Comme chaque lundi, Antoine tue son père. C'est une habitude dont il a besoin, car c'est un enfant atteint d'Asperger, et qu'il a besoin de repères, de rituels répétés en boucle qui le rassurent. Alors il tue son père, « pour de faux » évidemment, jusqu'à ce qu'il le tue « pour de vrai ». Une mauvaise chute, un accident bête. Son père fait le mort, mais il tombe mal, se cogne la tête, et ne se relève pas. Et c'est un monde calibré au millimètre carré qui s'écroule. Pas seulement pour Antoine, mais aussi pour sa mère.
Antoine, pendant longtemps, continue à croire – mais le croit-il vraiment ? – à un jeu auquel son père excelle particulièrement, mais se construit dans le même temps en dehors de cette figure paternelle. En parallèle, sa mère s'effondre peu à peu tout en essayant de le dissimuler, et son père assiste, impuissant dans son lit d'hôpital, à ce retournement de situation.
J'ai tué papa est, en effet, un roman à trois voix. Chacune de ces voix donne un regard différent sur le handicap, sur la particularité d'Antoine. Ce dernier essaie tant bien que mal de s'intégrer dans un monde qu'il ne comprend pas toujours, et surtout, sans cet homme, son père, qui le rassurait tant dans les moments de crise, alors que sa mère, qui sait à peine gérer son propre désarrois, ne sait plus à quel saint se vouer.
Et paradoxalement, presque prophétiquement, c'est en « tuant le père » qu'Antoine va réellement pouvoir se construire en tant que personne. Il va réussir à inverser les rôles et à se faire le pilier de sa mère quand celle-ci ne se sent plus capable de supporter le poids du chagrin, et encore moins la charge de cet enfant qu'elle a peur de ne pas savoir gérer sans son père. Il s'agit quasiment d'un roman initiatique, où Antoine va passer de l'enfance à l'âge adulte, avec cette sorte de candeur qui prête à sourire et qui le caractérise tout au long du roman, notamment dans son regard sur le drame qui touche sa famille : ce n'est pas lui qui est différent, c'est ce monde qui est fou.

marquise
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le 29 août 2016

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