Chaque genre littéraire a son image particulière au sein de la culture populaire. Quand on évoque la Fantasy, plusieurs peuvent apparaître dans l'esprit. Au-delà de la présence de multiples rages, d'une magie puissante, de la lutte contre le bien ou le mal, le genre a eu des années pour s'implanter, marquer, et diversifier. À présent, il est difficile de créer un nouveau récit qui s'insère toujours dans le genre sans provoquer une sensation de déjà-vu. Attiré par le prix qu'il a reçu, ce roman de Marie Pavlenko se démarque par son postulat assez simple : c'est un récit simple, avec un seul point de vue, qui se déroule dans une seule ville. Eh bien, quel coup de cœur ! J'ai été pris du début à la fin.


Loin des descriptions détaillées et de l'élaboration d'un univers complexe, La Fille-Sortilège nous plonge dans un monde crédible et immersif, et ce dès le prologue haletant. On nous présente une héroïne vraiment attachante qui répond au nom d'Erine. Au départ, elle paraît assez commune : il s'agit d'une jeune femme forte et débrouillarde qui lutte contre son destin, en ayant vécu une expérience peu enviable de déterreuse. Cependant, elle ne se résume pas à quelques traits de caractère. Grâce à ses relations bien construites et à son évolution, elle devient très vite attachante : je ne l'ai suivie que pendant 400 pages, et pourtant, c'est probablement une des mes héroïnes fantasy préférées. Elle ne se comporte jamais avec niaiserie, ni vantardise. L'auteur ne l'engouffre pas dans une romance clichée et, par opposition, ne la rend pas juste "badass".Avec elle, aucune concession possible : elle se bat, rencontre, souffre, un enchaînement palpitant qui ne connaît aucun temps mort. Elle mûrit et évolue au rythme de ses péripéties. À elle seule, elle porte le roman sur ses épaules : charismatique, elle éclipse quasiment tous les autres personnages qui se retrouvent forcément plus effacés. Cela dit, quelques-uns se démarquent : je pense notamment à Naria, à l'origine de plusieurs rebondissements intéressants, ou même sa mère, que je pensais secondaire au début. De manière générale, les personnages féminins sont très bien écrits et soutiennent le récit, là où les personnages masculins sont un peu plus unilatéraux.


Parvenir à accrocher le lecteur avec un style "simple" n'est pas aisé. Ici, Marie Pavlenko s'en sort avec les honneurs. Sans longue description et avec très peu de longs dialogues, elle nous dépeint une cité extrêmement hiérarchisé. Hommes et femmes occupent différents rôles selon des clans, de Sourcier à Guérisseur, puis il y a les exclus, ceux dont personne n'a voulu. Progressivement, nous assistons à la déchéance de la cité : le récit ne comporte qu'une quinzaine de personnages importants, mais nous voyons toute la ville se soulever, s'ébranler, et se confronter. Le style d'écriture rythme le roman : phrases courtes mais efficaces, l'effet "liste" n'est jamais présent, et l'épopée n'accuse aucune lenteur. Quelques jolis mots le parsèment également, bien insérés dans l'histoire. De surcroît, les péripéties sont variées : en sus des affrontements, on assiste à moult rebondissements, les révélations sont bien dosées. Ces ingrédients étant réunis, le récit happe directement le lecteur sans jamais le lâcher.


La Fille-Sortilège s'apparente à un cocktail savoureux, tous les ingrédients d'un bon roman de fantasy sont excellemment assemblés. L'écriture rythmée, la cité et la magie évolutive et hiérarchisée, les rebondissements, l'action, la narratrice attachante, le tout fonctionne à merveille.

Saidor
8
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le 19 févr. 2017

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Saidor

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