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Joseph Losey - Commentaires

Un réalisateur important et extrêmement talentueux, explorant les complexités de l’homme moderne dans un esprit dialectique formé par une morale puritaine mais fasciné par les duels mortels que se livrent les individus. Je trouve parfois son cinéma un peu trop pensé, abstrait, intellectuel pour ...

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16 films

créee il y a presque 12 ans · modifiée il y a plus d’un an

Le Garçon aux cheveux verts
6.2

Le Garçon aux cheveux verts (1948)

The Boy with Green Hair

1 h 40 min. Sortie : 10 février 1967 (France). Comédie dramatique

Film de Joseph Losey

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Orphelin de guerre recueilli par un ancien artiste de cirque, Peter voit un jour ses cheveux devenir verts. Étonnement. Réaction dans la petite ville américaine. Tempêtes sous un crâne. Morale de l’Histoire. Symboles. Déjà lourde de sens, l’idée devient pléonasme lorsque le garçon décide de cultiver sa différence comme une exhortation à la guerre contre la guerre. L’allégorie, qu’on accepte quand elle reste au stade de la féérie, gêne dès que la vie disparaît pour laisser place à la démonstration lénifiante. N’en reste pas moins une œuvre honnête, parfois touchante, pleine de jolis détails épars : la dignité de l’enfant au crâne tondu, la peinture du bonheur et de la vie simple d’un bourg encore tout marqué par le conflit, des adultes frottant affectueusement des cheveux châtains qu’ils ne craignent pas encore.

M
6.9

M (1951)

1 h 28 min. Sortie : 8 février 1952 (France). Policier, Drame, Film noir

Film de Joseph Losey

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Paraît-il peu enclin à remaker un grand classique de l’écran, Losey s’en acquitte fort honorablement. Entre deux plans qui revendiquent son admiration pour le film de Lang, il en glisse d’autres qui cartographient la psychopathologie de l’assassin et, bien que fidèle au scénario original, s’en démarque en éclairant avant tout la névrose quasi sociale du meurtrier d’enfants, victime de la nécessité impérieuse pour tout homme de se montrer viril au sein d’une Amérique en quête de leadership mondial. D’où le principe d’une mise en scène soucieuse d’angles et de lumière, qui souligne la conductibilité du mal et la propriété anacyclique du crime, jusqu’à ce que le tueur, égaré entre ordre et désordre dans la vastitude sa folie, ne soit plus qu’un corps recroquevillé à mi-pente d’une rampe de parking souterrain.

Le Rôdeur
6.9

Le Rôdeur (1951)

The Prowler

1 h 32 min. Sortie : 11 janvier 1952 (France). Drame, Film noir, Thriller

Film de Joseph Losey

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Le film est bâti sur une intrigue très ramassée qui ramène au schéma tripartite cher à Cain et resserre encore l’action autour du couple, la femme restant cependant étrangère à la machination crapuleuse que l’homme exécute seul. Il traite d’un flic plus tordu que marron, un être moralement indécis, resté en marge du rêve américain, qui suscite à la fois le rejet et la magnanimité. Une mise en scène épurée y fait briller d’un éclat tranchant une atmosphère glauque et y organise une composition horizontale qui souligne l’architecture étirée, le déroulement des autoroutes, le désert environnant la ville fantôme. Ainsi le thème de l’échappée découle-t-il logiquement de cette esthétique, les personnages passant rapidement d’un état à l’autre, pris au piège d’une illusion de réussite et de conformisme.

La Grande nuit
6.6

La Grande nuit (1951)

The Big Night

1 h 12 min. Sortie : 1951 (France). Drame, Thriller

Film de Joseph Losey

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Si le récit évolue sous les dehors d’une enquête policière, il consiste davantage en la découverte d’un adolescent par lui-même, au moment où il devient homme, qu’en la résolution d’une énigme. Peu de suspense donc, et le dénouement où le père explique et se justifie est à ajouter aux faiblesses d’un script boiteux. Du moins a-t-il le mérite de dénoncer les apparences, d’entériner une initiation, presque une éducation sentimentale, par laquelle le protagoniste fait l’expérience de l’adultère, de la violence, de la corruption, d’une vie et d’un monde ne correspondant pas à l’idée qu’il s’en faisait. Et lorsqu’aux meilleurs moments, le décor et le climat pèsent de tout leur poids sur l’action, on oublie les balbutiements de cette ébauche rudimentaire qui est loin d’atteindre l’achèvement des ouvrages ultérieurs.

Temps sans pitié
6.8

Temps sans pitié (1957)

Time Without Pity

1 h 29 min. Sortie : 1 juin 1960 (France). Policier, Drame

Film de Joseph Losey

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Avant même le générique, Losey montre le meurtrier de l’histoire et tue tout le suspense attendu, qui jouera donc ailleurs. Son ambition est manifestement de réaliser un film noir à la dynamite, débordant de force physique, sur le modèle d’"En Quatrième Vitesse" et de "La Dame de Shanghai". D’un point de vue politique, il cherche aussi à stigmatiser la corruption d’une société pourrie, sa désagrégation tant matérielle que morale. Mais si tout ce qui se rapporte au mouvement d’horlogerie interne est bien mené, si l’enchaînement rapide des séquences et les jeux de croisement des personnages maintiennent l’intérêt, c’est dans son portrait de père en faillite, alcoolique en quête de rédemption auquel Michael Redgrave offre une belle épaisseur, que cette course contre la montre est la plus convaincante.

Les Criminels
6.6

Les Criminels (1960)

The Criminal

1 h 37 min. Sortie : 22 mars 1961 (France). Policier, Drame

Film de Joseph Losey

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Les agissements et la morale d’un homme ne sont-ils déterminés que par ses origines sociales et culturelles ? Oui répond Losey, qui s’inscrit ainsi dans la lignée existentielle du film noir tout en rafraîchissant ses codes et ses clichés. Dur mais pieux, condamné par l’évolution d’un gangstérisme fondé sur des valeurs nouvelles de marchandisation et de capitalisme, le bandit expérimente l’enfer pernicieux d’un véritable anathème, se battant vainement pour profiter d’une liberté illusoire. Le cinéaste décrit avec précision les règles en vase clos du monde pénitentiaire, montre les rapports de force, la corruption, la concurrence cruelle d’un univers qui s’apparente à l’enfer, en peaufinant une élégance feutrée, un sens du bonheur fugace qui viennent tempérer la noirceur du constat.

Les Damnés
6.6

Les Damnés (1963)

These are the Damned

1 h 27 min. Sortie : 30 septembre 1964 (France). Drame, Fantastique, Épouvante-Horreur

Film de Joseph Losey

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Premier engagement sur les traces d’une bande de zonards dans les rues de Portland, blousons noirs qui tabassent les touristes en sifflotant des airs rock et en faisant tournoyer des parapluies. En parallèle, une organisation étatique développe un sombre projet de domestication générationnelle. "Orange Mécanique" avant l’heure ? On le croit, avant que le film ne revête les accents d’un "Village des Damnés" à l’étrangeté diffuse, puis ne bascule dans l’inquiétude d’une parabole prémonisant le funeste devenir atomique du monde. Les sculptures pétrifiées, les cris des enfants enfermés sous les falaises au large de la ville, l’ombre de la Mort Noire qui plane au-dessus de notre destin commun prouvent que, même dans un genre a priori éloigné de son univers, l’inspiration de Losey reste féconde.

Eva
6.2

Eva (1962)

1 h 44 min. Sortie : 3 octobre 1962. Drame, Romance

Film de Joseph Losey

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Un écrivain escroc est séduit par une courtisane de luxe, femme fatale et véritable mante religieuse : Losey dissèque sa déchéance en entomologiste et affronte l’enfer du couple dans une Venise hivernale et glacée. Épicentre du film, Eva est à la fois la tentatrice évoquée par la Bible, l’objet de la tentation et celle qui en interdit la jouissance. Les rapports de servitude, de soumission, de sadomasochisme, le processus d’avilissement qu’enclenche cette relation dévorante sont analysés en intégrant une dimension plus large (c’est la société qui les secrète), avec un grand raffinement esthétique et un regard architectural sur le décor – cercles, miroirs, statues, objets insolites cadrés dans des compositions élaborées, jeux de l’eau réfléchissant à l’infini des images ondoyantes et insaisissables.

The Servant
7.7

The Servant (1963)

1 h 56 min. Sortie : 10 avril 1964 (France). Drame, Thriller

Film de Joseph Losey

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

L’histoire d’une désagrégation, d’une vampirisation, un film d’atmosphère qui voit le maître boire sa déchéance avec satisfaction et devenir littéralement le paillasson de son valet. On peut lire cette nouvelle étude d’un asservissement comme une variante du mythe de Faust. Elle repose sur un inversion subtile des valeurs, une mise en symétrie de comportements qui tiennent tout à la fois d’une homosexualité latente, d’une emprise psychologique perverse et de la contamination progressive du mal à l’œuvre dans l’inconscient. Tout passe encore par l’emploi travaillé du décor (l’escalier obsédant, les contre-jours, la neige), le recours à des dialogues raffinés, à des signes presque subliminaux. Mais cette intelligence est trop dénuée de sentiments, de vie, de chair pour vraiment susciter trouble et émotion.

Pour l'exemple
7.1

Pour l'exemple (1964)

King & Country

1 h 26 min. Sortie : 6 janvier 1965 (France). Drame, Guerre

Film de Joseph Losey

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

1917, les tranchées, un déserteur, on le juge, on le fusille. Ni mutin ni révolté, au plus épais des ténèbres d’une conscience obscure, il a fui sans savoir pourquoi, par dégoût physique de la boucherie. Il mourra comme il a vécu, en victime perdue et interrogatrice. La guerre ici n’est pas une toile de fond mais un champ clos soumis à un enlisement progressif, une pourriture envahissante figuré par la pluie, la boue et le grouillement des rats. Dans ce drame traité sans passion et avec une ironie amère, Losey refuse les prestiges d’une savante écriture au profit d’un dépouillement cistercien. Analyste plus que styliste, homme de théâtre plus que cinéaste, il montre non sans une certaine verbosité démonstrative que nulle justice n’est possible lorsqu’elle est rendue par la machine même qui broie l’individu.

Accident
6.8

Accident (1967)

1 h 45 min. Sortie : 22 juin 1967 (France). Drame

Film de Joseph Losey

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Une nouvelle fois, c’est dans l’intervalle entre ce que l’on voit et ce que l’on pressent, dans les mille et un détails et signaux que la mise en scène laisse percevoir avec un art consommé de la suggestion et de l’allusion qu’il faut puiser la richesse de cette étude psychologique, dont la vénéneuse empreinte se nourrit de mystère et d’ambigüité. Les blancs de l’écriture d’Harold Pinter, relayés par le jeu intériorisé, presque passif, de Bogarde, laissent filtrer tout le désarroi d’une bourgeoisie aliénée qui joue l’initiative et la liberté, et dont les rituels sont décrits avec autant d’humour que de minutie. Car dans le monde guindé d’Oxford, les gentlemen en tweed voient leur intégrité morale grignotée par une corruption inconsciente, qui habille la peinture sociale d’une dimension presque métaphysique. Très subtil.
Top 10 Année 1967 :
http://lc.cx/BCh

Boom!
5.3

Boom! (1968)

1 h 53 min. Sortie : octobre 1968 (Royaume-Uni). Drame, Thriller

Film de Joseph Losey

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Il était une extravagante reine qui célébrait son cinquième veuvage dans une île fortifiée à proximité de Capri, au milieu d’un luxe insolent et de saturnales solitaires. Il était un ange de la mort qui entreprit, en costume de samouraï Yamamoto, d’apprivoiser la recluse mégère. Ni les falaises abruptes, ni le garde-chiourme nabot et ses chiens, ni la jolie greffière ne purent l’arrêter. Il vint, il la vit, il la conquit. Sans doute le cinéaste rêvait-il d’une danse macabre à l’image du griffon doré constituant l’emblème de Sissy la folle impératrice, d’un jeu de titans sous le soleil d’Italie, scandé par la rumeur des flots et le gémissement des âmes. Son film verbeux, théâtral, surchargé de symboles comme une robe orientale flottant sur un corps squelettique, est un demi-échec. Mais il vaut bien des réussites tièdes.

Cérémonie secrète
6.3

Cérémonie secrète (1968)

Secret Ceremony

1 h 49 min. Sortie : 21 mars 1969 (France). Drame, Thriller

Film de Joseph Losey

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Rien de tel qu’un nœud freudien de névroses féminines pour mettre en valeur la subversive toxicité du cinéma de Losey. La main du réalisateur pour refléter les angoisses et les fantasmes d’un monde-pourissoir est peut-être un peu plus lourde et explicative que d’accoutumée, mais la vigueur et l’étincelante clarté de son style (qu’illustre une photo baroque et saturée du plus bel effet) demeurent intactes. Liz Taylor, prostituée meurtrie par la perte de sa fille, et Mia Farrow, nymphette mytho bien frappée, s’affrontent en un huis-clos perclus de sauvagerie perverse autour du transfert de personnalité, de la culpabilité et de l’aliénation mentale, que pimentent les saillies grivoises de Mitchum en satyre licencieux. Morbide et grinçant, ce petit théâtre des folies (in)contrôlées stimule, dérange, séduit.

Deux hommes en fuite
6.8

Deux hommes en fuite (1970)

Figures in a Landscape

1 h 50 min. Sortie : 11 novembre 1970 (France). Thriller

Film de Joseph Losey

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Après quelques films baroques, le cinéaste a peut-être voulu prouver qu’il était capable de réaliser une œuvre brutale, construite sur un schéma narratif qui fait la part belle à l’action. Soit deux prisonniers poursuivis par une armée étrangère et harcelés par un hélicoptère semblable à un gros oiseau de mort. Il s’agit d’une parabole (sur la guerre, la défaite inéluctable), mais cette fois dépouillée de tout ornement, de tout développement dialectique, consacrée exclusivement à dépeindre la fuite, la fatigue ou la haine : une attaque aérienne effleurant les hommes en rase-motte, une course à travers des meules qui flambent, une arrivée dans un paysage de neige comme symbole d’une liberté improbable. Le résultat, marqué du sceau d’un désespoir froid, est trop aride pour emporter vraiment l’adhésion.

Le Messager
7.3

Le Messager (1971)

The Go-Between

1 h 58 min. Sortie : 18 juin 1971 (France). Drame, Romance

Film de Joseph Losey

Thaddeus a mis 8/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Conclusion de la trilogie pinterienne. De la chronique d’un été préadolescent dans l’Angleterre du début du siècle, Losey tire une initiation vibrante et habitée, doublée d’une étude des codes et mœurs de l’aristocratie britannique à la veille de la Grande guerre. Le cinéaste capte émois, tabous et interdits avec autant de précision de finesse, faisant de cette œuvre raffinée une remarquable évocation de cette période de transition, de blessures et d’apprentissage qui est celle du sortir de l’enfance. La splendeur blonde des champs et de la campagne, les douceurs bucoliques du paysage, la beauté de la prise de vue y forment un cocon rassurant qui tranche avec la cruauté des rapports de classe et des amours interdits, jusque dans sa construction rétrospective et son final qui le voilent d’une mélancolie tenace. Très beau film.
Top 10 Année 1971 :
http://lc.cx/AUL

Monsieur Klein
7.5

Monsieur Klein (1976)

Mr. Klein

2 h 03 min. Sortie : 27 octobre 1976 (France). Policier, Drame, Thriller

Film de Joseph Losey

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Les films de Losey témoignent d’une cohérence absolue, son style est reconnaissable entre tous. On retrouve ici l’intellectualité distanciée, la conception rigoureuse et méticuleusement pensée de la mise en scène qui sont celles de l’auteur. Œuvre véritablement kafkaïenne, paradoxale, obscure et ambigüe, qui transforme la France de l’Occupation en territoire abstrait, absurde, étrangement inquiétant, cette description de l’évaporation, de la disparition progressive d’un homme, de son glissement de la tangibilité à la dépersonnalisation, procure une véritable fascination. Ses amis, ses rencontres pourraient peut-être le sauver ; mais n’est-il pas déjà de l’autre côté du miroir ? Il y a quelque chose d’antonionien dans cette méditation métaphysique sur l’identité, le double, la dépossession.
Top 10 Année 1976 :
http://lc.cx/AUF

Thaddeus

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