Le narrateur est un jeune chômeur de Nottingham envoyé en maison de correction après avoir volé une boulangerie. Le directeur de prison lui propose de sortir pour s'entraîner à la course de fonds de détenus. S'il gagne, il aura une réduction de peine, des débouchés pour être réinsérés, voire devenir une star de la course.


Mais le gars décide de la perdre, par souci d'"honnêteté".


Cette longue nouvelle (ou court roman ?) est découpé en trois parties. La première pose la situation initiale. La seconde est un flashback sur ce qui a amené le narrateur là où il en est - une occasion pour lui de développer auprès du lecteur une distinction qui lui est chère entre les "in-laws", ceux qui rentrent dans le moule de la société, et les "out-laws",, qui ont leur propre définition de l'honnêteté. L'ensemble du roman est présenté comme un monologue intérieur, même si le narrateur prétend écrire ceci d'un jet après avoir été remis en liberté et avoir commis un nouveau larcin, cette fois avec une meilleure connaissance des règles de la bonne société et de comment ne pas se faire prendre en feignant la décence.


Allégorie sociale un peu simple, qui rappellera "On achève bien les chevaux" ou "Le maître-nageur" de Trintignant. La société est une course, et ne donne leur chance qu'aux plus adaptés. L'ignorance crasse et la veulerie du détenu-narrateur est finalement moins basse que celle de l'institution carcérale qui lui tend la carotte de la performance sportive comme rédemption. On l'a compris, l'œuvre de Sillitoe est frappée au coin de la contestation et du mauvais esprit, les braves gens étant représentés, dans l'œil du narrateur, comme des gras-du-bide-aux-gros-yeux. La langue est délibérément pauvre, avec des références au cinéma populaire (Dracula, la SF...), bref on mélange le réalisme social et le "courant de conscience", en refusant (avec quelque affectation ?) tout effet esthétique. Il faut que ça fasse parlé.


Un des points forts, ce sont ces passages où l'on sent que la pensée suit un rythme, celui de la course, avec des sautes de pensées qui sont liées aux sensations immédiates du narrateur (ce qui ne colle pas, encore une fois, avec le postulat narratif d'une écriture a posteriori, même d'une traite). Restent aussi ces moments où le narrateur semble comme suspendu, uniquement absorbé par ses gestes immédiats.


Dans l'ensemble, ce court livre, pas inintéressant, ne changera pas ma vie.

zardoz6704
6
Écrit par

Créée

le 23 juil. 2015

Critique lue 596 fois

1 j'aime

zardoz6704

Écrit par

Critique lue 596 fois

1

D'autres avis sur La Solitude du coureur de fond

La Solitude du coureur de fond
camor
8

Critique de La Solitude du coureur de fond par camor

Grande nouvelle ou petit roman. Il n'est pas vraiment seul ce coureur de fond.. Il est accompagné par ses souvenirs et ses espoirs. Et c'est déjà beaucoup. Dans le dernier virage,il choisira la fin...

le 25 févr. 2016

1 j'aime

La Solitude du coureur de fond
Samskeyti
4

Critique de La Solitude du coureur de fond par Samskeyti

Un délinquant qui se retrouve en maison de correction devient le "poulain" du directeur grâce à son talent à la course de fond. Ce dernier espère le voir gagner la compétition entre plusieurs maisons...

le 8 nov. 2015

1 j'aime

1

La Solitude du coureur de fond
zardoz6704
6

Allégorie sociale, quoi

Le narrateur est un jeune chômeur de Nottingham envoyé en maison de correction après avoir volé une boulangerie. Le directeur de prison lui propose de sortir pour s'entraîner à la course de fonds de...

le 23 juil. 2015

1 j'aime

Du même critique

Orange mécanique
zardoz6704
5

Tout ou rien...

C'est ce genre de film, comme "La dernière tentation du Christ" de Scorsese", qui vous fait sentir comme un rat de laboratoire. C'est fait pour vous faire réagir, et oui, vous réagissez au quart de...

le 6 sept. 2013

56 j'aime

10

Crossed
zardoz6704
5

Fatigant...

"Crossed" est une chronique péchue, au montage saccadé, dans laquelle Karim Debbache, un vidéaste professionnel et sympa, parle à toute vitesse de films qui ont trait au jeu vidéo. Cette chronique a...

le 4 mai 2014

42 j'aime

60

Black Hole : Intégrale
zardoz6704
5

C'est beau, c'est très pensé, mais...

Milieu des années 1970 dans la banlieue de Seattle. Un mal qui se transmet par les relations sexuelles gagne les jeunes, mais c'est un sujet tabou. Il fait naître des difformités diverses et...

le 24 nov. 2013

40 j'aime

6