Oh, le joli sac de nœuds ! Patricia Highsmith semble avoir creusé toute sa vie le sillon littéraire de la culpabilité et c'est à une exploration approfondie de ce sentiment qu'elle se livre ici, dans une histoire hautement invraisemblable et donc plausible, suivant une bonne vieille recette d'exagération fictionnelle destinée à s'approcher des coups du sort incroyables de la réalité. Son malheureux et sympathique héros, balloté de fatalité en regrettable accident, ne fait que s'enfoncer et tous ses efforts ne contribuent qu'à creuser davantage sa tombe, selon une mécanique impitoyable dont l'auteure, avec une cruelle désinvolture, tire les ficelles de façon magistrale. On se demande bien à quoi correspond le premier chapitre, sorte de prologue monstrueux à une histoire que tout semble annoncer paisible. Mais les apparences seront bien entendu trompeuses et les analyses psychologiques démoniaques de Patricia Highsmith ne servent en fait qu'à provoquer davantage d'effroi. Un régal de perversité maîtrisée, où les innocents semblent coupables ou antipathiques et les assassins malins et relativement fascinants. En prime, un petit goût des années 60 joliment décalé, qui fait sentir concrètement la pression sociale étouffante d'une société tout entière tournée vers une respectabilité de façade et donc fondée sur une hypocrisie folle et finalement criminelle. Elle en avait, des choses à dire, la talentueuse Miss Highsmith !