Jérôme Lafargue, conteur doté de pouvoirs magiques.

Audric, qui a été musicien dans un groupe de rock et plus tard un chercheur en histoire au talent prometteur, a abandonné le monde trop étriqué de l’université pour se retirer dans l’ancien hameau de Cluquet, perdu au bout d’un chemin entre la forêt majestueuse des Landes et les rouleaux bleutés de l’océan. Sur ce territoire familial, il tente, un peu perdu, de déchiffrer l’énigme de la vie de son arrière-grand-père Élébotham Gueudespin et d’en assumer dignement l’héritage, transmis par une lignée paternelle d’hommes rebelles et hors normes, son grand-père aviateur lunatique et son père, un surfeur de légende.


«Ma famille est issue d’un nulle part archaïque, violent et fantasmatique.»


L’histoire racontée par Audric débute le 2 décembre 1905, lorsqu’Élébotham, personnage énigmatique, tueur, guérisseur, sorcier redoutable aux yeux vairons, commence le périple qui va l’amener à prendre possession de ce lieu hostile et sublime, où il va construire sa maison au sommet de la dune face au bois du Loup gris.


«Qui était ce colosse au visage juvénile, dont les cheveux drus d’une noirceur intimidante s’échappaient en vagues puissantes de ce bonnet étrange ? Un moine, un brigand, un troubadour, un tentateur, un bienfaiteur ? Il était insaisissable, et lui seul pouvait juger du ravin sans fond qui désormais le séparait de tous.»


Alors que le temps qui passe a vidé et réduit le hameau à l’état de ruines, que la maison des Gueudespin est restée seule au sommet de la dune, Audric, dernier habitant de Cluquet fragilisé par un héritage trop lourd et par le délitement du monde, cherche à comprendre le sens de la magie de son aïeul, et à suivre le parcours à travers le temps d’une lignée de rebelles méconnus.


Dans ce deuxième roman, paru en 2009 chez Quidam éditeur, Jérôme Lafargue fait osciller son lecteur entre l’envie de croire de l’enfant et les brumes déroutantes de l’incertitude, sur les traces de ce narrateur qui est peut-être fou, dépressif ou sorcier à son tour, mais il captive, comme toujours, à la croisée du réel, des rêves et du fantastique.


«Elébotham se sentait bien plus qu’un homme : ses yeux de tueur et sa sérénité d’elfe sauvage faisaient de lui un hybride dans un monde qui ne restituait guère plus que des épaves en guise d’individus.
En d’autres temps, il aurait été poursuivi, bafoué, emprisonné sans doute. […] Mais nous parlons là de temps anciens, de temps obscurs et inquiets. Le modernisme s’annonçait à présent à grands roulements de tambour, les machines envahissaient les usines mais aussi les campagnes dans une java anarchique et indistincte, où les fortunes se bâtissaient aussi vite que les pauvres perdaient leurs derniers biens. Plus que jamais, les vilains se faufilaient à travers les mailles des filets usés d’une maréchaussée débordée et encore dubitative sur les moyens qui lui étaient alloués. Ainsi Elébotham pouvait-il cheminer à sa guise.»

MarianneL
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le 23 févr. 2015

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