Un huis-clos moderne qui ne tient pas ses promesses

La Disparue de la Cabine N°10.


Titre prometteur et couverture en papier glacé, teintée d'un bleu-noir aussi profond que les insondables abîmes des océans.


Que de belles promesses sur le papier et déjà en moi, l'espoir doublé d'une pointe d'excitation : un huis-clos moderne sur un bateau de luxe mettant le cap vers les fjords scandinaves, avec champagne, paillettes et meurtre(s) à la clé. Un combo parfait, la délicieuse promesse d'une intrigue palpitante, façon Crime de l'Orient Express revisité.


Mais entre les problèmes de structuration du roman, la vacuité de la narratrice qui réussit à se rendre détestable - tant elle m'est apparue superficielle - et l'impossibilité de me représenter les protagonistes, dont la psychologie reste survolée, La Disparue de la Cabine est au final une semi-déception. Ou une semi-réussite.


1 - Un problème de structure


L'auteur n'a pas privilégié le classique "unité de lieu, unité de temps, unité d'action" que j'escomptais, pour nous plonger au coeur de l'action et mettre en place un suspense immédiat. Je m'attendais dès la première page, à être embarquée (sic !) sur le bateau de croisière et que je frissonne au bout de 10 pages. Que nenni. Des pages et des pages de blabla. 88 pages pour être exacte. Sur 325, ça fait beaucoup ! Oui, je me souviens du numéro de page, tant l'ennui m'a gagnée et que je me suis demandé si je n'allais pas arrêter là ma lecture.


Pendant près d'un tiers du livre donc, l'auteur a choisi de se pencher sur la vie et les états d'âmes de la narratrice, notre héroïne, Laura Blacklock. Une mise en bouche qui aurait pu s'avérer intéressante, si cette dernière ne m'avait pas donné envie de lui coller des baffes. Littéralement.


2 - L'insoutenable légèreté de la narratrice


Laura Blacklock est journaliste chez Velocity, un magazine de voyages. Elle est en couple avec un homme visiblement adorable, mais se comporte avec lui comme une enfant gâtée, voire une fieffée garce. Un comportement bitchy qui la tourmente (un peu), à l'égard d'un conjoint qui fait montre d'une infinie patience à son égard.


Laura cumule les mandats en matière de névroses : elle voudrait supplanter sa boss en congé maternité et profiter de cette croisière, pour se faire un carnet d'adresses et montrer qu'elle assure. Sauf qu'au fond d'elle-même, elle n'est pas sûre de parvenir à égaler sa boss et encore moins la surpasser. Elle se rabaisse, s'apitoie sur elle-même.


D'ailleurs, j'ai bien été tentée de lui dire qu'en effet, elle ne sait même pas ce que "être professionnelle" veut dire : elle se pointe la fleur au fusil au départ du bateau, sans avoir pris la peine de consulter le dossier de presse. Elle ne sait rien du voyage inaugural de l'Aurora, le bateau de croisière sur lequel elle s'apprête à embarquer. Pas plus qu'elle n'a pris la peine de se renseigner sur les quelques passagers présents à bord, avec qui elle est censée réseauter. Pour pouvoir pondre un article. Faire son boulot, en somme !


De surcroît, Laura (appelez-là "Lo", elle préfère) y va un peu fort sur la bibine et ne manque donc pas une occasion de picoler sur le bateau : champagne, alcool fort ... sans oublier les anxiolytiques. Tout ça fait forcément un cocktail détonant, surtout qu'elle dort peu. Gerbe assurée par-dessus bord.


Impossible pour moi d'éprouver de l'empathie, ni même de la sympathie pour cette trentenaire que j'ai trouvée d'une grande légèreté, que dis-je, d'une grande superficialité. Ses incursions mentales sont tout autant d'occasion de me rappeler que je n'éprouve aucune forme de sympathie et encore moins d'empathie pour cette jeune mijaurée.


Un sacré tour de forces littéraire : la narratrice n'est-elle pas celle pour laquelle je suis censée éprouver suffisamment d'attachement ? Si ce n'est pour m'identifier à elle, être a minima en connexion émotionnelle, de telle sorte que j'éprouve du plaisir à poursuivre ma lecture ?


3 - Quid de la psychologie des autres passagers ?


Paradoxe suprême du livre : alors que l'auteur s'est attachée à décrire avec force détails les circonvolutions psychologiques de notre héroïne, la psychologie des autres protagonistes est passée à la trappe. Tout juste survole-t-elle les personnages, qu'il est alors bien difficile de se figurer. On ne connaît que peu de ces gens, qui sont pourtant tout autant de suspects potentiels. Tout juste connaît-on leurs noms, leurs jobs, leurs nationalités ... mais hormis quelques éléments, rien n'est jamais travaillé en profondeur.


De la substance, bordel !


Là est à mon sens le plus gros défaut de ce livre : n'ayant que peu à me mettre sous la dent, il m'a été d'une part très difficile de retenir le "Who's Who " des passagers et de l'équipage ( j'ai croisé les doigts très très fort, en me disant "pourvu que le coupable soit parmi ceux dont j'ai retenu à peu près la description"). D'autre part, en se soustrayant à ce travail de psychologie indispensable, il est difficile d'envisager chacun des protagonistes comme un ou une potentiel(le) coupable.


D'entrée de jeu, certaines personnes présentes sur le bateau me sont apparues à l'évidence comme très secondaires, tant l'auteur a pris soin de ne pas les décrire et je les ai écartées de la liste des suspects. Très vite évincées du jeu, il ne m'a pas été possible de faire ce travail d'imagination, de développement de théories, ce délectable plaisir qui consiste à faire des allers-retours entre les potentiels suspects.


Très vite, le champ des possibles s'est rétréci.


4 - Tout n'est pas à jeter par-dessus bord !


J'ai quand même lu le livre jusqu'à la fin, je dirais donc qu'il y a dans ce livre des éléments qui ont su retenir mon attention : quelques twists scénaristiques intéressants, des petites pointes d'humour savamment distillées au fil de l'intrigue, une écriture capable de faire ressentir le roulis des vagues et d'avoir au moment opportun, ce sentiment de claustrophobie.


Un livre à lire à la plage ou en bateau, mais à mes yeux, un thriller loin de mes attentes. Des frissons oui, mais pas le grand frisson !

Glaminette
5
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le 13 févr. 2019

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