Les 10 commandements à respecter pour faire une belle critique "corporate"

Au moment où j'écris ces mots, "Titane" de Julia Ducournau vient de recevoir une pluie d'éloges de la part de la critique et ça m'a fait sourire.

Ça m'a fait sourire parce que ça m'a rappelé un vieil article que j'avais rédigé en 2013 sur ce type de critique qu'on pourrait qualifier ...

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11 films

créee il y a presque 3 ans · modifiée il y a environ 1 an

On connaît la chanson
6.8
1.

On connaît la chanson (1997)

2 h. Sortie : 12 novembre 1997. Comédie musicale, Drame, Romance

Film de Alain Resnais

lhomme-grenouille a mis 2/10 et a écrit une critique.

Annotation :

PREMIER COMMANDEMENT : LE PRONOM INDÉFINI EXCLUSIVEMENT TU EMPLOIERAS.

C’est le B-A-BA de la critique. Vous pouvez être sûr que des gens comme Jacky Goldberg arrêteront tout de suite de vous lire dès qu’ils tomberont sur une première personne du singulier.
Bannissez le « je » !

Le « je » laisserait suggérer qu’une critique sert à exprimer un avis personnel, basé sur des sentiments qui vous sont propres. Vous ne pouvez laisser croire une telle hérésie.
Vous imaginez ? Si jamais les gens en venaient à croire qu'il y a une part de subjectivité dans votre propos, ça voudrait alors dire que le lecteur devrait questionner la position du critique ; s'interroger sur d'où il parle.
Dès lors, forcément, le lecteur relativiserait le propos en le contrebalançant avec d'autres.
Pire, on pourrait croire que tout le monde serait légitime à parler de cinéma ! Les arguments de simples blogueurs ou de posteurs sur Allociné, SensCritique ou Imdb pourraient avoir autant de pertinence que ceux exprimés par celui qui réussit à se faire payer pour ça dans un journal !
Infamie !

"On" ne peut pas remettre plusieurs siècles de culture du pistons et de relations de classes dominantes comme ça.
L’utilisation du pronom indéfini a cette force qu’elle fait comprendre à votre lecteur qu’il ne s’agit pas là d’un point de vue subjectif qui est exprimé, mais d’une réalité.
« On peut aimer le début mais on s’ennuie très vite au bout d’une demi-heure, faute de renouvellement de l’intrigue. »
Voyez comme le pronom indéfini laisse suggérer que c’est une fatalité, une mécanique inéluctable.
« On » est obligé de s’ennuyer. Vous voilà inclus dans l’affaire.
Un « je » laisserait la possibilité à votre lecteur de penser que c’est votre point de vue et qu’il a le droit de ne pas être d’accord.
Eh bien non ! La vraie critique, celle qui est « exigeante » doit prétendre imposer une vérité. Et le bannissement de la première personne .reste encore le meilleur moyen de le faire...

L'Aurore
8.3
2.

L'Aurore (1927)

Sunrise: A Song of Two Humans

1 h 34 min. Sortie : 11 octobre 1928 (France). Drame, Romance, Muet

Film de Friedrich Wilhelm Murnau

lhomme-grenouille a mis 6/10.

Annotation :

DEUXIÈME COMMANDEMENT : DES RÉFÉRENCES CLASSIQUES TOUJOURS TU SOLLICITERAS.

La pronom indéfini ne peut suffire pour imposer véritablement votre point de vue comme vérité. Aussi est-il important de démontrer en permanence à votre lecteur que votre point de vue prévaut au sien parce que vous vous y connaissez plus que lui en cinéma.
C’est là que rentre en jeu l’utilisation de la référence.

Comparez une scène ou un jeu d’acteur à une référence plus ancienne et plus obscure vous permet de sous-entendre que vous connaissez suffisamment de films sur suffisamment d’époques pour réussir à faire un lien que personne d’autre, et certainement pas votre lecteur, aurait pu faire.

Bien évidemment, plus la référence est ancienne et obscure, plus la mécanique fonctionne. Le but n'est pas ici de faire un rapprochement qui pourrait éclairer le lecteur dans sa perception de l’œuvre. Donc il convient d'éviter les références trop évidentes. Trop populaires.

En cas de doute, vous pouvez en caser deux ou trois à la suite, l’effet d’accumulation peut jouer parfois en votre faveur (il ne faudrait pas laisser le doute à l’adversaire).
Mais attention à ne pas en faire trop. Si votre subterfuge se voit, on vous accusera d’obscurantisme.
Il faut donc parfois faire preuve de subtilité en alliant des références classiques à des thématiques plus plébéiennes.

Amour
7.1
3.

Amour (2012)

2 h 05 min. Sortie : 24 octobre 2012. Drame

Film de Michael Haneke

lhomme-grenouille a mis 1/10 et a écrit une critique.

Annotation :

TROISIÈME COMMANDEMENT : CE QUE LA MASSE N'AIME PAS, TU AIMERAS (...et inversement.)

C’est l’une des bases pour être intégré dans le monde des véritables critiques.
Écrire est facile, tout le monde peut le faire, alors que les planques dans les journaux sont rares.
Pour conserver ces places de privilégiés, les critiques ont mis en place tout un système de rites et de codes culturels qui laissent suggérer au commun des mortels que la culture est aussi un privilège. Mieux que ça, qu'il existe une hiérarchie dans la culture et dans les goûts.
Ainsi, pour faire accepter à vos lecteurs et à votre entourage que la société de privilèges existe également dans le monde de la culture – et que bien évidemment vous faites partie des privilégiés – il est important que vos goûts excluent systématiquement les individus issus des classes populaires, voire même des classes moyennes.

Bannissez donc tout film aisément accessible. Des films qui savent se faire visuels, qui créent des atmosphères captivantes, ou bien même qui savent se faire très rythmés, ont une fâcheuse propension à être facilement accessibles à tous.
Dire du bien de ces films serait mettre la populace au même niveau que vous.
Il faut que vous vous distinguiez. Aimez le muet. Aimez le noir et blanc. Aimez le film bavard, immobile et abscons.
Aimez le film misérabiliste qui parle de morts d’enfants bulgares sans musique ni intrigue.
Aimez les films qui ne sont pas accessibles aisément au peuple : des films sortis dans huit salles, des films ouzbeks non sous-titrés.

Mais encore une fois, il faut être méfiant. Internet a rendu cet exercice un peu plus difficile car le peuple peut parfois avoir accès à des bons films étrangers. Méfiez-vous donc en vantant les mérites d’un Park Chan-Wook ou d’un Kim Jee-Woon, vous disant innocemment que seules les classes dominantes pourraient connaître des réalisateurs aux noms si compliqués.

Cette perfidie qu’est le piratage a permis une certaine acculturation de la masse sur certains de ces films, si bien que la langue et la culture étrangère ne sont plus une barrière vous protégeant de la plèbe.

L'Arrivée d'un train à La Ciotat
7.5
4.

L'Arrivée d'un train à La Ciotat (1896)

1 min. Sortie : janvier 1896. Muet

Court-métrage documentaire de Auguste Lumière et Louis Lumière

lhomme-grenouille a mis 5/10 et a écrit une critique.

Annotation :

QUATRIÈME COMMANDEMENT : CONNAÎTRE TOUS LES CLASSIQUES, PRÉTENDRE TU DEVRAS.

C'est peut-être le commandement le plus délicat à appliquer. Car prétendre est facile, mais parfois il faut savoir prouver.
Or le monde de la critique est rempli de rivaux qui aspirent aux mêmes sinécures que vous et qui n'hésiteront pas à vous tendre des pièges.
Mais rassurez-vous : il existe des parades.

Pour prétendre tout en endormant la méfiance, apprenez les noms de films les plus connus, lisez les synopsis et retenez si possible quelques éléments du casting…
Le but est juste d’avoir de quoi citer. Même si votre référence est un peu à côté de la plaque, seuls ceux qui auront vraiment osé voir les classiques pourront vous confondre (méfiez-vous, il y en a).

C’est pour cela que l’idéal est d’avoir quand-même au moins vu quelques uns de ces classiques et de citer assez fréquemment les mêmes pour ne pas être pris au dépourvu.
Mieux encore, vous pouvez piquer les références à vos camarades, mais cela implique d’écrire après eux, ce n’est qui n’est pas du meilleur ton.

Sachez en tout cas que vous pouvez faire votre culture en allant... sur le long terme.
N’hésitez d'ailleurs pas à vous farcir quelques films sortis de nulle part, histoire d'avoir de quoi riposter si un malandrin essaye de vous coincer.

Sachez que sinon, dans l’attente de parfaire votre culture, rien ne vous interdit de mentir et de prétendre avoir vu un film que vous n’avez pas vu.
Reconnaître que vous n’avez pas vu un classique va vous déclasser à vie. Mentir peut sauver la face une soirée et vous pourrez alors vous rattraper à la prochaine fois, sitôt ledit film vu.

Attention à ne pas tomber dans un piège malgré tout : le classique n’est pas une fin en soi.
Rappelez-vous que le but du classique est seulement d’avoir des références pour montrer votre supériorité à la plèbe, voire à vos concurrents qui vous rivalisent les places de privilégiés. Mais ces références vous devez les utiliser pour parler du cinéma d’aujourd’hui.
Si vous commencez à perdre de vue l’actualité du cinéma, on risque fort de vous qualifier de rétrograde plutôt que véritable critique exigeant.

La Graine et le Mulet
7.1
5.

La Graine et le Mulet (2007)

2 h 31 min. Sortie : 12 décembre 2007 (France). Drame

Film de Abdellatif Kechiche

lhomme-grenouille a mis 3/10 et a écrit une critique.

Annotation :

CINQUIÈME COMMANDEMENT : À TON SENTIMENT PERSONNEL JAMAIS TU NE TE FIERAS.

C’est un piège classique.
Un bon critique n’a pas pour but d’exprimer un sentiment personnel et sincère, il recherche avant tout à être reconnu par la classe dominante comme un gardien du temple.
Ainsi pense-t-on bêtement qu’en se cachant derrière les barrières anti-plèbes (voir commandement n°3) on est entre gens de condition et que le meilleur moyen de s’en rapprocher reste encore le plaisir partagé…
FAUX !

Le plaisir est quelque-chose de très subjectif dans le monde des vrais critiques.
Dans ce monde, le plaisir s’acquière lorsqu’on a soudainement l’impression de se hisser socialement, que la classe privilégiée se range à vos côtés.
Il est donc fondamental d’exprimer avant tout un sentiment dans lequel la classe des privilégiés se reconnaitra.

Se limiter aux classiques peut être une stratégie, mais comme il a été dit dans le commandement précédent, cette pratique risque de vous faire passer pour une personne ancrée dans le passé. C’est un indispensable certes, mais cela ne peut vous suffire : ce sont donc vos critiques de l’actualité qui feront la différence.

Pour celles là, quelques règles s’appliquent aussi.
Si le film se passe à Paris, prend place dans le monde de la bourgeoisie, et a pour thème « je ne comprends pas : ma vie semble accomplie mais je ressens comme un mal-être », alors vous avez de fortes chances d’avoir au moins une majorité à vos côtés.

Mais c’est là un choix de facilité.
Vous serez accepté par conformisme, mais pas reconnu parmi l’élite.
Le bourgeois parisien n’aime pas se savoir conservateur, dominateur et ampoulé : il aime se convaincre du contraire.
Ainsi, en société, il aime montrer sa hauteur d’âme (qui justifie d’ailleurs sa place au sommet d’un ordre qu’il juge naturel) en exhibant une sensibilité à l’égard des pauvres.
Donnez-lui du biscuit pour qu’il puisse faire sa bonne âme chrétienne et vous gagnerez des points.
Dégottez-lui un film iranien qui montre à quel point c’est dur d’être Iranien, ou un film belge qui montre à quel point c’est dur d’être belge, et il sera content.

Autre recette qui peut marcher, c'est le film "disruptif"... Car il est si bon de montrer que malgré sa bourgeoisie on est un esprit "borderline".

Le Guerrier silencieux - Valhalla Rising
6.3
6.

Le Guerrier silencieux - Valhalla Rising (2009)

Valhalla Rising

1 h 33 min. Sortie : 10 mars 2010 (France). Aventure, Drame, Fantasy

Film de Nicolas Winding Refn

lhomme-grenouille a mis 1/10 et a écrit une critique.

Annotation :

SIXIÈME COMMANDEMENT : DES FILMS EXPÉRIMENTAUX TU TE MÉFIERAS

C’est le piège face auquel vous serez forcément confronté un jour : le cinéaste novateur.
Il ne correspond à aucune de vos grilles, vous ne pouvez y rattacher aucune de vos références, et en plus de cela vous n’y comprenez rien.
Du coup faut-il l'encenser parce qu'il est disruptif ou le conspuer parce qu'il ne se plie pas à vos codes ?
La galère...

Parce que là, je ne vous le cache pas, vous naviguez un peu en eaux troubles, et il vous faudra un peu jouer à pile ou face.
D’un côté, vous pouvez appliquer le principe du commandement n°4 : si c’est compliqué et déstructuré, il y a de fortes chances que la masse n’aime pas.
Ainsi, le fait d’aimer vous place donc dans une position de domination : vous laissez suggérer que votre haut niveau de culture et d’ouverture d’esprit vous a permis de comprendre ce film, même si ce n’est pas le cas.
Si en plus ce film est étranger, vous prenez moins de risque : foncez.

Le problème, c’est que – commandement n°5 – il va vous falloir apporter du biscuit au bourgeois mondain pour qu’il puisse briller en société grâce à vos mots.
Si vous n’êtes pas capable de verbaliser cette génialitude pour que votre lecteur puisse perdre son interlocuteur, vous risquez l’ostracisme.

Il y a donc trois façons de résoudre ce problème : soit vous tirez à pile ou face, soit vous attendez de savoir ce que les autres vont en dire afin de vous conformer aux références et ainsi minimiser les risques, ou bien soit vous vous fiez au commandement n°7…

Sweeney Todd - Le Diabolique Barbier de Fleet Street
6.2
7.

Sweeney Todd - Le Diabolique Barbier de Fleet Street (2007)

Sweeney Todd: The Demon Barber of Fleet Street

1 h 56 min. Sortie : 23 janvier 2008 (France). Drame, Épouvante-Horreur, Comédie musicale

Film de Tim Burton

lhomme-grenouille a mis 2/10 et a écrit une critique.

Annotation :

SEPTIÈME COMMANDEMENT : L'ART DU RETOURNEMENT DE VESTE, MAÎTRISER IL TE FAUDRA.

Vous ne pourrez jamais tomber juste tout le temps, c’est un fait statistique.
Cela veut donc dire qu’il vous faudra aussi savoir gérer vos défaites et vos mauvais paris.
Or, si vous espérez vraiment faire partie des critiques du net ou de la presse qui comptent, bref les critiques « exigeants », vous aurez à faire à des concurrents qui, pour se hisser, chercheront à vous descendre.
Ils ne manqueront d’ailleurs pas d’utiliser vos mauvais pronostics passés pour cela.
Pensez à tous ceux qui descendirent David Lynch ou Tim Burton à leurs débuts !
Lorsque dix ans plus tard ils se rendirent compte que ces deux auteurs étaient devenus d'indiscutables précurseurs tant ils furent pompés ça et là, ils durent bien reconnaître qu'ils étaient passés à côté de quelque-chose !
Bref, ces pauvres malchanceux, pensant brimer des cinéastes trop primaire pour l’un et trop enfantin pour l’autre, se sont retrouvés dans la position des gars incapables de reconnaître les classiques de demain.

Cette situation est très embarrassante pour un critique de valeur, et c’est pour cela qu’il faut savoir user de souplesse et de dextérité pour rattraper le coup. Il existe pour ça deux attitudes possibles : la mauvaise foi assumée et le retournement de veste.
La seconde attitude est plus facile que la première, surtout si ledit réalisateur est toujours en activité.
Il vous suffira d’attendre la sortie d’un de ses nouveaux films pour affirmer qu’enfin, le réalisateur a atteint la maturité de son art et qu’on y reconnaît toute la patte de l’artiste.
C'est très pratique, et même pas besoin que le film soit de qualité pour affirmer cela.

De toute façon, vous ne serez pas le seul dans cette situation, et d'autres individus de mauvaise foi viendront vous soutenir, même sur des bouses atroces comme Sweeney Todd, Alice au pays des merveilles ou encore Dark Shadows, Ainsi vous reconnaissez l’artiste en justifiant vos mauvaises critiques passées.

Certes, cela passe parfois par l’encensement de bousins, mais c’est le prix à payer. Mieux vaut arriver après la bataille dans le camp des vainqueurs que de rester fidèle au camp des vaincus.

Star Trek Into Darkness
6.6
8.

Star Trek Into Darkness (2013)

2 h 12 min. Sortie : 12 juin 2013 (France). Action, Aventure, Science-fiction

Film de J.J. Abrams

lhomme-grenouille a mis 2/10 et a écrit une critique.

Annotation :

HUITIÈME COMMANDEMENT : À NE PAS TROP TE DÉCONNECTER DE LA POPULACE TU VEILLERAS.

Être reconnu par les élites est, vous l’aurez compris, l’un des éléments clefs pour devenir un critique exigeant, de qualité, conforme à l’exception culturelle française.
Seulement, ne faites pas la même erreur que de nombreuses classes dominantes qui oublient que leur pouvoir parmi les élites dépend de la soumission et de l’obéissance que leur portent leurs sujets.

Dans une république bourgeoise comme la nôtre, il est important de se revendiquer rapidement du peuple, sinon une révolution est si vite arrivée.
Il va de soi qu’à trop écrire exclusivement pour les élites, vous risquez de perdre votre lectorat populaire.
Or, on est élite justement par qu'on domine une populace, ce serait commettre une grave erreur que de croire qu'on puisse s'en couper.
Il ne faut donc surtout pas se désintéresser des films mainstream, des comédies potaches à la française ou des gros blockbusters américains.

Là un jeu subtil va commencer pour vous.
Car si, par fidélité aux commandements 3 et 5, vous rejetez systématiquement ces films, le plébéien va percevoir les mécaniques de votre démarche ou, pire, il vous croira fermé d’esprit, et alors il n’accordera plus d’importance à votre avis.
Il va donc falloir choisir, de temps en temps, un film populaire qu’il vous faudra aimer.
Pas trop non plus : sinon vous ne risquez d’être assimilé au peuple, mais suffisamment pour que le lecteur d’en-bas croie innocemment que vous fonctionnez comme lui, que vous allez au cinéma pour le plaisir d’être touché par la grâce…
Veillez à ne pas choisir trop mal, mais c’est justement l’apprentissage fourni dans le commandement n°9.

Take Shelter
7.2
9.

Take Shelter (2011)

2 h 01 min. Sortie : 4 janvier 2012 (France). Drame, Thriller

Film de Jeff Nichols

lhomme-grenouille a mis 3/10 et a écrit une critique.

Annotation :

NEUVIEME COMMANDEMENT : L'AUTEUR QUI TE DONNE L'OCCASION DE BRILLER TU ENCENSERAS.

Comment choisir le spectacle populaire qu’on acceptera de défendre, ou bien même les auteurs dont on ne sait pas trop quoi penser ?
La solution est souvent simple, choisissez de préférence ceux qui vous donnent l’occasion de briller et de montrer à quel point vous êtes un véritable critique exigeant.

Si un film fait de multiples références cachées à des classiques, ce sera forcément du pain béni pour vous, alors faites-vous plaisir.
De même, si l’auteur essaye de se la jouer misérabilisme iranien alors qu’il est américain, foncez pour faire le parallèle !
Mieux encore, quand un film comme Take Shelter prend le parti de ne donner aucune ligne directrice quant au propos fourni mais qu’il laisse un paquet de sous-entendus pour que vous puissiez interpréter à l’envie, mais alors lâchez-vous !

La plupart des critiques de cinéma sont des anciens étudiants de lettres aigris et prétentieux qui n’ont trouvé aucune débouchée vers un vrai métier ou vers une vraie activité professionnelle.
La seule chose qu'ils savent faire, ce sont généralement des commentaires de texte, seule activité finalement par laquelle ils arrivent encore à exprimer leur capacités et leurs raffinements.

Les critiques du coup suivront ce type de film.
Alors faîtes de même.
Montrez que vous êtes raffinés : saisissez l’occasion.
Explosez la concurrence, éblouissez le plébéien qui se dira que définitivement, il ne s’y connaît pas en cinéma par rapport à vous.

Avec le temps, vous saurez reconnaître ces cinéastes qui ont parfaitement compris ce type de fonctionnement du critique de cinéma. Ils vous tendent des perches en espérant que vous saurez leur rendre bien.
Il serait dommage de négliger ce type de relation gagnant-gagnant…

L'Esquive
6.3
10.

L'Esquive (2004)

1 h 57 min. Sortie : 7 janvier 2004. Romance, Comédie dramatique

Film de Abdellatif Kechiche

lhomme-grenouille a mis 2/10 et a écrit une critique.

Annotation :

DIXIÈME COMMANDEMENT : DES MOTS COMPLIQUÉS TES ALLIÉS TU FERAS

Il serait tellement dommage d’avoir rempli les critères des neuf commandements précédents et – par excès de clarté – se faire surprendre en pleine tentative de noyage de poisson à l’égard d’un artiste novateur, ou bien alors en plein exercice de votre art de la mauvaise de foi.

Eh bien sachez que, face à ce genre de situation, vous avez un allié de taille : les mots compliqués.
Si vous avez peur d’être cerné, si vous avez craignez d’être perçu ou compris, si vous voulez cacher votre manque total d’argument pour défendre un Kechiche ou valoriser votre film plébéien du mois, alors utilisez-les.
Et comme le disait un célèbre philosophe allemand : « plus c’est gros, plus ça passe ! »

Alors allez-y, usez de « quintessence », de « postmodernisme », de « déstructuration »…
C’est parfois même l’occasion de faire des combos avec le commandement n°2 : usez des références classiques !
N’hésitez pas à vous lâcher dans une remarquable comparaison avec un courant pictural du XIXe ! Voire avec un courant musical obscur ! Et dans le doute, rajoutez des qualificatifs et des adverbes de plus de dix lettres qui, de préférence, ne sont que très peu usités.
Plus vous en ferez, mieux ce sera.

A défaut de comprendre pourquoi ce film est si bien, vos lecteurs se diront que vous ne pouvez qu’avoir raison car ils se sont sentis très cons, du moins inférieurs à vous dans la maitrise dans la langue française.
Alors, si en plus vous avez une formation de littéraire, n’hésitez pas à vous lâcher dans des formules de poète frustré qui s’extasie devant son propre lyrisme.

Et si vous manquez toujours d’inspiration, lisez les critiques Presse faites sur les films de Kechiche (oui encore lui, un must ce garçon) : on vous dira que ce réalisateur « filme la parole en marche avec fièvre, mû par une urgence qui donne au film une grande puissance artistique » ou bien encore que dans ce film « le rire reste un tragique vu de dos, car la tombée des masques si brillamment orchestrée dévoile aussi combien derrière leurs maladroits marivaudages, ces jeunes sont dépourvus de tout. »
On vous parlera aussi d' « effervescence des perpétuels jeux de l’amour et du hasard » ou bien encore de « dialogues incandescents portés par des acteurs électriques… »
Oui... Electriques ! Et c’est Serge Kaganski des Inrocks qui écrit ça !
C’est bien la preuve que tout le monde peut se permettre n'importe quoi !

Les 11 Commandements
4.3
11.

Les 11 Commandements (2004)

1 h 25 min. Sortie : 4 février 2004. Comédie, Sketches

Film de François Desagnat et Thomas Sorriaux

lhomme-grenouille a mis 1/10 et a écrit une critique.

Annotation :

UN P'TIT DERNIER POUR LA ROUTE TU PRENDRAS ... ;-)

En fait, plus qu'un commandement bonus, je vais davantage vous livrer ici une petite conclusion.
Car ce que vous venez de lire, je l'ai écrit en 2013 et je n'en ai pratiquement pas changé un mot.
...Mais entendons-nous bien malgré tout : ce qui m'agace surtout dans cet art de la critique "institutionnelle" c'est cette pratique de l'enfumage au service d'une certaine primauté sociale et culturelle et rien d'autre.

En soi je n'ai rien contre la citation d'une référence, contre l'usage du pronom indéfini ou bien même contre le démontage en règle d'un film qu'on ne juge pas à la hauteur.
Moi-même j'ai tendance à user du "on" tout simplement parce que je trouve que ça fluidifie le style, de la même façon qu'il m'arrive souvent d'établir des hiérarchies de valeurs entre les films. (Je ne me suis d'ailleurs pas privé de le faire à l'encontre de "Titane").

Au fond, l'essentiel de mon point de vue, c'est juste de se rappeler que les critères que nous érigeons pour parler d'une œuvre sont toujours le produit d'un déterminisme et donc d'une certaine forme d'arbitraire.

Parce qu'au fond, moi j'aurais tendance à dire que tous les coups et tous les propos sont permis... Mais à condition qu'on reconnaisse honnêtement d'où on parle. ;-)

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