Fiche technique

Auteur :

Arnaud Modat
Genre : Recueil de nouvellesISBN : 9782930538242

Résumé : " La mer s’était retirée de ma chambre, abandonnant derrière elle une guirlande d’algues accrochée au mur, ainsi qu’une odeur de coquillages, et de crabe mort. Assis en tailleur sur ma chaise de bureau, surplombant la marée basse, je passais en revue les nombreux reliefs échoués sur le parquet humide : un matelas éventré, de la vaisselle sale, une vieille lettre que je n’avais pas eu le courage d’affranchir, du linge entassé, des livres ouverts, une lampe de chevet hors-service, des plantes arrachées à leurs pots, des boites de thon, une multitude de boites de thon vides disséminées à travers la pièce. Pendant la tempête, je m’étais solidement attaché au bureau à l’aide de divers câbles électriques passés autour de ma taille et reliés à l’unité centrale de mon ordinateur. Je devais être coincé là depuis trois paquets de cigarettes et demi, à en juger par le cendrier, qui dégueulait largement sur le clavier. De nombreux post-it étaient collés à l’aveuglette, sur lesquels mon écriture paniquée témoignait inlassablement : « Ça va passer, capitaine » Je portais un casque sur les oreilles, un micro autour du cou, j’étais sanglé à une guitare, une pédale d’effet accrochée à mes lacets. Les fils de tous ces appareils s’étaient noués autour de moi, à mesure que je me débattais au milieu du mauvais temps. En état de choc, j’appuyais inlassablement sur la même touche de mon synthétiseur, comme ces automobilistes crashés dont le front repose sur le klaxon. Cela faisait deux jours que je composais la musique originale du déluge. C’était le moyen que j’avais trouvé pour garder la tête hors de l’eau, chaque fois que mon cerveau se mettait en branle et faisait déborder l’univers. Oui, l’univers. Un sale weekend touchait à sa fin. Revenant lentement à la vie, je balayai la pièce (du regard) à la recherche d’un éventuel pot de chambre. Les volets étaient fermés. J’ignorais si nous étions le jour, la nuit ou en octobre."