À bas le million doré !

Gracchus Babeuf était un des chefs de la Conjuration des Égaux qui a tenté de renverser le Directoire. 

Babeuf était très attaché à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de l’an 1 (1793) qui était très progressiste. Il voulait son application réelle. En réalité, Babeuf a eu une importance surtout locale, en Picardie, mais suffisamment virulente pour que la classe dominante veuille se débarrasser de lui. Gracchus a beaucoup œuvré en Picardie en faveur des paysans en les aidant à maîtriser le droit féodal afin d’éviter des procès par lesquels la justice locale s’enrichissait énormément. 

Ce manifeste est une réponse à Joseph Fouché, un Montagnard qui a critiqué les idées de Babeuf et a attaqué sa réputation ainsi que son journal (Le Tribun du Peuple).

Le début du Manifeste est intéressant car il montre l’importance des cafés parisiens et des lieux de sociabilité pendant la période révolutionnaire ainsi que des journaux. 

Le texte contient tout un passage où Babeuf montre que les partis de l’époque ont du mal à caractériser les idées de Babeuf, mais que dans le doute, tous lui tombent dessus. On peut parler d’une géniale subversion contre les classes dominantes. Cela s’explique-t-il par le caractère avant-gardiste du communisme de Babeuf ? Je veux dire par-là que le communisme était peut-être une idée quasiment inconcevable pour cette époque où il était clair que le développement du marché et le respect de la propriété allaient de paire avec le règne (futur) de l’égalité et du bien-être.

« Quel bacchanal ? Quel tapage affreux ? Comment se peut-il faire que j’aie choqué à la fois les patriotes et le million doré* ? le gouvernement et les amis du roi ? De quelle religion suis-je donc ? C’est ce que les différents partis ont bien de la peine à définir. » *Le million doré = le million de personnes que Babeuf considérait comme riches en France, et il leur opposait les 25 ou 26 millions de plébéiens français.

Il y a dans le Manifeste d’importantes références à la Rome antique. Babeuf n’hésite pas à comparer la situation de l’époque en France à celle de l’an 268 à Rome. À ce propos, Gracchus est un nom d’emprunt qu’il a choisi en référence à deux frères (les Gracques) connus pour avoir tenté des réformes agricoles en faveur de la plèbe à cette époque.

Ensuite, Babeuf n’hésite pas à revendiquer « l’égalité de fait » en rappelant l’œuvre, cette fois, du grec Lycurgue. Puis il cite le bon Jean-Jacques ainsi que Diderot, et critique au passage Jésus qui selon lui n’a pas été assez explicite sur la nécessité de l’égalité sur Terre. Babeuf a, à mon sens, une vision d’une grande clarté. Il sait quelles références historiques revendiquer, celles-ci sont cohérentes et s’inscrivent parfaitement dans la ligne historique du communisme qui était encore en devenir.