Paru en 1967, La porte des mondes n'est pas tout à fait une œuvre de jeunesse pour Silverberg, qui a 32 ans lorsque ce livre sort aux Etats-Unis. Et puis, il a commencé très jeune, le Robert. C'est néanmoins un roman qui précède ce que je pourrais appeler son âge d'or, s'étalant à mes yeux sur les deux décennies des seventies et des eighties. Et, en effet, si la lecture en très agréable et fluide, ce bouquin n'a pas encore toutes les qualités des pièces maitresses qui suivront.
C'est en fait un roman qui est très court, car même si dans l'édition que j'ai, il fait 250 pages, les caractères sont grands et l'interligne aussi. Ca se lit comme un roman d'aventure, qui décrit les tribulations d'un jeune homme anglais plein de fougue et d'ambition en Amérique du nord. Un peu rédigé comme un journal de bord, avec un petit côté roman initiatique qui est plutôt réussi. Du genre je pars parcourir le vaste monde, que je découvre émerveillé, mais j'apprends aussi beaucoup sur la vie et sur moi-même. Et sur le côté british du gars, il y a un peu de "L'homme qui voulut être roi" (le film de Huston) dans ce bouquin. Enfin, voilà à quoi ça ressemble.
En Amérique du nord, disais-je ? Euh non pas tout à fait, en fait dans les Hespérides du nord. Quelle différence alors ? Ben, dans l'univers imaginé par Silverberg, Amerigo Vespucci serait resté un modeste épicier florentin et n'aurait pas fait don de son prénom au continent américain. La porte des mondes, c'est ça en quelque sorte : c'est le principe selon lequel, à tout moment, un événement ou une décision peut faire basculer le destin. Le destin du monde comme celui d'un individu. Et Silverberg joue parfaitement de ce principe tout au long de sa narration.
Voilà, c'est une donc uchronie ce livre. Je vous passe les détails, lisez le, vous verrez, c'est sympa, rythmé et très bien imaginé. Mieux fichu, à mon sens que Roma Aeterna, pourtant écrit bien plus tard, mais dont la structuration sous forme de nouvelles est peu propice à un tempo soutenu. Mais dans les deux cas, on peut ressentir la même impression qu'en jouant à Civilization, ce formidable jeu vidéo dans lequel le joueur prend une civilisation à l'aube des temps et peut la faire grandir ou décliner selon ses décisions. Dans ma partie en cours, c'est l'Egypte de Cléopâtre qui est devenue l'une des premières puissances mondiales, c'est dire.
Et franchement, je me demande si Sid Meier, le créateur de Civilization n'aurait pas été inspiré par Silverberg. Après tout, ils sont californiens tous les deux..