Je suis encore plus criminel que vous !

Dans cette pièce de jeunesse, l’argument est encore assez simple : mettre en présence deux braves types qui se prennent mutuellement pour des criminels, et voir ce que ça donne.

Pour qu’il y ait méprise, il faut donc que les personnages ne se connaissent pas. Aussi Plumard, le mari qui soupçonne Taupinier de le cocufier avec sa femme Pépita, sert-il surtout de metteur en scène de la rencontre cruciale : convoquer un policier à telle heure pour coincer le rival, qu’il fait passer pour un criminel ; la mécanique de Feydeau exige donc qu’un inconnu se pointe à la place de Taupinier, et c’est Lemercier, qui est intéressé par Pépita, lui aussi...

Scrupuleusement, Feydeau anticipe sur les situations de confrontation en nous communiquant au début des éléments qui vont servir de levain aux coïncidences, au comique et aux quiproquos : un bijou à tête de chien perdu par Pépita, et le pseudonyme de Lemercier. Ajoutons qu’un autre élément fréquent chez Feydeau apparaît ici : les réponses absurdes données sur-le-champ par un personnage pour masquer une réalité embarrassante : ainsi, le père de Pépita est présenté comme arborant une broche en diamant...

La scène où Pépita et Taupinier examinent Lemercier sous toutes les coutures est particulièrement animée, et riche en déplacements hilarants des personnages. Il faut dire que les manies de Lemercier préparent bien cette scène : il enlève et remet son paletot à tout bout de champ... Et la scène où Taupinier et Lemercier rivalisent dans leurs autobiographies criminelles n’est pas sans rappeler la scène entre Carreidas et Rastapopoulos dans « Vol 714 pour Sydney ».

Feydeau recule moins que Labiche devant l’absurde et l’invraisemblable, mais les effets qu’il tire de ces dérapages sont gros de puissance comique.