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Peut-être parce que je connais moins Redon que le romantisme, Confidence d’artiste ne m’en a guère appris sur Redon, à part que l’homme avait des opinions très marquées par le romantisme. Ainsi, quand il parle des mains de son maître Rodolphe Bresdin, explique-t-il qu’« elles révélaient bien, comme toute sa personne d’ailleurs, l’être à part et de destination fatale, l’être prédestiné que doivent faire souffrir sourdement, douloureusement, les heurts journaliers de la vie ordinaire contre celle de sa dilection » (p. 19 aux Éditions de l’Échoppe). La figure de l’artiste chez qui le destin a transformé l’art en fardeau n’a rien de vraiment révolutionnaire. Un peu plus tôt (p. 8), ceci : « La tristesse, quand elle est sans cause, est peut-être une ferveur secrète, une sorte d’oraison que l’on dirait, confusément, pour quelqu’office, dans l’inconnu. »
Ce qu’il y a donc de plus étonnant dans ce texte, c’est qu’il développe en 1913 des idées qu’on daterait plus volontiers de 1813. Ce n’est pas un problème en soi ; Redon ne fait que remettre un soupçon de mysticisme à la notion de poète maudit formalisée, dans la lignée déjà des romantiques, par un Verlaine. (Il y a sans doute des équivalents peintres, mais je connais mieux les lettres. Il me semble par ailleurs qu’aucune autre époque que cet entre-deux-guerres-là – 1870-1914 – n’a autant mêlé peinture et littérature.) Mais cela réduit considérablement la portée de cette Confidence d’artiste : si un passionné de Redon y trouvera du grain à moudre, un lecteur simplement curieux la lira sans beaucoup de passion.
Car si les idées n’y sont guère percutantes, sa structure n’existe pour ainsi dire pas et le style demeure plutôt pompeux – cf. l’incipit : « Ce ne sont pas ici des souvenirs que je donne, mais des avis sur moi, des aveux, des témoignages, à seule fin si possible de faire indirectement jour sur mon art. Je le lui dois. Bien que j’en connaisse les défauts et les faiblesses, j’en ai le respect. Il m’est revenu de sa signification et de sa portée sur l’esprit de quelques-uns des échos si touchants, si sérieux, inattendus, éveillant aussi ma surprise, que je ne fais que participer à son expansion en m’occupant encore de lui par la plume, et en tâchant de projeter sur l’esprit de quelques autres, un peu plus loin, quelque chose encore du premier effet. »
Ça pourrait être le texte de remerciement lu par un artiste blanchi sous le harnais au début d’un banquet qui lui serait consacré.

Alcofribas
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le 20 oct. 2017

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