L'Espace vide
8.2
L'Espace vide

livre de Peter Brook (1968)

Relativement court (180 pages), cet essai est divisé en quatre parties, (malheureusement) de longueur à peu près égale. Chacune de ces parties expose une conception, historique, théorique ou personnelle du théâtre.
La première, intitulée « Le théâtre mortel », s'attache à dépeindre toutes les contraintes dans lesquelles peut s'empêtrer le théâtre, tous les codes superflus et les habitudes néfastes qui conduisent à l'absence de remise en question et à la « sclérose ». Générant des formes théâtrales parfaites mais déshabitées, sans âme, sans émotion, ovationnées seulement par les foules qui viennent au théâtre par habitude (ou pire).
La notion développée dans la deuxième partie de l'essai est celle de « théâtre sacré », qui consiste, selon les mots de l'auteur a essayer de « trouver l'invisible par l'entremise de ses incarnations visibles » constitue je pense une tentative de formalisation de cette alchimie faite d'émotion, de perceptions sensorielles et de plaisir intellectuel qui est l'essence d'une pièce « qui marche ».
La section consacrée au « théâtre brut » vient, en contrepoint de la première rappeler que ni les artifices de mise en scène, ni la qualité littéraire de la pièce ne sont indispensables pour trouver une véritable émotion théâtrale. Les théâtres populaires, ceux amateurs, les formes traditionnellement considérées comme mineurs ou sans noblesse (théâtre de tréteaux, comédie...) sont tout autant (voire plus) à même de créer un lien émotionnel invisible entre comédiens et spectateur.
La dernière partie de L'espace vide, enfin, est celle véritablement personnelle à l'auteur, dans laquelle il expose sa conception du théâtre et de la mise en scène, que l'on pourrait très schématiquement diviser en deux notions principales :
- La mise en scène est un art difficile mais indispensable. Le metteur en scène doit parvenir à laisser aux acteurs toute latitude pour exprimer leur potentiel latent, leur créativité, tout en étant le garant d'une harmonie et de la cohérence globale de la pièce. Le comédien, sous la direction d'un tel metteur en scène devient alors un matériau en perpétuelle et spontanée évolution. Le rôle du décor apparaît nettement secondaire.
- La « réussite » d'une représentation théâtrale n'est pas uniquement conditionnée par la qualité intrinsèque de la mise en scène et du jeu d'acteur. La « qualité » du public, sa capacité à recevoir la pièce, ses préoccupation personnelles, son nombre sont autant de paramètres qui entrent dans l'équation. Cette dernière notion sert d'éclairage sur à l'avis de l'auteur sur la critique théâtrale (essentielle mais valable uniquement pour la représentation concernée), sur la difficulté à imaginer un théâtre « universel » ou plus concrètement sur la réception variable d'une même pièce par des publics différents, lors d'une tournée par exemple.
C'est cette dernière partie, qui fait clairement tout l'intérêt du livre, en tant que vision personnelle de l'auteur, fruit d'une vie de théâtre. Attention cependant à ne pas attendre une vérité définitive et irréfutable concernant la pratique théâtrale. Peter Brook offre en effet dans cet essai plus de matière à réflexion que de solutions directement applicables (et c'est clairement volontaire).
Samanuel
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le 13 mars 2011

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