Je remercie les éditions JC Lattès et le site NetGalley pour l’envoi de ce livre. Histoire d’Adrian Silencio est le premier roman d’Éléonore Pourriat, jusque là connue comme scénariste et réalisatrice (Je ne suis pas un homme facile, 2018). A l’aune de ses premiers pas, elle offre à la sphère littéraire, un roman très réussi qui saura enchanté son public comme ce fut le cas pour moi même. Toutefois, bien que ce soit une belle découverte ce n’est pas un coup de cœur (quelques petites imperfections par ci par là).


En terme de style d’écriture, je n’ai strictement rien à reprocher. Éléonore Pourriat fait preuve d’une totale maîtrise de sa plume. Rien n’est à jeter dans sa prose, chaque mot est pesé, à sa place. La fluidité du texte couplée à une immersion quasi immédiate emporte derechef le lecteur dans cette histoire aux tonalités nostalgiques. J’ai apprécié ce mélange subtil entre le fil conducteur du récit (l’histoire d’Adrian Silencio) et les réflexions très personnelles de la narratrice liées à cette histoire.


Parce que Histoire d’Adrian Silencio, c’est bien plus que ce que peut le laisser présager le synopsis plutôt ordinaire, la recherche de l’identité d’un grand père défunt. Le genre d’histoire que toute famille pourrait raconter en changeant les lieux, les évènements et les noms. L’autrice utilise ce prétexte pour traiter d’un certain nombre de questions touchant notamment aux rapports humains et à la quête de soi.


Au travers de son enquête de recherche généalogique, la narratrice en voulant esquisser un portrait plus tangible de son grand père, a en réalité une envie profonde de se définir elle même, en tant que telle, en tant que petite fille de… On ressent à travers ses mots un besoin presque maladif de SAVOIR, de fouiller dans les traces laissées par le passé dans son présent (témoignages, objet dont le cartable du grand père et tout ce qu’il contient), d’aller déterrer les racines dans lesquelles coulant la sève de sa famille. Mais est-il sain de vouloir raviver le passé? Est ce au prix de l’oubli de sa propre personne et de ses proches dans ce présent qui lui est bien réel?


Dans un contexte de guerre civile espagnole puis de dictature franquiste, Histoire d’Adrian Silencio, aborde la question de l’exil pour raison politique et celle des réfugiés. Le roman m’offre un autre regard sur ces personnes contraintes de quitter leur pays pour leur survie et les difficultés rencontrées pour s’intégrer dans le pays d’accueil et assimiler une culture qui n’est pas la leur. C’est un véritable sacrifice, celui de l’abandon de sa patrie et de ses proches.


Adrian Silencio est un personnage très ambivalent et piégé par ses choix de vie. Tiraillé entre l’amour pour son pays natal et ses premiers enfants qui le lient inexorablement encore à sa patrie, et, l’amour pour sa seconde famille française. Sous les non dits, les silences, on sent une certaine lutte et un désespoir chez ce personnage qui devra choisir, et au final, oublier une partie de ce qui le définit. Son histoire questionne également le lecteur sur l’adultère et les dégâts qu’il peut causer sur les personnes blessées par cette trahison.


Histoire d’Adrian Silencio est un roman qui déborde d’amour: l’amour pour ses enfants, pour une mère, un père, un grand père, sa famille; c’est aussi un amour que l’on ne dit pas, que l’on n’ose pas avouer, un amour haine, un amour fait de regret et d’amertume, un amour pour sa Patrie, pour ses camarades de galère, pour sa passion…


Rien que pour tout ce que je viens d’aborder, ce premier roman d’Éléonore Pourriat mérite d’être découvert. Toutefois j’émettrai quelques « hics ». L’enchaînement des événements à la fin du roman m’a semblé trop hâtif et peu surprenant. J’aurai aimé une sorte de petite révélation inattendue. Je fais cette même réflexion pour la parenté espagnole de la narratrice qu’elle méconnaît, qui apparaît subitement. Cela m’a posé des difficultés pour me faire une image de chacun des membres de cette famille (pour compliquer les choses, beaucoup portent les mêmes prénoms). Un vague sentiment de « brouillon » pour cette fin donc. Pour finir, mais là je chipote, un arbre généalogique de la famille aurait été le bienvenu pour mieux situer chacun.


Encore une dernière question qui s’adresse à l’autrice (si par le plus grand des hasards, elle passe par ici), après promis je vous laisse: D’où sont tirées les photos présentes dans le roman? Sont-ce des photos personnelles? L’histoire de cet Adrian Silencio a t-elle une dimension autobiographique ou purement fictionnelle? Quelle a été la genèse de ce roman? Qu’est ce qui l’a inspiré? Bon bon bon, d’accord, ça fait plus d’une question ???? J’ai tendance à bavarder un peu trop quand une lecture m’interpelle…


Un cartable, des photos en noir et blanc, des lettres, des coupures de journaux, des témoignages… Chaque élément, à sa manière, renferme un peu de cet espagnol, musicien, exilé en France dans les années 30. A la manière d’un puzzle, sa petite fille devra réassembler les pièces pour révéler la vérité sur ses origines et mettre fin aux lourds silences qui étouffent sa famille. Histoire d’Adrian Silencio est un roman sur la transmission intergénérationnelle, sur le besoin d’appartenance et la quête d’identité. Malgré une fin un peu décevante, j’ai été embarquée par la narratrice, et, d’un point de vue très personnel, je m’y suis identifiée dans sa volonté de découvrir ses origines. Un premier roman très réussi qui ne laisse pas indifférent et qui pourra parler indéniablement à chacun d’entre nous. Une nouvelle autrice à suivre… Maintenant je dois vous laisser pour aller m’apprêter, je pars au Moulin Rouge ce soir… Un nouveau orchestre talentueux joue un tango envoûtant… Parmi les musiciens, un trompettiste à l’accent espagnol…

JessicaDubreucq
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le 22 juil. 2019

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