Araignées, avion, mais aussi peur des poils, des gallinacées ou bien de se salir, l’éventail des phobies est immense, aussi vaste que l’imagination humaine, et en particulier que celle des écrivains rassemblés dans ce recueil collectif, qui font vivre les phobies de façon subtile ou tragique, tranchante ou franchement drôle.

Un nouveau régal des éditions Antidata, et parmi ces douze nouvelles, j’ai été particulièrement sensible à :

- "Foby chien fidèle", une nouvelle bestialement drôle de Stéphane Monnot, dans laquelle un homme abandonné par sa femme suite au kidnapping d’un coq, acte héroïque mal compris, a sombré dans une dépression mâtinée de diverses phobies, notamment animales. Il entreprend une thérapie canino-sensuelle, alternative efficace au remède de cheval.

- "Une Cléopâtre de Monoprix" de Christophe Ségas, où Théophraste de Muhrr, homme du passé, hirsute, casanier et passionné de la culture des champignons, se met en ménage avec une sultane orientale de pacotille, qui déverse son enfermement et son désir d’évasion dans une consommation frénétique, obsessionnelle et totalement improbable. Une illustration comique des effets pervers cumulés des clichés et de la surconsommation.

- "Parking", une très grande réussite signée Ludmila Safyane, où la phobie des araignées et la toile de la nostalgie et des déceptions de la vie viennent former un piège implacable.

«Peut-être qu’elle exagère, Cristina. Pourtant, les longues pattes rectilignes se hâtaient avec raideur, savaient où elles allaient, se sont précipitées vers le tableau de bord, ont trouvé asile sous le volant, ont glissé entre les interstices, se sont fondues dans le décor, ont disparu. Disparu. Où ? Où ? … Là où personne ne pourrait les déloger ? Dans un de ces recoins dont toute technique est truffée. Maintenant la bestiole est tapie sous des câbles plastifiés, au chaud dans le futur ronronnement du moteur, planquée, ça n’a pris que quelques secondes. La chose est dans la place.»

- "Le premier tour" : l’homme sujet aux phobies est un naufragé et il prend corps ici en un feu d’artifice d’imagination et d’habileté littéraire sous la plume de Gilles Marchand.

- "Blanc Néon" de Bertrand Bonnet, où les mots sont des armes rares et percutantes, pour raconter une vie hachée en morceaux par la terreur du sommeil, et par un cauchemar blanc qui transforme la vie en noir.

- Et enfin "Chez ces gens-là" d’Hélène Frank, où la phobie n’est plus une tare mais un héritage, un signe de reconnaissance familial comme peut l’être une particule ou une demeure de famille ... chez ces gens-là.
MarianneL
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le 23 nov. 2013

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MarianneL

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