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Top10 des raccords de l'année 2015

1 - Le plus beau fondu du XXIe siècle (Cemetery of Splendour d'Apichatpong Weerasethakul, monté par Lee Chatametikool)
2 - Le contrechamp qui tue (Réalité de Quentin Dupieux, monté par le réalisateur)
3 - L'anti-raccord (Birdman d'Alejandro González Inárritu, monté par Douglas Crise et ...

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Liste de

8 films

créee il y a plus de 8 ans · modifiée il y a plus de 8 ans

Cemetery of Splendour
6.9
1.

Cemetery of Splendour (2015)

Rák têe kŏn gàen

2 h 02 min. Sortie : 2 septembre 2015. Drame

Film de Apichatpong Weerasethakul

Wlaad a mis 9/10.

Annotation :

(Cemetery of Splendour est monté par Lee Chatametikool.)

#1 : Le plus beau fondu du XXIe siècle
Au milieu du film, un immense fondu enchainé entre d'une part les spectateurs qui sortent d'une salle de cinéma et prennent une série d'escalators qui s'enfonçent dans les profondeurs, au centre du cadre, et d'autre part la salle de l'école changée en hopital où dorment les soldats sous ces longs arcs colorés.
Le film, le temps de ce fondu, révèle qu'il fonctionne par strates. Ce sont les plusieurs étages de ce cinéma, les catacombes secrètes dont les couloirs courent sous les lieux de la fiction, les plusieurs niveaux d'interprétation du récit... Une poésie souterraine qui a enchanté ce film, une esthétique magnifique, un raccord qui laisse le spectateur autant émerveillé qu'hébété. Le plus beau raccord de l'année 2015.

Réalité
7.2
2.

Réalité (2014)

1 h 27 min. Sortie : 18 février 2015. Comédie

Film de Quentin Dupieux (Mr. Oizo)

Wlaad a mis 9/10.

Annotation :

(Réalité est monté par son réalisateur (ça devient abyssal, comme titre, quand le réalisateur est celui qui fait basculer l'idée de Réalité dans la réalité... ok j'arrête).)

#2 : Le contrechamp qui tue
Lambert regarde un film en préparation, sur l'écran on voit des rushs qui montre Réalité - prénom normal pour une petite fille - regardant la télévision. On ne voit pas ce qu'elle voit. En même temps, Lambert parle au téléphone avec Chabat. Retour à l'écran : on voit que dans sa télé Réalité regarde Chabat qui est au téléphone avec Lambert, "improbable mais vrai".
C'est le réel qui revient dans la gueule du spectateur, à travers tous les écrans, et toutes les histoires. C'est le film qui vole en éclats, alors qu'on parvenait à peine à lui redonner un sens (cf #6). C'est la Réalité qui perd toute sa substance en un instant, c'est le raccord qui tue.

#6 : Ubiquité
Lambert et Chabat sont assis de part et d'autre du bureau de Lambert, au milieu d'une pinède, et rejouent une scène que l'on a vu une demie-heure plus tôt. Le spectateur commence à se poser des questions quand le téléphone sonne. Contrechamp : c'est Chabat au téléphone, dans la rue. Et Lambert de lui répondre que non, ce n'est pas possible qu'il soit au téléphone, puisqu'il est assis devant lui en ce moment.
Après une heure de film étrange, le spectateur a organisé les différentes histoires les unes par rapport aux autres : laquelle était un film, ou un rêve, dans laquelle. En se dédoublant de la sorte, le récit devient impossible, pour la première fois. La réalité prend un premier coup.

#10 : Déjà-vu
Antépéunultième raccord du film. Chabbat sort de chez le producteur, avec lui, ils se serrent la main, ils vont "faire un super film". Cut. Chabat sort à nouveau de chez le producteur, seul, il rigole dans la voiture, il est heureux (il va certainement faire un super film).
Le raccord est stupide, la scène s'enchaine avec une version d'elle-même. Dernier soubresaut, assez étrange, dernier sourire du spectateur, qui renonce à une quête de sens impossible.

Birdman
7.3
3.

Birdman (2014)

Birdman or (The Unexpected Virtue of Ignorance)

1 h 59 min. Sortie : 25 février 2015 (France). Comédie, Drame

Film de Alejandro González Iñárritu

Wlaad a mis 6/10.

Annotation :

(Birdman est monté par Douglas Crise et Stephen Mirrione.)

#3 : L'anti-raccord
Dans le début du film, après quelques scènes, on suit le personnage, puis la caméra bifurque, divague un temps, et revient sur lui après le passage d'une porte. Sans qu'il n'y ait eu aucun cut, on comprend qu'on a changé de lieu, d'enjeu ; on comprend que du temps a passé. Plusieurs heures en quelques secondes, sans raccord.
Je n'ai jamais vu ça au cinéma. C'est une invention esthétique vraiment saisissante, extrêmement étrange, mais grisante à la fois : tous les paramètres du raccord, sans qu'il n'y ait techniquement eu raccord. Sans doute ce qu'il y a de plus génial dans ce film, avec sa bande-son (et la mise en scène de cette bande-son) !

Jauja
6.3
4.

Jauja (2014)

1 h 53 min. Sortie : 22 avril 2015 (France). Drame, Western

Film de Lisandro Alonso

Wlaad a mis 8/10.

Annotation :

(Jauja est monté par Gonzalo del Val et Natalia López.)

#4 : Noumènes
C'est un peu flou dans ma mémoire. Après les plans méticuleux construits par le développement du film, on passe du régime de la fiction - la pampa argentine du XVIIIe siècle (?) - à un manoir danois du XXIe.
Le raccord est très simple, il ne laisse qu'une impression diffuse de bizarrerie, mais qui synthétise assez exactement ce qu'est l'onirisme. On sort précisément d'un long rêve d'une heure et demie pour avoir, en forme de coda musicale, un récit minimaliste d'une vingtaine de minutes qui recompose tout ce qui a précédé. Ce second récit apparait alors comme un reflet, comme un au-delà de ce que l'on est en train de voir. Comme si un bref instant, un monde nouménal s'était offert à nous, puis refermé avec ce raccord.

Mia Madre
6.9
5.

Mia Madre (2015)

1 h 47 min. Sortie : 2 décembre 2015 (France). Drame

Film de Nanni Moretti

Wlaad a mis 8/10.

Annotation :

(Mia Madre est monté par Clelio Benevento.)

#5 - Les émotions
Il y a d'abord cette scène de tournage qui se passe très mal. Et puis cut, et cet unique plan, à l’hôpital, où la mère de Margherita ne la comprend plus. Cut, encore, et Margherita est dans la rue avec son mari et leur fille en scooter, qui fait le tour de son père, va vers sa mère, en fait le tour, et repart vers son père.
On comprend ici que ce film est moins une suite cohérente d'évènements logiques qu'un enchainement d'émotions nécessaires. La scène est absurde : elle n'a pu exister, au plus tôt, que dans un passé relativement lointain, quand Margherita était encore mariée, qu'ils composaient encore tous trois une harmonie véritable, une famille. Or tous les personnages ont le même âge, et les mêmes vêtements que dans le reste du film, où ils sont séparés. Ce n'est donc ni vraiment un souvenir, ni vraiment un rêve, ni vraiment une projection imaginaire, mais un peu de tout cela à la fois. Et ce n'est là, de l'autre côté du raccord, que parce que le spectateur et le personnage en ont besoin, ensemble. Aucune transition dans le film, aucun plan de coupe, aucun fondu : une simple successions de blocs de sentiments bruts, qui ne tiennent les uns avec les autres que parce qu'ils ont les bons voisins. Une petite farandole d'émotions.

A Girl Walks Home Alone at Night
6.7
6.

A Girl Walks Home Alone at Night (2014)

1 h 39 min. Sortie : 14 janvier 2015 (France). Épouvante-Horreur, Romance, Thriller

Film de Ana Lily Amirpour

Wlaad a mis 8/10.

Annotation :

(A Girl Walks Home Alone at Night est monté par Alex O'Flinn.)

#7 : La Métamorphose
L'héroïne, voilée, marchant sur le trottoir, croise un petit garçon en skateboard et lui demande si elle peut le lui emprunter. Cut. L'héroïne, au milieu de la rue, descend sur le skateboard, vite ; son voile vole au vent et figure les ailes de chauve-souris du Vampire. C'est un joli vampire en marinière, et en skateboard, donc.
C'est à la fois extrêmement sauvage - on peut penser qu'elle a tué l'enfant - et extrêmement comique. En un raccord, la femme voilée se change en vampire : l'innocente devient dangereuse, le chétif devient monstrueux. La femme, qui est dans la société iranienne qu'on nous montre un objet sexuel à voiler pour maintenir l'ordre public, devient justement l'archétype du prédateur sexuel : le vampire. C'est le projet du film exposé en un cut, c'est beau, c'est saisissant, c'est un très bon raccord.

Blind
6.5
7.

Blind (2015)

1 h 31 min. Sortie : 29 avril 2015 (France). Drame

Film de Eskil Vogt

Wlaad a mis 7/10.

Annotation :

(Blind est monté par Jens Christian Fodstad.)

#8 : Le flou du fantasme
Un peu obscur dans ma mémoire, là encore. C'est une mère qui regarde jouer sa petite fille, et la voix off nous parle de sa petite fille. Cut. Même appartement, même mère, habits similaire de l'enfant, mais c'est un petit garçon, et la voix continue sur le même débit et le même ton, parlant de son petit garçon.
Dans la majeure partie de ce film on ne sait jamais, d'un plan à l'autre, si on est dans une vision objective ou subjective, si on est dans la vie vécue ou la vie fantasmée par la littérature. Ils n'ont de cesse que de se corriger l'un l'autre, et ces raccords laissent planer de doux troubles.

Los hongos
6.2
8.

Los hongos (2015)

1 h 43 min. Sortie : 27 mai 2015 (France). Drame

Film de Oscar Ruíz Navia

Wlaad a mis 7/10.

Annotation :

(Los Hongos est monté par Felipe Guerrero.)

#9 : Arbre 9 3/4
On voit d'abord le tag d'un grand arbre, sur un mur. Les deux personnages lâchent leurs bombes de peinture. Cut. Ils sont tous les deux en train de grimper dans un arbre immense depuis le sommet duquel, une fois qu'ils y sont parvenus, ils regardent la campagne.
On comprend, par un raccord, que le mur est une évasion ; on comprend ce qu'ils placent dans ce qu'ils graffent. Bien sûr on reviendra, plus tard, à une forme de réalisme (on les verra faire le chemin pour revenir en ville). Mais, le temps de ce raccord, ils sont passés à travers le mur. Leur Art, sur les murs de leur ville, leur permet de s'émanciper des contraintes que leur impose leur misère sociale, et d'accéder à quelque chose de l'ordre de la plénitude. Et le spectateur avec eux.

Wlaad

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