Pour la cocotte, voir à côté...
Ce bref vaudeville croise deux quiproquos, avec une grande économie de moyens : seulement deux personnages, les jeunes Edouard et Lucile, plus le domestique Baptiste, qui décharge les deux autres des comportements non scéniques (sorties non désirables, messages à transmettre...), mais qui, par sa naïveté et son ignorance, agrémente la confrontation principale de quelques éléments comiques qui permettent de varier l’agrément vécu par le spectateur.
Pour un texte aussi court, il fallait une situation simple : Lucile, fille à marier, attend son professeur de piano pour une leçon ; mais celui qui se présente s’est juste trompé de maison : c’est le jeune Edouard, avide de s’imposer socialement à Paris en nouant une liaison avec une comédienne aux mœurs légères (mais qui habite la maison d’à côté). Donc, Lucile prend Edouard pour son professeur de piano (et, évidemment, Edouard ne connaît rien à la musique !), tandis qu’Edouard cherche à négocier un début de liaison avec son interlocutrice, qui ne comprend pas grand-chose à ce qu’il dit.
Les échanges rapides et vifs ne fonctionnent que parce qu’Edouard est assez bien élevé, et reste suffisamment dans le vague pour ne pas dévoiler tout de suite son projet érotique : Feydeau esquive avec habileté le piège de la dérive graveleuse (aucune allusion sexuelle précise, juste le côté émoustillant de l’allusion à la chambre de Lucile qui se trouve derrière une porte). A la place des sollicitations sexuellement explicites, Edouard parle rémunération (qui peut passer pour celle du professeur de piano), restaurant, spectacles...
On apprécie une remarque très juste de Baptiste (scène 1) : il appelle les gammes que joue Lucile un « ouragan », car il préfère renvoyer le motif musical à l’évocation émotionnelle imagée que suscite en lui cette musique, plutôt que d’employer platement le terme sans âme de « gamme ». Pas si bête que ça, le domestique !
A peine peut-on reprocher à l’auteur de ne pas avoir placé une respiration suffisamment longue entre les deux dialogues développés de Lucile et Edouard. D’autre part, la fin tourne assez court, dès que les quiproquos se défont.