Cover Territorialisations littéraires (notes de lecture)

Territorialisations littéraires (notes de lecture)

Liste de

5 livres

créee il y a 3 mois · modifiée il y a 4 jours

Tango de Satan
7.8

Tango de Satan (1985)

Sátántangó

Sortie : 2000 (France). Roman

livre de László Krasznahorkai

Pikbilis_ a mis 10/10.

Annotation :

Le style de l'écrivain Laszlo Krasznahorkai est qualifiable de preternaturae, terme accolé d'ordinaire aux manifestations mystiques dans leur versant diabolique. Le texte du Tango de Satan est à l'image des motifs qu'on trouve au musée d'Histoire de Budapest inscrits sur les tentes de l'ancien peuple magyar et qui sont également reproduits en architecture sur les toitures pyramidales de certaines bâtisses de la capitale hongroise : c'est une trame de mots entrelacés selon la règle de régularité mais que l'usure carence et ronge, l'anomie syntaxique du texte de Krasznahorkai. La tension vers la transcendance se ressent à la lecture de ces deux cents pages du Tango de Satan. Le texte sombre parfois, souvent, dans les interférences, frôlant régulièrement l'inintelligible. Véritable réflexion sur le Mal ontologique (passage sur la culpabilité individuelle ou collective?) Tango de Satan enchaîne les arrêts sur images apocalyptiques et charrie un parfum de soufre, ses fleurs du mal et leur beauté mortelle. Le Mal qui consume tout.

La Légende du roi Arthur : 550-1250
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La Légende du roi Arthur : 550-1250

Sortie : novembre 2007 (France). Essai

livre de Martin Aurell

Pikbilis_ a mis 7/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Au fil de son développement historique, la littérature autour des légendes arthuriennes a connu maints changements. Passant d’un récit principalement oral d’origine galloise à la propagande anglo-saxonne, le personnage du roi Arthur est le lieu d’échanges constants entre des traditions opposées (ethniquement). Tout commence par l’histoire d’un sombre roi breton dont le peuple attend la parousie. C’est le récit de Geoffroy de Monmouth. A ce stade, le Graal qui n’arrive qu’avec la réécriture du légendaire par Chrétien de Troyes, n’existe pas encore. La France participe en effet via les scribes polyglottes des monastères celtiques à l’écriture de cette oeuvre. Mais la propagande Plantagenet va réinvestir la légende. Marie de France propose une lecture du roi Arthur, volontiers caricaturale et burlesque. Les Germains anglo-saxons, quant à eux, toujours friands de dénigrer la culture celtique, se réapproprient la légende jusqu’à voir le roi Henry trônant au milieu de la Table Ronde dans une fresque composée à sa demande. Le Conte du Graal apparaît, dès lors, comme la légende par excellence reliant les différentes cultures de l’espace européen (des Allemands aux Latins en passant par les Bretons). C’est tout à l’honneur de Martin Aurell d’avoir retranscrit avec rigueur et passion les différentes étapes de composition des légendes arthuriennes jusqu’à la version que l’on connait aujourd’hui. Même si celui-ci verse un moment dans la pure doxographie des romans versifiés de Chrétien. Ce n’est pas sans se livrer à une analyse rigoureuse du contexte social, idéologique et politique de l’époque. Par exemple le Graal, à rapprocher de la grâce, n’est autre que le chaudron d’immortalité identifiable dans les croyances celtiques, soit le principe féminin à opposer à la lance (ou à Excalibur, même) dépositaire du principe masculin. Du paganisme au cistercien, la légende est régie par un processus de christianisation progressive. Mais son matériau primaire appartient aux lointaines croyances indo-européennes : l’épée dans l’enclume, l’épée jetée au lac, autant de leitmotivs identifiés dans l’ancienne tradition indo-européenne. C’est donc sans surprise que ce livre passionnera et fascinera tout à la fois les amateurs de Dumézil et plus généralement d’étude comparatiste.

Orages d'acier
7.7

Orages d'acier (1920)

In Stahlgewittern

Sortie : 1930 (France). Roman

livre de Ernst Jünger

Pikbilis_ a mis 9/10 et a écrit une critique.

Annotation :

L'assertion selon laquelle Orages d'acier d'Ernst Junger constitue un authentique chef d'oeuvre est difficile à admettre. Exigeant, le livre l'est à plus d'un point. D'abord, c'est stylistiquement audacieux de parler de la guerre de 14-18 sans une certaine émotion, qui plus est depuis la perspective allemande, en tant que lecteur francais. Même si tout cette histoire est derrière nous, il reste un certain traumatisme palpable dans les relations franco-allemandes (trois guerres en moins d'un siècle). Ensuite, les partis pris font le choix d'esthétiser l'expérience de la guerre. Ils ne seront pas du goût de n'importe qui. Mais ne jouons pas les moralisateurs hypocrites, une certaine fascination s'exerce devant la démence collective dont on jubile un peu. Les lecteurs désireux d'expériences littéraires "choc" glisseront sur la prose autiste de Jünger, se heurteront assez souvent, reconnaissons-le, à sa rigueur formelle, interrompant brusquement leur lecture sous le déluge de flamme et d'acier qui compose cette débauche orgiaque et poétique pretextée par le thème. Avec cette sensation tenace qu'on assiste à un enchaînement de mots traduisant la brutalité et la folie meurtrière, sans forcément trouver de sens à tout ça et sans en avoir nécessairement besoin. Cela consiste en une démarche en soi mais qui laissera certains de marbre.

Les Décombres
7.6

Les Décombres (1942)

Sortie : 1942 (France). Roman, Essai

livre de Lucien Rebatet

Pikbilis_ a mis 8/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Les Décombres de Lucien Rebatet, livre sulfureux s'il en est ! Il s'agit bien d'un pamphlet collaborationniste avec toute la partialité impliquée par la polémique de tout poil. Difficile pourtant, de nier l'authenticité des coupures de journaux français va-t-en-guerre qu'il cite. Étrange de devoir admettre qu'il n'a pas complétement tort dans le détail, malgré sa curieuse mauvaise foi. Ainsi que nous en sommes toujours au même point sur la très relative impartialité de la presse. Les Décombres , je les ai découverts à partir de ce qu'en disait Marc-Édouard Nabe lors d'une interview, sans préjugés, et ils me hantent. Je me sens coupable d'avoir apprécié un tel delirium sur le dos des personnes de confession juive. Pourtant je dois admettre que le style est limpide comme de l'eau claire. Un souffle poétique d'une rare violence traverse les meurtrières de cette prose enlevée et enthousiaste. Je le conseillerai à toute personne n'ayant, comme moi, pas trop lu Primo Levi, ni vu de film sur la Shoah, pas trop susceptible d'être estomaquée par l'abomination consécutive à un tel mépris pour le genre humain, pour la maigre véracité des faits qu'il relate, dans une perspective 100% documentaire. Et rien avoir avec une quelconque complaisance transgressive. Oui, il convient d'avoir de sacrées oeillères pour apprécier un tel livre sans mauvaise conscience. Je crois avoir insisté suffisamment sur ma culpabilité pour me dédouaner de tout soupçon de complaisance

Dōjōji et autres nouvelles
7.4

Dōjōji et autres nouvelles

Sortie : 1966 (France). Recueil de nouvelles

livre de Yukio Mishima

Pikbilis_ a mis 8/10.

Annotation :

Entre modernité et tradition, Yukio Mishima réalise quatre nouvelles dont trois au moins sont percutantes. Ma """préférée""" ce fut Patriotisme car c'est celle qui est la moins confuse. Dans celle-ci, l'écrivain nippon anticipe sur ce qui sera son geste final, son *seppuku* méthodiquement préparé. Un seul bémol : il aurait dû insister sur le *kimono* traînant dans une flaque de sang puisque très impudique, la nouvelle malmène ouvertement la bienséance. L'image est saisissante mais trop vite éludée. Deux de ces nouvelles mélangent les personnages à s'y perdre. On ne sait pas qui est qui? comme Le Papillon créait de la confusion de genre que visiblement personne à part moi n'a compris (sur SC). Ici ce sont des portraits de femmes qui se superposent. La première nouvelle, quant à elle redéfinit le genre du Nô. Dans les termes de Marguerite Yourcenar, le style est toujours aussi précieux et savamment creux. Ca glisse et on s'en fout. L'expression du vide de Mishima, intérieur comme extérieur, se poursuit de manière sanglante et amorale dans ce recueil, pour le moins pas banal. Avec en exergue, tout de même, le geste brutal de la mort donnée. Jeu de masques.

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