Le premier des dédales romanesques virtuoses de Jérôme Lafargue.

Après la disparition inexpliquée de son frère jumeau Timon et de son épouse Ilanda gravement malade, Johan Lunoilis se rend dans la petite ville isolée de Riemech, où ils s’étaient retirés suite à la découverte de ce cancer incurable. L’atmosphère de plénitude de Riemech, havre de paix aux maisons de vieilles pierres resplendissantes entourées d'une végétation magnifique, semble cependant étrange, comme si cette ville quasiment parfaite montrait un visage factice, recelant une autre dimension incomprise et effrayante, en écho aux villes mystérieuses de Georges-Olivier Châteaureynaud.


Johan part sur les traces de son frère, auteur de romans historiques à la gloire précoce interrompue par cette retraite, en s’enfermant dans son bureau. Il tente d’y déchiffrer l’énigme de sa disparition en lisant son journal et des biographies d’écrivains imaginaires, une «entreprise d’auto-psychanalyse littéraire» entreprise par Timon qui a perdu tout goût pour le roman à cause de cette maladie qui ronge la vie d'Ilanda.


Suivant son instinct et sa proximité avec Timon son double, malgré la brouille qui les tenait à l’écart l’un de l’autre depuis des mois, Johan s’immerge dans les textes de son frère, dans ces portraits d’écrivains fictifs aux destins foudroyants ou tragiques, et la lecture prend la forme d’une enquête policière où le fantasme et l’imaginaire envahissent peu à peu le réel.


Dès ce premier roman publié en 2007 chez Quidam éditeur, Jérôme Lafargue montre avec éclat son talent de conteur-magicien, son goût pour les jeux de langage et le surnaturel, son habileté pour varier les registres, pour dépeindre sans caricature des personnalités radicales et rebelles, et pour célébrer la puissance de l’imagination créatrice de fiction.


«Ricardo Rekarte était persuadé que notre vie n’avait aucun sens véritable, et que tout y était gouverné par le hasard le plus absolu. Dans cet univers privé selon lui d’utilité, la seule échappatoire restait la littérature. Son projet était de montrer que seule la littérature, pourtant masse prodigieuse d’irrationalité et d’imaginaire échevelé, pouvait résister au hasard. Comment se pouvait-il que les actions des êtres humains fussent aussi piètres et destructrices alors que simultanément ils étaient capables d’écrire des textes magnifiques ? N’était-ce pas dans les livres qu’on trouvait en réalité l’âme humaine ? Pour Ricardo, les ouvrages de la terre entière se répondaient les uns les autres.»

MarianneL
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 1 mars 2015

Critique lue 242 fois

4 j'aime

2 commentaires

MarianneL

Écrit par

Critique lue 242 fois

4
2

D'autres avis sur L'ami Butler

L'ami Butler
MarianneL
8

Le premier des dédales romanesques virtuoses de Jérôme Lafargue.

Après la disparition inexpliquée de son frère jumeau Timon et de son épouse Ilanda gravement malade, Johan Lunoilis se rend dans la petite ville isolée de Riemech, où ils s’étaient retirés suite à la...

le 1 mars 2015

4 j'aime

2

L'ami Butler
Sergent_Pepper
8

Critique de L'ami Butler par Sergent_Pepper

Excellent roman, d'une grande virtuosité dans le style et qui fait preuve d'une grande inventivité narrative. Par le biais de nouvelles imbriquées, l'auteur démontre toute l'étendue de son talent et...

le 28 juil. 2013

L'ami Butler
Charybde2
8

Critique de L'ami Butler par Charybde2

Les vertiges de la fiction, dans une paisible petite ville, parmi les écrivains imaginaires. Sur le blog Charybde 27 :...

le 5 févr. 2020

Du même critique

La Culture du narcissisme
MarianneL
8

Critique de La Culture du narcissisme par MarianneL

Publié initialement en 1979, cet essai passionnant de Christopher Lasch n’est pas du tout une analyse de plus de l’égocentrisme ou de l’égoïsme, mais une étude de la façon dont l’évolution de la...

le 29 déc. 2013

36 j'aime

4

La Fin de l'homme rouge
MarianneL
9

Illusions et désenchantement : L'exil intérieur des Russes après la chute de l'Union Soviétique.

«Quand Gorbatchev est arrivé au pouvoir, nous étions tous fous de joie. On vivait dans des rêves, des illusions. On vidait nos cœurs dans nos cuisines. On voulait une nouvelle Russie… Au bout de...

le 7 déc. 2013

35 j'aime

Culture de masse ou culture populaire ?
MarianneL
8

Un essai court et nécessaire d’un observateur particulièrement lucide des évolutions du capitalisme

«Aujourd’hui il ne suffit plus de transformer le monde ; avant tout il faut le préserver. Ensuite, nous pourrons le transformer, beaucoup, et même d’une façon révolutionnaire. Mais avant tout, nous...

le 24 mai 2013

32 j'aime

4