Journal intime, dans la bibliographie de son auteur, le désormais légendaire Chuck Palahniuk, à qui l'on doit notamment les chefs-d'oeuvre Fight Club, mais aussi Choke (tous deux adaptés en films), Survivant, et Peste, figure parmi les ouvrages mineurs. D'aucuns diraient même faibles. Classer Journal intime dans la même catégorie que À l'estomac ou Snuff serait pourtant une erreur. Magistrale. Même s’il ne confine pas au génie de certains de ces romans, ou si sa structure n’éclate pas de manière aussi tarabiscotée que dans Monstres invisibles, Journal intime se révèle une valeur sûre à côté de laquelle passer serait une autre erreur.

Cette fois, c'est à l'art que s'en prend Palahniuk, avec son talent habituel, toujours aussi féroce, le regard acéré et violent, presque fantastique. À l'art, aux communautés, aux plats anciens, à la famille consanguine et, de manière plus large et comme à chaque fois, à l'homme et à sa vie en société.

Toujours aussi loufoque, la narration de Journal intime détourne, sous une forme éponyme, la structure du roman. Chaque chapitre est une nouvelle entrée rédigée par un témoin privilégié du drame générationnel que vivent les héros. Le quotidien des personnages pue la misère et les remords, les préjugés et les savoirs pratiques indispensables, les sentences sur la vie et la mort et les dialogues éthérés, à l'image de l'esprit de ces tarés shootés aux médocs de l'époque, à la haine et à l'envie, sortis de tableaux magnifiques d’un autre temps.

Journal intime s'offre le luxe de ne pas vieillir. Il représente à merveille la vie du début du XXIe siècle, oscillant entre jemenfoutisme et standardisation, mercantilisme et peur panique de l'inconnu, obsession sociale et réaction pusillanime.

Moins urbain, plus champêtre que ses autres productions, Palahniuk n’en évoque pas moins le monde et les gens qui le font. Il continue de maîtriser un propos qu’il déploie un peu plus à chaque ouvrage, couvrant bientôt chaque pan de la société qu’il dénonce et qu’il voit si bien.

Moins ambitieux peut-être qu’un Survivant, Peste ou Choke, il construit cependant avec brio une légende, une critique de la critique, une réflexion sur l’art, son contexte et les artistes. Il tisse la toile d’un monde bancal qui se cherche et qui, dans l’attente, se consume à petit feu.

C’est toujours brillant. C’est passionnant même et offre un cadre un tout petit peu plus facile d’accès, moins classique et moins complexe.

Rempli de clins d’oeil et d’idées géniales, Journal intime se laisse aisément dévorer. Essayez, vous verrez que j’ai raison (j’ai toujours raison).
hillson
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le 10 août 2013

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