Chemin de solitude — 2024

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« Toujours tourne la ronde sauvage en couronne dans la mémoire de nos têtes ; toujours tourne le plus poignant des souvenirs de l’immémorable enfance, tourne le chant dans notre tête, et notre piétinement sur la piste des ancêtres, le chant de notre retour circulaire au centre unique et immobile de la ronde, le chant du savoir absurde que nous savons, le chant de notre amour, le chant, la danse de notre mort — toujours dans la mémoire de nos têtes.
Pendant que les hommes que nous animons se livrent à des travaux obscurs. Nous avons semé la graine de la vielle Danse dans le champ du langage. La danse de notre corps s’est concentrée dans notre bouche et ne remue que les mots ; elle éclatera un jour, cette danse, avec nos hurlements, pour la purification cruelle de nos paroles (elle éclatera aussi sur la toile devant toi, si tu as résumé la dans dans les vibrations de ta main, dans la petite danse du crayon ou du pinceau), qu’elle éclate partout où nous en avons semé la précieuse graine, qu’elle éclate, la frénésie antique de signifier. (En attendant, mon pauvre vieux…) »

(11 juin)

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"Triple morgue : de l'hygiène, du prolétariat et des corps"

"Et c'est ainsi que toi et moi nous sommes transformés en limiers de notre propre mémoire. Et nous avons parcouru, comme des détectives latino-américains, les rues poussiéreuses du continent à la recherche de l'assassin. Mais nous n'avons trouvé que des vitrines vides, des manifestations équivoques de la vérité"

(8 juin)

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Dans une certaine ligne actuelle de la critique littéraire, Lucbert, Coste : une critique de la matérialité artistique, ici les politiques culturelles, leur affaiblissement ; une critique du surplein de « coup politique » (contre Les chiens de Navarre, Ostermeier) ; une recherche d’une forme qui ne changera certes pas le monde, mais saura mettre un coup dans l’engrenage du monde. Très Benjamin, très Bloch.

(5 juin)

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(1 juin)

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On dirait que chaque livre d’Erri de Luca est une répétition de toute son œuvre, avec toujours de nouveaux petits mouvements. Ici, on retrouvera donc Naples, les montagnes, la vie ouvrière, le sens de la lecture et de l’écriture, dans un dialogue avec un fils fictif, accentuant d’autant plus le trouble autobiographique de son œuvre.

« Nous ne faisons qu’accélérer notre passage à l’archéologie. »

(30 mai)

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Hanna est particulièrement désagréable, irritable ; et de fait, très drôle. Partant d’un constat social anecdotique (il n’a jamais côtoyé de célébrités), il commence à tisser des liens, des chaînes autour de lui pour arriver à une anecdote autour d’une célébrité (Fillon, Huppert, BHL, entre autres). Comme dans Argent, il déplie son monde (en gros, la poésie contemporaine) pour montrer comment un microcosme se construit, comment des gens peuvent se croiser, s’habiter, dans une sorte d’impudeur ironique. Il a ce don étrange d’écrire un livre méchant mais terriblement lucide et hilarant.

(28 mai)

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Pas seulement le récit déjà connu de la création d’internet, du LSD, des hippies et de la contre-culture américaine, mais une enquête chronologique qui se déploie à partir la création de l’espace public et de la circulation de l’information, avec l’invention de l’imprimé et son contrôle. Recension très poussée des résistances d’intellectuels et collectifs qui, dès le milieu des années 1960, se mobilisent contre l’informatisation progressive du monde, des subversions plus systématiques des deux dernières décennies du siècle (avec notamment les actions du CLODO à Toulouse) et des multiples ramifications existantes depuis les années 2000, notamment des articulations capitalisme/États/nouvelles technologies. Long voyage entre les captations étatiques et les résistances nébuleuses.

Sur le CLODO, petit conseil d'un documentaire en passant : https://www.youtube.com/watch?v=qGVMu5OPu7E

(24 mai)

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Deux ébauches de titre d’article qui ne verra pas le jour : « D’une tentative d'un monde infini à l’univers clos » ; « Régler ses comptes avec Nietzsche ». On pourrait dire que la forme fragmentaire des ébauches de ce roman non-fini n’est finalement que la suite logique de sa narration fragmentaire. C’est l’idée que défend Jaccottet — pourquoi pas, mais tout cela reste frustrant. Surtout que ce que Musil dessine dans la troisième partie est encore plus troublante que le premier tome, notamment avec l’introduction du personnage d’Agathe. On sait que la guerre ne peut que finir par approcher, tout semble s’écrouler, et les lignes esquissées sont toutes aveuglantes. Je ne finis donc pas cette notule.

(23 mai)

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« est liquide ce qui n’a pas de forme propre, ce qui est une forme en train de se former, ce qui tend à être une forme pure. Est liquide ce qui épouse la forme de son contenant au point de se confondre en lui, de devenir lui et d’en prendre les traits (comme pour une métaphore, on a le comparé et le comparant qui lui coud une forme/robe nouvelle). Est super-liquide ce qui ne se produit pas pour les images, mais pour leur écoulement, s’il y en a des images, sinon pour l’écoulement des images qu’il n’y a pas. Ce qui fait que très vite, les images qu’il y a et les images qui n’y a pas se rencontrent, s’interpénètrent et bientôt ne se distinguent plus. Passant des unes aux autres dans le ciel, les nuages donnent l’impression immatérielle d’avancer (en tout cas je l’espère, c’est pour cela que j’écris ce poème, c’est à cela que sert l’eau super-liquide). Et si ce sont des vagues à la place des nuages, si ce sont des vagues qu’on voit déferler et disparaître sous l’élan d’épuisement/l’opalence exsudée des prochaines, alors c’est encore mieux, je veux dire/alors ça ne peut être qu’à la place des images qu’il n’y a pas »

(17 mai)

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Court panorama des groupes (surréalistes, lettristes, trotskystes, situs, anar, etc.) autour de mai 68, mise en avant du concept d'autodissolution, un chouette panorama d'une quarantaine de textes de collectifs annonçant leurs fins. Mais, tout est très léger niveau analyse, l'impression qu'il englobe de multiples réalités sous son point de vue sociologique de l'institutionnalisation, sans trop en faire quelque chose. Oui, tout a échoué, mais où ? comment ? c'est pas ici que l'on aura des pistes.

(15 mai)

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On part de la première lettre qu’écrit Antelme en sortant des camps à son ami Mascolo. Antelme tente de renaître via l’écrit, et annonce L’espèce humaine. Quarante après, Mascolo relit cette lettre et tente à son tour d’écrire sa mémoire de ce temps, de leur amitié, des lectures, de la tentative d’un communisme hors du temps.

« Dionys, je voudrais te dire que je ne pense pas l’amitié comme une chose positive, je veux dire comme une valeur, mais bien plus, je veux dire comme un état, une identification, donc une multiplication de la mort, une multiplication de l’interrogation, le lieu miraculeusement le plus neutre d’où percevoir et sentir la constante d’inconnu, le lieu où la différence dans ce qu’elle a de plus aigu ne vit — comme on l’entendrait à la « fin de l’histoire » —, ne s’épanouit qu’au cœur de son contraire — proximité de la mort. Je n’ai pas senti cela au cours de ma récente lecture dont je n’ai perçu et reconnu, retrouvé, que l’immense importance. »

(15 mai)

Annotation :

Un vrai livre "larger than life" : héroïne à 14 ans, vie de petit voyou larcineur en Europe pendant l'adolescence à faire du cinéma en Italie et traîner avec l'IRA en Irlande, puis retour au cœur des années 60 aux USA sur la côte ouest à connaître tout le monde et tenter d’insuffler un peu de révolution chez les hippies. Vie extraordinaire. Livre moins extraordinaire. S'il a passé sa vie à se battre pour l'anonymat politique, son récit devient moins percutant quand il revient aux USA, prenant une tournure presque mégalomane — dans un style "hmm nous on avait raison et tout les autres étaient des cons" (un gauchiste, vous me direz). Il y a un plaisir à découvrir les bas fonds de New York dans la fin des années 50 et une croisée de l'Europe au début des années 60 (ses récits de braquage sont super) ; bien moins dans ses 400 (!) pages sur les Diggers.

(12 mai)

Annotation :

(10 mai)

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Condensé très riche de l'histoire coloniale d'Israël et de ses tentatives de justifications — notamment un, terrible, chapitre sur Gaza. Version numérique disponible gratuitement sur le site de Verso Books.

(10 mai)

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Encore un livre que j’ai laissé traîné pendant une dizaine d’années. Et qui me confirme (sans surprise) que Flaubert est l’écrivain français le plus étrange du siècle. Peu de guerre, peu de bataille, mais un amas de détails sans fins. Effet narratif très dur, aride, où Flaubert ne fait que fuir ses personnages ; on sait bien qu’il ne les aime jamais. Trop désespéré.

(8 mai)

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Cela faisait quelques temps que j’avais envie de découvrir ce que pouvait bien écrire cet étrange personnage qu'est Thiellement. J’y ai retrouvé ce que j’attendais : un récit parisien qui se veut mystique, qui est juste exalté. Il multiplie les allers-retours entre les Halles, Montmartre, Ménilmontant, accompagnés de ces idoles (Baudelaire, Rimbaud, Rivette), pour évoquer à la fois quelques bizarreries architecturales, bâtiments détruits, des avant-gardes poétiques début de siècle, vies assassinées (octobre 61, la Commune) et ivresses autobiographiques. Un récit adolescent amoureux plaisant.

(7 mai)

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Toute note est forcément partisane ; mais vraiment surpris par la tournure du livre. Y’avait une peur que tout soit trop lyrique et de marquer le succès qu’a connu le mouvement. Mais c’est le contraire, un geste d’écriture humble et faire comprendre ce qui se joue. Des récits de luttes, des retours sur l’organisation d’un mouvement, des questions et réflexions sur les stratégies à mettre en place. Sainte-Solline, fascisme, mythe de la non-violence et fétiche de la confrontation, tout est très très dense. Vraie richesse de composition, un vrai plaisir de lecture vivante qui offre tant de sujets à discuter. Peut se ranger et se lire dans la suite des livres de Mauvaise Troupe ou de Out of the Woods.

(28 avril)

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Florent Coste confirme qu'il est l'un des théoriciens de la littérature les plus stimulants de nos temps.

(23 avril)

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Toujours ce côté très utopique, très naïf, assez rassurant.

(11 avril)

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Nicolas Mathieu n’a qu’une idée narrative dans son œuvre, sa bascule narrative extra/intra-diégétique, ses quelques discours indirects libres. Il ne parle encore que d’une chose, des quarantenaires dépressives et de leurs adolescences, ici en appuyant sur la transfuge qui redécouvre ses origines (lisez Coquard, ce sera mieux), de très longues mauvaises pages érotiques (vous aviez vu sa réponse risible au roman de Bruno Le Maire ?), une critique « au vitriol » du monde du travail (saviez-vous que le néolibéralisme rend dépressif ? lisez Lucbert à la limite). Triste contemporain.

(3 avril)

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(28 mars)

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« Pluie du ciel, ô ferveur ! Tu nous ramèneras le printemps des nations ! L’État ne peut disposer de toi. Mais qu’il ne te gêne point, et tu viendras, avec tes voluptés toutes-puissantes, tu nous envelopperas dans un nuage d’or et nous élèveras au-dessus de la condition mortelle ; alors, pleins de stupeurs, nous douterons d’être ces mêmes indigents qui interrogeraient les astres pour savoir s’ils verraient encore un printemps… Quand cela sera, me demandes-tu ? Quand la préférée du Temps, sa plus jeune, sa plus belle fille, la nouvelle Église, surgira de ces formes désuètes et souillées, quand le réveil du sens du divin rendra à l’homme son dieu et au cœur sa jeunesse, quand…. je ne puis l’annoncer, car c’est à peine si je la pressens, mais je ne doute pas qu’elle vienne. La mort est messagère de vie : nous dormons maintenant dans nos chambres de malade, c’est que bientôt nous nous réveillerons guéris. Alors seulement nous serons, alors nous aurons trouvé l’élément où l’esprit respire ! »

(27 mars)

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Un livre étrange, toujours sur une crête naïve très étroite. Il y a quelque chose de fascinant dans cette quête mystique et sociale du personnage qui découvre progressivement l’horreur et l’injustice de la société russe, des absurdités administratives et l’enfer sibérien. Mais la foi sans fin de Tolstoï m’a empêché de plonger pleinement.

(26 mars)

Annotation :

(25 mars)

Annotation :

Je n’ai jamais mis autant de temps pour lire un livre ; sur cinq, six années ? Sûrement cette tension de ne jamais céder vers une idée pleine, d’attente perpétuelle de l’Action et des errements sans fin de personnages qui n’y cèdent jamais, à l’action. On ne joue pas la décadence comme on a l’habitude de la voir, on ne montre pas la fin d’un monde comme on a l’habitude de la lire. J’ai fini par comprendre, lors des trois-cent dernières pages, pourquoi on le mettait avec Ulysses, la Recherche, et comprendre cette Vienne invisible, les réflexions sans fin et sans but d’Ulrich, une proposition d’amour trop brutale de Clarisse, la philosophie qui ne vient pas. Musil n’arrive pas à écrire, Musil s’en amuse, et nous aussi. À très vite pour le deuxième tome.

« Allons ! nous verrons bien ! nous verrons bien ! »

(19 mars)

Annotation :

(18 mars)

Annotation :

L'avenir est incertain. C'est sans doute mieux ainsi.

(13 mars)

Annotation :

https://entremonde.net/IMG/pdf/iraninterieurweb.pdf

(10 mars)

Annotation :

« Selon ces conceptions, la création du monde est la marque d’un état d’exil fondamental dans la mesure où elle résulte d’une fracture de la divinité. Dans cette perspective, l’exil est un état permanent dans lequel est plongée une partie de la communauté juive pour qu’elle fasse advenir la réparation du monde, que soit rétabli l’ordre divin, et, en fin de compte, annulée l’histoire »

(6 mars)

Annotation :

Succession de récits de vie et de pensées autour de l'articulation urbanisme / marxisme.

(4 mars)