Pendant toute ma scolarité, j'ai rêvé de faire de la philo. Je pensais que ce serait un cours où on apprendrait à réfléchir, où les textes des « Grands Anciens » serviraient de base à nos dissertations sur des thèmes à la fois actuels et intemporels, je pensais que j'adorerais lire de la philo, écrire de la philo, vivre la philo. Arrivée en terminale, je me suis rendue compte que, même en section littéraire, il s'agissait plus d'apprendre des « notions » et des extraits de texte par cœur afin de pouvoir les régurgiter dans des dissertations en trois parties, « selon machin c'est oui, selon truc c'est non, alors au final c'est un mélange des deux ». Ma déception fut immense, du coup les heures hebdomadaires de philo furent utilisées par moi pour faire tout sauf de la philo, en général aider mon libraire de l'époque. Arrivée à l'examen, j'ai du mon salut à un immense coup de veine : je suis tombée sur un examinateur qui n'aimait pas Descartes. Faut dire, moi non plus. Alors je l'ai démonté, et il a aimé.

Tout ça pour dire que la philo et moi, maintenant, c'est pas gagné. Quand on m'a proposé de parler d'un ouvrage sur la jeunesse de Rousseau, au début, j'ai éclaté de rire. J'ai commencé à rédiger un mail disant que c'était super gentil mais que non merci, et puis j'ai réfléchi deux secondes. D'abord, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis (et je suis une girouette). Ensuite, je me suis dit que peut-être le fait de faire entrer un peu d'humain dans les textes d'un philosophe pourrait m »intéresser, ou tout du moins m'aider à comprendre un peu ses théories. Bon, je vous rassure tout de suite, ça n'a pas fonctionné. Pour tout dire, je ne me sens pas réellement plus proche de Rousseau. Et ça vient à mon avis de plusieurs défauts.

Le premier, mais à mon sens c'est une critique que l'on pourrait faire à la totalité du catalogue du Diable Vauvert, c'est une difficulté à choisir son public. On va de Max et les Maximonstres à La Voie Humide, et dans beaucoup de cas j'ai du mal à percevoir qui est visé. Cette collection, par exemple, me semblait viser les jeunes, ceux qui justement ont 20 ans et des fois des difficultés à imaginer que les auteurs non seulement puissent être des êtres vivants mais aussi puissent avoir été de jeunes gens pleins de vie. Mais ce texte n'est pas pour les jeunes. Il est très savant, pas d'une gaîté folle, il juge énormément Rousseau et passe beaucoup de temps à expliquer que toutes ses erreurs viennent de sa jeunesse. Bon, alors, il est pour les spécialistes ? Non, bien sûr, c'est ce que l'on appelle de la vulgarisation (rien de dépréciatif chez moi dans l'usage de ce terme). Sauf que le packaging ne correspond pas à un livre que l'on verrait dans les mains d'un « adulte » (oui les adultes ne lisent que de gros livres chiants, je sais, c'est la limite de mon argumentation mais je suis chez moi alors je fais ce que je veux). Bref, ce souci de cible fait que le texte oscille entre « djeunz écoute la voix de la raison » et un langage parfois précieux, sans mentionner l'évidente admiration de l'auteur pour Rousseau (je ne partage pas, mais je peux comprendre).

Au bout de quelques pages j'ai décidé de le prendre comme il venait, un texte sur un jeune homme, sans me préoccuper de qui ou de quoi. Je l'ai pris comme un roman avec un style un peu bizarre, et au final ça passe plutôt bien ! Je garderai pour moi tout le mal que je pense de Rousseau, mais je dois dire que côté « montrons que lui aussi a fait des erreurs de jeunesse » l'ouvrage est plutôt réussi, et qu'il a humanisé pour moi un philosophe que je voyais plus comme un buste sur un piédestal que comme un réel fils, compagnon, ami ...

Donc voilà, une fois de plus mes préjugés furent battus en brèche ! Merci Babélio, et merci Au Diable Vauvert !
Ninaintherain
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le 26 mars 2012

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