Clairement, Gene Wolfe se moque de moi. Il me tend des pièges alors que je tourne les pages de son roman. Je fais de mon mieux pour ne pas tomber dedans, mais je ne suis pas certain d’être à la hauteur.
Je ne sais plus trop ce que je lis. Est-ce un roman de fantasy ou de SF, un livre dont on est le héro que je lis dans le mauvais ordre, un commentaire sur la littérature, ou bien ce n'est peut-être pas un livre. L'impression est plutôt celle d'une de ces boites magiques, que l'on tente d'ouvrir en faisant coulisser des panneaux, qui parfois révèlent une serrure dont on n'a pas encore trouvé la clef. Et qui sait ce que contient la boîte? Peut-être une autre boîte?
En surface, il y a bien la trame assez linéaire, le voyage de Severian qui a quitté Nessus et visite la Maison Absolue en chemin vers Thrax. Son séjour dans la Maison Absolue occupe une large partie de ce volume, mais est entrecoupé par deux récits dans le récit, un compte légendaire et une pièce de spectacle. La place exacte de ces interruptions dans le reste de la narration est essentiellement inexpliquée. C'est à nous, lecteurs, de décortiquer le texte dans l'espoir de trouver le lien avec le reste de l'intrigue. J'ai ce sentiment diffus que le message est juste là sous mes yeux, mais j'ai beau plisser les yeux, il m’échappe comme le reflet qui se brouille si l'on touche l'eau du doigt.
J'y réfléchis, et je me demande si Wolfe n'a pas tendu son oeuvre entière en piège. La boîte est vide, et je m’échine en vain. C'est comme ces cycles en dix volumes, ou ces séries à rallonge, dans lesquels chaque nouveau livre ou épisode ne développe quasiment pas l'histoire. Et Wolfe démontrerait que l'on peut broder de la narration aussi élaborée que l'on veut, sans vraiment rien dire. Mais ce n'est pas que ça, bien entendu. Il y a plus. Je le sais!
Je continue. Je n'attends plus de réponses. Je sais qu'il me faudra travailler dur pour les entrevoir, et que j'ai peu de chances d'arriver même à cela. Mais comme le brave aventurier, je m'obstine.