Comment se pose la question du mal ? En retraçant la vie et les œuvres d'une trentaine d'auteurs fictifs du XXème siècle fascinés par le fascisme ou le nazisme, cette anthologie de l'infâme, mais délectable par sa forme, trouve une voie unique pour poser cette question.

« La littérature nazie en Amérique » est un livre fascinant et vertigineux, par la profusion de détails dans l'invention, dans la biographie des auteurs et leur classement par catégories, par les précisions apportées sur la correspondance, les notes, les dédicaces, les soutiens, les listes de critiques et insultes dont sont abreuvés les auteurs, les détails sur la structure des poèmes, les supputations sur les intentions des auteurs, les liens entre les auteurs fictifs, etc.

«Parmi les qualificatifs employés par ses critiques relevons les suivants : paléonazi, taré, porte-drapeau de la bourgeoisie, marionnette du capitalisme, agent de la CIA, rimailleur aux intentions crétinisantes, plagiaire d'Euguren, plagiaire de Salazar Bondy, plagiaire de St-John Perse [...], sbire des cloaques, prophète de pacotille, violeur de la langue espagnole, versificateur aux intentions sataniques, produit de l'éducation provinciale, rastaquouère, métis halluciné, etc.»

Un livre vertigineux aussi par ses double-fonds, quand il raconte des anecdotes elle-même inventées dans des vies qui le sont tout autant, ou encore quand Bolaño évoque des manuscrits qui n'ont jamais existé, brûlés par leur auteur faute d'éditeur.

«Sur sa vie à la Havane après sa sortie de prison, on raconte une infinité d'anecdotes, pour la plus grande part inventées. On dit qu'il fut un indicateur de police, qu'il écrivit des discours et des harangues pour un célèbre homme politique du régime, qu'il fonda une secte secrète de poètes et assassins fascistes, qu'il se rendit chez tous les écrivains, peintres, musiciens en leur demandant d'intercéder pour lui auprès les autorités.»

Un livre fascinant enfin par l'ironie et la mansuétude avec laquelle sont ici traités les auteurs (« son manque de rigueur verbal accidentel est compensé par son enthousiasme infini »), pour ne jamais perdre de vue que la "véritable" littérature est elle aussi le véhicule de la barbarie.
MarianneL
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le 18 juin 2012

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MarianneL

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