Le Fermier Gilles de Ham est un petit conte inconnu d'un des plus illustres écrivains du siècle précédent, à savoir J.R.R. Tolkien. Rédigé entre Bilbo et Le Seigneur des Anneaux, il nous raconte l'histoire d'un fermier Anglais vivant paisiblement sa vie au milieu des champs et du bétail, mais à qui il finira par arriver des (més)aventures extraordinaires.
La ressemblance avec Bilbo accroche dès le début, mais s'arrêtera pourtant plus ou moins là. En effet, Gilles de Ham est orienté fantasy médiévale. Le royaume de Gilles est gouverné par un roi qui a - surprise - quelques soucis de cupidité, entouré par des chevaliers qui - surprise - manquent un peu de courage, etc. L'histoire, elle, commence alors qu'un géant en perdition vient écraser la pauvre vache préférée du fermier. Furieux, celui-ci sort avec son espingole lui titiller les narines. Le mastodonte fuit, persuadé d'être attaqué par quelque insecte. Mais, de retour dans ses montagnes, le gredin se met à raconter à tout le monde à quel point l'endroit regorge de bétails facilement accessible. C'est alors que Chrysophylax, un vieux dragon bien affamé, part à la chasse.
Le conte est court (~120 pages) et relativement classique dans son déroulement, mais fonctionne bien grâce à plusieurs aspects. L'humour, tout d'abord. Le fermier Gilles est extrêmement chanceux et le personnage va beaucoup en jouer, donnant à certaines scènes un aspect comique assez sympathique. Tolkien, lui, jouera régulièrement sur le style et la narration, comme s'il nous contait lui-même l'histoire : « D'aucuns pourraient bien se demander ce qu'était une espingole. En fait, cette question même fut posée, dit-on, aux Quatre Sages Clercs d'Oxenford qui, après réflexion, répondirent : [...] ».
D'un autre côté, cet aspect léger et classico-comique est contrebalancé par une relative violence lors de certaines situations. Ainsi, sans parler de la vache écrasée, quelques personnes vont brûler, mourir décapitées ou dans le ventre du dragon, et le ton employé pour parler de ces évènements, toujours aussi joyeux et guilleret crée, un décalage... intéressant. De même, on sent une certaine maturité par moments, dans certains thèmes esquissés au détour d'une phrase. Rien de bien profond, mais assez pour qu'on ai l'impression d'avoir affaire à un conte un peu différent.
Pour finir, le livre est dans sa version française émaillé par de nombreuses illustrations, souvent très sympathiques (bien que parfois un peu grossières). Le problème vient du fait qu'elles ont été dessinées par Roland Sabatier. Je n'ai rien contre le bonhomme, mais j'ai appris que le conte possédait dans sa version originelle déjà des dessins, concoctés par Pauline Baynes, et décrits par Tolkien comme « la parfaite contrepartie du texte (voire une amélioration sur lui) ». Alors j'aurais vraiment voulu avoir cette version de ces dessins, afin de lire l'œuvre telle qu'elle a été pensée, et non telle qu'elle a été adaptée.
Publié entre deux des œuvres majeures de Tolkien, le Fermier de Gilles de Ham il n'a ni leur longueur ni leur profondeur, et ne s'en réclame nullement. Il ressemble finalement plus aux contes qu'on peut lire à ses enfants le soir, avant de s'endormir. Et en cela, il remplit très bien son office. Amusant et léger, mais point idiot pour autant, il est une histoire sympathique à découvrir, à l'occasion.
