à envier à l'autre quatuor de Belo Horizonte, leur metal se veut aussi rageur qu'occulte. Voix possédées, riffs courts et étouffants, rythmiques pernicieuses et sataniques, on est clairement en plein proto-black metal avec ces ambiances de cave enfumée. Un peu de tremolo-picking sardonique et on y est presque !
Une pincée de Possessed, pas mal de Venom, du Sarcofago, du vieux thrash et surtout de la noirceur.