Dixie
6.1
Dixie

livre de Julien Green ()

Ce qu'il y a de plus pénible dans ce roman, c'est l'héroïne. Elle tape déjà sur les nerfs dans les Pays Lointains mais c'est dans ce dernier tome que sa sottise atteint des sommets. Nous allons résumer sa personnalité plus que simple à comprendre en quelques points.
D'abord, elle n'a vraiment rien dans la cervelle. Elle incarne à la perfection l'archétype de la femme du XIXe siècle : je ne sais rien, sauf que je suis belle, je ne m'intéresse qu'aux robes et aux hommes, surtout ceux qui sont en uniforme. Elizabeth se pâme littéralement lorsqu'elle voit des officiers et lorsque son second mari, Billy, rentre en permission, elle s'enquiert plus de son nouvel uniforme que de sa santé !!! Non seulement elle n'a aucune culture mais elle ne cherche pas à en avoir : elle bâille sans retenue devant les leçons d'histoire d'Oncle Charlie.
Pourquoi un tel désintéressement ? Parce que cela ne la concerne pas au premier chef. En effet, Elizabeth, c'est, en plus d'une femme superficielle, un être très très égoïste. Pendant tout le roman, c'est "moi d'abord" ! Si elle se soucie de ses maris successifs, c'est parce qu'elle n'aime pas la solitude. En fait, ce qu'il lui faut, c'est un homme pour partager son lit et lui envoyer des lettres d'amour. Tous les hommes ou presque sont bons tant qu'ils sont à peu près présentables. Elle n'aime pas les hommes, elle aime l'amour. Le but de sa vie est que tous les hommes tombent à ses pieds, ce qui arrive car ceux-ci ne voient qu'une belle image. Ils sont assez peu exigeants pour se contenter d'un personnage aussi creux. Même si une once de bon sens rappelle à Elizabeth qu'elle aura des ennuis en aguichant ainsi tous les mâles qui croisent sa route, elle ne peut s'en empêcher. Elle n'écoute que son corps et forcément, cela l'amène à connaître des situations pénibles. Evidemment, elle ne sait rien faire de ses dix doigts, pas même se tirer d'affaire quand elle a des ennuis et ce sont toujours les autres qui arrangent ses problèmes, sans qu'elle leur en soit reconnaissante. Elle est incapable d'affronter les vicissitudes de la vie : elle s'évanouit lorsqu'elles arrivent. Et elle prétend être courageuse et sans peur parce qu'elle est Anglaise. D'ailleurs son patriotisme envers l'Angleterre est franchement agaçant, de même que son anti-catholiscisme, alors qu'elle ne connaît de cette religion que les préjugés des protestants de cette époque. Grande hypocrite et extrêmement vaniteuse, elle refuse de reconnaître la vérité, surtout de la bouche de sa gouvernante, Miss Llewelyn, qu'elle décide de haïr parce que celle-ci lui dit les choses crûment. Elle a une si belle opinion d'elle-même qu'elle ne veut pas qu'on lui rappelle son caractère sensuel et impulsif. Là, on peut l'excuser car le sexe était totalement tabou à son époque et vu comme une chose criminelle. Bref, le monde doit tourner autour d'elle et elle accepte mal qu'on puisse se passer d'elle.
Sa relation avec son fils aîné, Ned, tourne quasiment à l'inceste. Elle relève du syndrome de Stockolm. Elle applique sa relation avec les hommes à son enfant, c'est proprement dégoûtant. Heureusement, de nombreux incidents lui font rendre compte de l'horreur de ses actes, et, dans ce domaine, elle redresse la situation. Le petit garçon s'émancipe et se détache plus ou moins d'elle.
Malgré tous ses défauts et ses bêtises voire ses crimes (après tout, elle a une grande part de responsabilité dans la mort de son premier mari), tout le monde l'adore, les hommes comme les femmes. Et là, on touche une vérité toujours actuelle : les plus aimables ne sont pas forcément les plus aimés, loin s'en faut.
Bref, l'héroïne est détestable, ce qui fait la qualité de ce roman réaliste. On apprécie aussi les moments poétiques (les descriptions de la flore et de la faune américaines), le mystère ambiant (surtout dans les deux premiers tomes avec l'histoire insérée de Laura) et la grande fidélité à l'Histoire.
Isabeau
6
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le 2 juin 2012

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