Coalescence - Les Enfants de la destinée, tome 1 par Nébal

L'actualité française de Stephen Baxter est pour le moins chargée, avec les sorties de Déluge et du deuxième tome des « Xeelees ». Mais, comme si ça n'était pas suffisant, j'ai entrepris de lire préalablement Coalescence, le premier tome de la trilogie des « Enfants de la destinée ». Avec une interrogation, qui revient à chaque fois : serait-ce à nouveau du grand Baxter, celui des Vaisseaux du temps, de Temps et d'Évolution ? ou du Baxter médiocre, celui d'Origine et de Gravité (pour m'en tenir à ceux que j'ai lus) ? C'est que l'auteur, avec ses qualités et ses défauts tout aussi récurrents, est capable du meilleur comme du pire (enfin, relatif, le pire, restons pondérés...). Les opinions à ce sujet, que je n'ai lues qu'une fois le roman terminé, rendaient des sons de cloche très différents... À voir, donc.

Nous faisons tout d'abord la rencontre de George Poole, un informaticien londonien un peu paumé. Son père vient de mourir, au moment même où une étrange anomalie astronomique déchaîne les médias et la communauté scientifique. Poole se rend donc à Manchester, dans la maison de son défunt père, et y fait la découverte d'un déconcertant secret de famille : il avait une sœur jumelle, Rosa, envoyée encore enfant en Italie, à Rome, pour y être élevé par le mystérieux Ordre de Sainte Marie Reine des Vierges...

Parallèlement, mais quinze siècles plus tôt, nous suivons la vie chaotique de l'ancêtre légendaire de George et Rosa : une Romano-Bretonne du nom de Regina, qui vivait aux premières loges la chute de l'Empire romain d'Occident (ou du moins de sa présence en Bretagne)... et les débuts de la légende arthurienne. « Une catastrophe au ralenti, mais fatale » (p. 346), qui conduit la jeune fille pourrie-gâtée à se muer en maîtresse-femme, et à se rendre à son tour à Rome, pour participer à la fondation de l'Ordre.

Et, à Rome, nous suivons au bout d'un certain temps la jeune Lucia, élevée par l'Ordre. Une fille pas vraiment banale, dont le corps recèle bien des surprises...

Si la construction est assez audacieuse (et irréprochable), le point de départ et la trame semblent à première vue du plus grand classicisme : des secrets de famille, un mystérieux ordre religieux romain qui traverse l'histoire, pas de doute, ça sent l'histoire secrète mêlée de théorie du complot. Mais Baxter sait jouer adroitement de ce canevas éculé, et Coalescence n'a en définitive rien à voir avec une énième davincicoderie. C'est bien un roman de science-fiction... et très bon qui plus est.

Mais évacuons rapidement les défauts, assez typiques de la production de Baxter. On le reconnaîtra volontiers, son style est au mieux médiocre et purement fonctionnel, comme d'habitude ; mais on l'a connu bien pire que ça, tout de même. Non, le principal défaut de Coalescence est probablement sa longueur, sans doute excessive, comme souvent chez l'auteur. Il est vrai que ce roman aurait peut-être mérité quelques coupes ici ou là (notamment, les passages – brefs, il est vrai – sur la destinée de l'Ordre après la mort de Regina m'ont semblé assez superflus, et certains aspects de la trame contemporaine de même).

Mais je ne suis pas du tout d'accord avec ceux qui se sont plaints de la longueur et de la lenteur des (en gros) première et deuxième partie, dominées par la figure de Regina. Certes, l'intrigue met du temps à démarrer, et l'on peut trouver que l'auteur se complait dans les détails... Mais ce dernier aspect est à mon sens une qualité, et le fait est que Stephen Baxter y manipule heureusement l'histoire, et qu'il est, pour une fois, en mesure de nous livrer des personnages très complexes et fondamentalement humains, bien plus réussis que ce à quoi il avait pu nous habituer. Pour ma part, je me suis régalé tout au long de cette apocalypse lente, assez finement décrite, et regorgeant de passages marquants.

Mais la partie contemporaine n'est pas en reste, malgré quelques rebondissements plus ou moins grossiers ici ou là. Car elle débouche en définitive sur ce pour quoi Stephen Baxter est un auteur que j'adule quand il est à son meilleur : un réel talent pour le « sense of wonder ». La fin du roman, qui frise le délire pur et simple, ouvre des perspectives absolument fascinantes, et livre une belle réflexion sur l'humanité, sur l'évolution et sur les phénomènes d'émergence.

Coalescence, avec ses défauts, relève donc à mon sens du grand Baxter, même si je mettrais ce roman un cran en-dessous des Vaisseaux du temps et d'Évolution. Il confirme en tout cas à mes yeux le talent remarquable de cet auteur, à n'en pas douter un des meilleurs du genre. De quoi donner envie de lire la suite... qui n'a pourtant a priori pas grand chose à voir, puisqu'il s'agirait d'un space opera. Mais je vous parlerai aussi prochainement de Déluge, et très probablement du deuxième tome des « Xeelees », et ce même si Gravité m'avait déçu. Tout simplement parce que, quand Stephen Baxter est en forme, comme ici, il est capable d'offrir de merveilleuses heures de lecture, riches d'évasion comme de réflexion.
Nébal
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le 6 oct. 2010

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