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Le Fleuve sacré
8.8
Le Fleuve sacré

livre de Shusaku Endo (1993)

Shusaku Endo 'm a impressionné avec Silence, il suscite mon admiration avec Le fleuve sacré. Une trentaine d'années après Silence, l'écrivain garde les thèmes, qui semblent être récurrents, qui avaient fait le succès de ce livre. La souffrance spirituelle et physique, la question de la foi, le choc des cultures, la mort sont les sujets qui reviennent dans un des ses derniers livres. Oui car l'auteur meurt 3 ans après Le fleuve sacré. Il délivre ici, une oeuvre puissante qui en fera réfléchir plus d'un.


Nous suivons essentiellement quatre personnages qui pour des raisons différentes se retrouvent à faire partie d'un voyage en Inde. Isobe veut retrouver la réincarnation de sa femme, tandis que Mitsuko est en pleine introspection, Numada est étrangement lié aux animaux et Kiguchi qui est hanté par ses actions pendant la guerre en Birmanie. Vont-ils trouver ce qu'ils cherchent aux bords des rives du Gange ?


Chaque personnage représente une grande question spirituelle. Isobe pose le problème de la réincarnation, Mitsuko pose la question de l'existence de Dieu, Numada évoque le lien entre la Nature et les Hommes, Kiguchi tente de distinguer le Bien du Mal. Ils sont tous les quatre en quête de réponses. Ils les trouveront (ou non) en Inde, plongés dans cette culture et cette religion.


Ce qui est intéressant dans l'écriture de Shusaku Endo, c'est sa simplicité. Avec des mots très simples, il arrive à capter les choses complexes de la vie et de la spiritualité. Ses histoires aussi sont dans la forme très simples. Malgré l’enchevêtrement de chaque histoire des personnages, je ne me suis jamais perdu. Pourtant il y a l'histoire de ces quatre personnages mais aussi celle d'Otsu qui est directement lié a Mitsuko. Tout ça s’emboîte parfaitement et rend la lecture extrêmement agréable et nous permet de nous concentrer sur les questions que l'auteur pose. Les deux parties du livre sont de la même puissance. On voit d'abord ce qui a conduit les personnages à se perdre puis on les voit se retrouver en paix avec eux-mêmes dans la seconde partie en Inde. Il décrit aussi bien la déchéance que la rédemption. Sans pour autant tomber dans le tire larmes ou le ridicule. Il sait doser les émotions à travers les deux parties pour qu'a la fin nous soyons, certes bouleversés, mais surtout complètement réflexifs sur ce que nous venons de lire. Il y a une volonté de nous faire parcourir un voyage spirituel et introspectif.


"Ce n'est pas une vraie prière. Je fais juste semblant. De même que mon simulacre d'amour, c'est un simulacre de prière."


Chaque personnage est un élément de notre vie. Une partie de nous, une question que l'on s'est déjà posé. Personnellement, ne croyant pas en Dieu, c'est l'histoire de Mitsuko qui m'a le plus intéressé. Elle est perdu, ne trouve pas de sens à son existence et ne croit pas en Dieu, quelque soit la religion. Et finalement, elle ne trouve pas forcément de réponses à la fin du livre. Je crois qu'elle se fabrique sa propre foi, sa propre religion. La fin d'ailleurs est très ambiguë lorsque Mistuko discute avec une chrétienne. Mitsuko ne comprend pas bien la réponse de la sainte, elle pense avoir entendu un mot particulier mais ce peut-être un autre. Et cela peut porter à deux interprétations si nous choisissons le mot que nous estimons le plus juste après toute cette histoire. C'est la force de Shusaku Endo, il nous laisse le choix. C'est ce qui me pousse à une grande réflexion. Si l'écrivain, sur ce genre de questions, impose son point de vue, je n'ai plus envie de réfléchir; je me dirais simplement, je suis d'accord ou non.


"Gaston expliquait qu'il s'agissait d'un acte horrible et pourtant il serait pardonné car il l'avait commis dans un but charritable... ne s'agirait-il pas de la réincarnation ?"


Les autres personnage m'ont aussi beaucoup touché. Kiguchi nous fait percevoir que dans chaque action il y a le Bien et le Mal. Que ce sont deux choses qui sont indissociables. Encore une fois on a tout de même le doute sur ce constat. L'histoire d'Isobe qui perd sa femme et recherche sa réincarnation est très touchante. C'est peut-être l'histoire la plus puissante émotionnellement. Celle de Numada est la moins exploitée mais une des plus explicites et parlantes. Elle est faite pour tous ceux qui ont eu un animal pendant une période compliquée.


"Pourquoi donc mes frères méprisent-ils et éprouvent-ils un léger sentiment de supériorité envers les autres religions? Je ressens Son existence aussi bien chez les juifs que chez les musulmans. Il est partout."


Le choc des cultures est un élément qui à l'air de passionner Shusaku Endo. Peut-être parce qu'il est japonais de confession catholique. Il a cette double culture. D'autant plus qu'il a fait ses études en France (ça se ressent lorsqu'il décrit Lyon et Paris dans le livre lors d'un passage qui se déroule en France). Ici toutes les cultures sont brassées, le bouddhisme, l'hindouisme, le christianisme, le japon traditionnel et moderne, l'Occident et l'Asie. Ce livre, beaucoup plus explicitement que Silence, est un hymne à la tolérance. En particulier pour les religions. Otsu synthétise cette tolérance. Les Sanjo quant à eux sont les "beaufs" par excellence, les personnages fermés à la culture. N'ont pas que l'ont puisse tout aimer mais on doit toujours respecter. Et ce non respect conduit d'ailleurs à un drame. Pour une chose qui paraissait anodine quelque chose d'effroyable survient. Le livre nous montre l'importance du respect des autres au-delà de notre appréciation.


"L'eau coulait en charriant les cendres d'un mort, mais personne ne trouvait cela étrange ou horrible. La vie et la mort coexistaient harmonieusement dans ce fleuve."


La description du fleuve faite par l'écrivain est incroyable. On ressent toute la dimension sainte, sacrée du fleuve tout en étant d'un réalisme pointilleux. On imagine toute la beauté de ce fleuve qui d'aspect devrait nous dégoutter. On a subitement envie de voyager jusqu'en Inde pour voir de nos propres yeux ce spectacle sacré. Les quarante dernières pages du livre, où toutes les actions se déroulent près du fleuve, sont superbes. En particulier, le passage de Mitsuko et Otsu. Chaque personnage semble enfin trouver la paix. Tout est possible près du fleuve, tout prend une autre dimension. la vie prend une autre dimension. Sous cet aspect religieux du livre, l'auteur parle surtout de la vie.


"Ils avaient tous leur propre existence avec leurs secrets qu'ils ne pouvaient dire à personne et chacun vivait en les portant sur son dos, tels de lourds fardeaux. Tous avaient quelque chose à nettoyer dans le Gange."


C'est un livre spirituel et introspectif qui mérite d'être lu. On médite après cette lecture. Plus divertissante que Silence, elle rivalise grâce à la diversités des histoires. Shusaku Endo nous montre les souffrances mais aussi les guérisons. Je crois que c'est un livre à relire plusieurs fois à une époque différente de sa vie. Il est très inspirant. Vous êtes en crise existentielle, se livre est fait pour vous. Malgré la dureté de certains passages et la déprime qu'ils peuvent occasionner, on ressort étrangement serein de cette oeuvre. Elle provoque un changement très profondément en nous. En tout cas pour moi car elle n'aura peut-être pas cet effet là pour tout le monde. Malgré des questions d'une nature qui intéresse peu de personnes, le livre nous attire sans rien que l'on puisse faire à s'y intéresser. On peut, pour ceux qui voudrait savoir quel ton à le livre, le comparer à Cloud Atlas de David Mitchell. Ou même à l'adaptation cinématographique. Je crois que l'écrivain dépasse sa simple envie de nous raconter une histoire, pour nous pousser vers quelque chose de très profond. Un questionnement intérieur, un travail d'une vie. Shusaku Endo grâce à ce Fleuve sacré, a réussi à réunir tous ces personnages, toutes ces histoires, toutes ces parties de nous en un seul et même lieu. En une seule et même histoire, dans un seul et même but : la guérison de l'âme.


"A l'exception de cela... Il n'existe rien au monde en lequel nous pouvons croire. Mitsuko ne put entendre si elle avait dit "à l'exception de cela" ou "à l'exception de Lui"."

Lost_in_casino
9
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le 19 déc. 2016

Critique lue 803 fois

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Lost_in_casino

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