Sept d’un coup ... mais seulement sept.
Dans un salon de beauté du 50 boulevard de Strasbourg, «pays du cheveu, de l’ongle, du soin à petit prix», au cœur d’un Xème arrondissement en voie de gentrification, le patron s’est volatilisé du jour au lendemain, parti sans payer leurs arriérés de salaires à ses sept employés, six femmes et un homme sans-papiers, cinq chinois et deux africaines qui travaillaient au noir, contraints d’acheter les produits cosmétiques servant pour leur travail et recevant, si tout allait bien, la moitié du chiffre d’affaires de la main du patron en fin de mois, selon son bon vouloir.
Ainsi démarra, début 2014, l’occupation de la boutique et la première grève médiatisée de travailleurs sans-papiers, pendant laquelle, malgré les tentatives d’intimidation des patrons du quartier, malgré la durée du conflit, au départ seules puis avec le soutien de la CGT, elles ont tenu bon pendant soixante-quinze jours, jusqu'à la régularisation des sept. Une histoire de solidarité exemplaire.
Sylvain Pattieu témoigne et s’appuie sur l’histoire de cette lutte pour raconter en filigrane la mondialisation, les pays riches qui aspirent vers eux des travailleurs sans papiers obligés de tout accepter pour gagner leur vie, dans ces secteurs non délocalisables ; il raconte les femmes qui vendent leurs cheveux aux quatre coins du monde pour satisfaire les envies coûteuses de coiffures à la mode du jour, ces injonctions de la beauté et de la mode sans cesse renouvelées, et la souffrance pudique des sans-papiers qui taisent les faces les plus douloureuses de leur histoire.
Historien et romancier, l’auteur mêle avec talent une fois de plus, après la chronique de la fermeture de l’usine PSA d’Aulnay dans «Avant de disparaître», l’Histoire qui s'écrit et les portraits intimes, ici de ces petites mains exploitées, ouvrières sans droits de la beauté bas de gamme.
«Château-d’Eau, zone de non-droit, comme on dit des cités terribles. En plein cœur de Paris. Non-droit du travail. Non-droits humains. Sous le regard de tous.»