Hercule Poirot à Bletchley Park

Avant le passionnant "The Imitation Game", je n'avais jamais entendu parler d'Alan Turing ou de sa machine. De même, j'ignorais que les efforts et travaux de décryptage des messages nazis, codés par Enigma, avaient conduit à poser les bases de l'informatique moderne.
C'est donc un peu plus éduquée sur le sujet, que je me suis attaquée à l'"Enigma" de Robert Harris, auteur du très intéressant "Pompei" et surtout de l'excellent "Fatherland". ​
Tout comme "The Imitation Game", Enigma se déroule pour bonne partie à Bletchley Park, fourmilière d'intelligence humaine oeuvrant jour et nuit à percer les secrets d'Enigma. Le contexte historique est donc authentique tout comme les signaux maritimes Allemands reproduits dans le roman, comme le précise l'auteur en préambule.
Le reste lui est pure fiction et s'inscrit dans le registre classique de l'intrique policière.
Le héros, mathématicien doué et souffreteux de son état qu'Harris ne parvient pas à rendre attachant, non content de mettre ses neurones en surchauffe pour décrypter Enigma et déjouer les plans nazis, enquête aussi sur la soudaine disparition d'une jeune femme avec laquelle il entretenait un début de relation romantique.
Il y a donc un empilement de "suspense" qui a engendré pour moi une certaine indigestion et un déficit en crédibilité. On ne sait plus très bien quel est le véritable enjeu de l'intrique: décrypter Enigma pour éviter que ne soit décimé un important convoi américain en Atlantique? Découvrir ce qui est arrivé à Claire Romilly et ce qu'elle fabriquait avant de disparaître? Ou les deux mon Capitaine?
La mise en place m'a parue inutilement longue et certains passages décrivant les opérations et la cuisine interne de Bletchley Park fastidieux.
Même s'il n'apporte délibérément pas toutes les réponses, le dénouement n'est pas mauvais, mais il arrive un peu comme un dessert qui ponctuerait un repas trop copieux.
Enfin, je l'admets, à près de 50 ans, j'en ai un peu soupé de ces histoires de mecs qui sauvent le monde à la seule force de leurs petits bras musclés...
En superposant les intrigues et les fils rouges sur une toile de fond de décryptage, contre-espionnage et autre ingénierie déjà passablement complexes, Harris a noyé le moteur et n'a pas pour moi réussi son mariage entre histoire et fiction.
Reste à voir si l'adaptation cinématographique avec Kate Winslet, s'en sort mieux.
A bon entendeur.
Amitiés,
Dustinette