Un antique bateau à aube remonte le cours d'un fleuve d'Afrique centrale. Nous sommes au Congo belge à la moitié du XXe siècle. A son bord le capitaine – un prêtre – s'entretient avec un homme mystérieux dont on ignore tout. Ce dernier débarque dans une léproserie (le point le plus éloigné desservi par voie fluviale) et s'y établit. Il noue un contact avec le docteur Colin en poste depuis 15 ans et les prêtres missionnaires. Au fur et à mesure des pages et des chapitres, le personnage de Querry s'étoffe : un très célèbre architecte aux œuvres nombreuses, adulé par tous à travers le monde entier. Riche et au franc succès auprès de ces dames malgré un âge le démarquant nettement des jeunes premiers. Alors que tous s'interrogent sur la présence de ce grand homme dans un coin si reculé de l'Afrique, Querry revit peu à peu sous nos yeux : il prend une part de plus en plus importante dans la petite communauté, participe activement et vient en aide à son prochain.
Récit d'un homme désillusionné, lassé de la vie de faste qu'il menait. Brisé, dégouté de lui-même, des femmes et de son ancienne religion qu'il a reniée. Pas de haine, mais beaucoup d'indifférence. Récit d'une reconstruction lente et difficile d'un homme ne s'appartenant plus. Graham Greene, à travers Querry, s'interroge sur ce qui pousse les hommes à se dépasser, à aller de l'avant, sur leurs motivations : vocations, désir amoureux, foi religieuse. Introspection d'un personnage hors norme qui s'interroge sur lui-même, se cherche après s'être égaré.
Beaucoup d'ironie dans ce livre : Querry était considéré comme un homme « vrai », un modèle pour beaucoup, détenteur de la vérité alors qu'il menait une vie pleine de fausseté. Puis ce même public ne le comprend plus, ne le croit plus et l'accuse au moment où celui-ci se rend compte de ses erreurs et repart dans le droit chemin.
Un très beau texte. Une écriture alerte pleine de dialogues. Une écriture vive pour un récit très lent, plombé par l'intense chaleur africaine, la moiteur de la forêt tropicale, la langueur des jours et la file d'attente des malades patientant à la porte du dispensaire. Une atmosphère envoutante qui permet aux 370 pages de s'écouler sans que le lecteur s'en aperçoive.
BibliOrnitho
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le 19 juin 2012

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