Chimie 501
Chimie 501

livre (2019)

Bien que de plus en plus nombreux, je n'avais pas encore trouvé de roman jeunesse homoromantique issus du Québec, la plupart venant des US. Donc, c'est avec le langage "ado" de la Belle Province que nous suivons les premiers amours d'un duo de jeunes hommes, l'un québecois, l'autre Ontarien.
Alors qu'ils amorcent leur dernière année d'école au secondaire 5 ( dernière année du lycée, pour nos amis européens), Maximilien et Nicolas ne sont pas très enthousiasmes à l'idée de la prochaine année. Max traine un passé d'intimidé et Nic a décidé de changer d'air suite à sa première rupture amoureuse en quittant Ottawa pour vivre un an dans la métropole québecoise. Quand Max se retrouve attablé avec "le nouveau" en cours de chimie, il est clair que l'un comme l'autre se trouvent un attrait réciproque. Entre leurs groupes d'amis, les partys et les cours, Max et Nic développe une relation plus ou moins ambigue, entre Max qui s'assume pleinement gai et Nic, qui se découvre une nouvelle orientation. le problème, c'est que peut importe ce qu'ils décident de faire, le fait est que Nic va retourner dans sa province à la fin de l'année.
Comme la plupart des romans sur le thème de la romance adolescente, on a donc un récit qui surfe sur les ambiguïtés entre amitié et amours, les premières fois, les quiproquos situationnels, les non-dits, le manque d'expérience, surtout en communication, et les émotions houleuses, ça ce n'est donc pas nouveau. Et comme beaucoup de romances d'ado, nous avons le "petit nouveau" super mignon qui arrive dans un réseau social bien établit où tout le monde connait tout le monde, ça aussi déjà-lu.
Mais la nouveauté réside dans le fait que ce roman à deux voix raconte le premier amour entre deux adolescents d'environ 16-17 ans, l'un assurément gai, l'autre peut-être bisexuel. Et dans cette optique vient des thèmes qu'on ne voit pas forcément dans les relations hétéro, comme le fait de parler du secret dans la relation pour éviter d'être intimidé ou du fait qu'être "en couple" pourrait offenser d'autres gens, ce qui implique des limitations de comportements.
Ce qui est bien avec ce roman, c'est justement que, de manière générale, à peut près tous les personnages qui gravitent dans les univers de Max et Nic en ont pas grande chose à faire du fait d'être aux hommes ou aux femmes. C'est donc dire que Max ( surtout) anticipait des réactions négatives souvent pour absolument rien. Comme le disait Félix "tu n'es pas aussi intéressant que tu le crois". Non seulement il a raison, mais j'ai bien aime cet angle d'approche de l'autrice de mettre un cercle social aussi désinvolte sur le sujet. Parce que l'orientation sexuelle de la personne, au final, ne regarde qu'elle et la personne impliquée. La plupart de leurs proches étaient même heureux de les voir ensemble, au final.
Un autre élément qui jalonne l'histoire est celle du Grand-Papa de Max, qui se meurt lentement , mais surement , de l'Alzheimer. Non seulement c'est touchant de voir la relation qu'ils ont, Max et lui, mais c'est une réalité sociale très actuelle et qui , forcément touche la jeunesse beaucoup plus qu'avant. On a donc le thème du Deuil qui se développe dans cette histoire.
Donc, parmi les nombreux romans LGBTQ que j'ai pu lire, celui-ci aura été marquant. J'ai été particulièrement touché par les personnages secondaires, autant que les deux principaux, avec notamment: le très bavard et souvent indélicat Félix, qui a des trésors de sagesse insoupçonnés; Sidélie ( quel prénom!) la grande soeur vraiment solidaire et mature qu'on ne voit pas trop souvent dans les dyades frères-soeurs; le Grand-Papa Beaulieu et ses expressions d'époque hilarantes, l'ambiguë personnage de Brandon, dur à suivre, mais éternel optimiste qui aura soutenu son "chum de gars" jusqu'au bout au final, ainsi que - mention spéciale - aux parents. On leur refile souvent le mauvais rôle aux parents dans les romans pour ados, mais pas ici. J'ai bien aimé l'ouverture de Nic par rapport à sa propre sexualité, loin du "macho qui lutte contre ses instintcs", ainsi que sa réflexion sur "le fait d'aimer" comme une manière naturelle d'être simplement là pour l'autre, sans contre-partie. Et j'ai apprécié de voir un personnage aussi anxieux que Max, puisqu'on a de plus en plus d'ados anxieux actuellement, c'est donc bien d'en avoir des références dans les romans. J'apprécie toujours les romans où les thèmes psychologiques sont bien exploités. Seul petit hic que j'aurais à formuler: personnellement, Max et Nic s'expriment de manière peut-être trop similaire, ils focalisent sur les mêmes détails ( comme les yeux). C'est souvent la difficulté avec les narrateurs multiples, surtout au "je".
Niveau écriture, on ne se le cachera pas, c'est bien celui des ados du Québec, avec des sacres occasionnels, des mots coupés, des "y" pour remplacer les "il", des "genre", des "comme" par-ci par là. Après tout, c'est un roman pour des ados avec des ados qui s'exprime au "je", c'est donc de circonstance. L'autrice a fait fort sur les émotions, très détaillés, parfois très intenses, surtout dans les moments "chauds" entre les deux jeunes hommes. C'est donc assez simple de suivre le ressenti des protagonistes.
Oui, il y a du sexe, mais ce n'est pas le degré totalement cru à la limite vulgaire qu'on voit en Jeune Adulte ces temps-ci. Néanmoins, ce n'est peut-être pas "adapté" pour les moins de 13 ans, surtout si on ajoute la présence de beuveries et du langage ( les sacres, ben oui, en français et en anglais, d'ailleurs). Mais bon, au demeurant, nous avons une génération d'ados-Internet alors j'aurais du mal à croire que ce roman puisse être "osé" pour une génération aussi informée. Je le mentionne surtout pour les profs et les bibliothécaires.
C'est donc un roman touchant, drôle, moderne et plutôt addictif qu'on peut mettre dans la lignée de "Pourquoi pas nous?", d'Albertalli et Silvera, mais en poussant plus loin la relation des deux jeunes hommes. Et j'ai trouvé ça mignon de voir un Québecois sortir avec un Ontarien ( c'est d'un accord assez commun que les deux provinces sont "chien et chat"). Ne vous laissez pas décourager par la couverture moche.
P.S Nic fait souvent le parallèle de la dualité de couleur des yeux de Max, qui sont bleus, mais qui "passent de couleur froide à chaude". Un parallèle que je me fais une joie d'attraper au vol pour vous suggérer la BD LGBTQ "Le bleu est une couleur chaude", une très belle et bonne BD sur un amour entre deux filles.

Shaynning

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