"Naître ne suffit pas ; encore faut-il savoir où naître"

L'homme à genoux n'a pas su. Né dans un bassin minier, fils de mineur, son destin était tout tracé. Comme son père, comme tous les pères de ce village, travailler à la mine, mourir à la mine ou par elle. Dans ce monde post-franquiste où la télévision et les journaux font voir monts et merveilles, dans ce monde où Fermin lui racontait le monde qu'il lisait dans ses livres, l'homme à genoux a cru avoir le droit de rêver. Il serait resté, il s'en serait sans doute accommodé de cette vie, si la mine, après avoir emporté un père beaucoup trop tôt ne lui avait pas pris Fermin. Fermin. Sans doute l'être qui lui était le plus cher, plus encore que son épouse ou leur enfant. Alors, en poche les indemnités de licenciement de cette mine fermée momentanément suite à l'accident ayant causé la mort de son Fermin, il décide de partir tenter sa chance ailleurs. Tout mais pas la mine, cet endroit sombre, effrayant, dont on sait que s'il ne nous prendra pas par surprise d'un coup de grisou il nous tuera à petit feu.

«  Oui, il devait trouver du boulot dans ces régions bénies, vivre dans une chambre avec vue sur la mer, s'offrir le luxe d'ouvrir chaque matin la fenêtre et contempler l'énorme plaine d'azur, semblable à celles de terre ferme que découvrirent jadis les aventuriers du Nouveau Monde. Vivait encore en lui ce besoin de délire qui façonne l'adolescence ; la mine l'avait calmé, le mariage l'avait tronqué, mais la mort de Fermin l'avait ressuscité, le transformant du coup en raison d'être. C'est ainsi qu'on peut abandonner mère, femme et enfant sans remords. On a le droit de vivre ses délires, au moins une fois dans sa vie »

Agustin Gomez Arcos nous décrit le périple de cet homme que l'on rencontre à genoux, comme à son habitude toujours en équilibre entre l'horreur et la poésie. Un récit critique envers la société, la religion, les hommes. Il nous raconte comment ce jeune homme honnête – peut-être trop honnête pour avoir le droit à une autre vie que la mendicité – de petits boulots en mauvaise rencontres, de gens égoïstes en personnages malhonnêtes, se verra réduit à s'agenouiller. Lui, un jeune homme dans la force de l'âge, est incapable de trouver un travail aussi avilissant soit-il. Et comme la misère appelle la misère, il semble que plus il chute plus on lui marche dessus. Alors « C'est son boulot, la mendicité. Le seul que lui offre la société. » Pour survivre à cette chute à genoux, l'homme rêve à Fermin, à son épouse à laquelle il veut envoyer de l'argent dès qu'il en aura. Il se l'est promis, de ne pas les laisser dans le besoin. Les souvenirs et les rêves pour affronter la réalité de sa déchéance, des gens qui passent sans le voir ou sans vouloir le voir, de ceux qui le méprisent, de ceux qui le chassent.

Et l'auteur nous pose et répond à sa manière à la question qui effraie : une fois à genoux, peut-on encore se relever ?
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le 11 août 2013

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