Misère de la philosophie

Tout le livre tourne autour d'une thèse centrale: il faut distinguer le libéralisme "originel" du capitalisme qui n'aurait au fond pas grand chose de vraiment "libéral". Au lieu d'étudier le libéralisme, sa génèse, son développement et son évolution en étudiant l'évolution des rapports socio-historiques, notamment ceux du capitalisme, dans une logique matérialiste (pour ne pas dire marxiste), nous avons ici une approche totalement idéaliste, opposant une sorte de libéralisme idéel et la réalité du monde capitaliste. Ce libéralisme des origines est réduit à Adam Smith, dont on se demande bien en quoi il serait réellement plus légitime d'incarner la pensée libérale que Bernard Mandeville, John Locke ou Jeremy Bentham. Ainsi, les néo-classiques et autres néolibéraux auraient "trahi" les idées du libéralisme originel, servant plus que jamais les intérêts capitalistes. L'autrice propose donc une sorte de retour au libéralisme de Smith comme une sorte de troisième voie entre capitalisme et socialisme.

On voit bien ici l'aspect profondément idéaliste de la pensée Valérie Charolles. Dans la réalité, il y a la lutte des classes. Le capitalisme et sa division du travail sont une réalité historique. Quelle sujet collectif, quelle classe sociale porte et effective concrètement le libéralisme ? La bourgeoisie. La pensée libérale correspond à la situation historique de la bourgeoisie et ainsi, évolue avec elle. Les néolibéraux n'ont pas trahi Adam Smith, ils continuent de développer et faire évoluer une pensée qui défend les intérêts de leur classe sociale. Opposer le libéralisme d'Adam Smith avec la pensée libérale postérieure n'a pas de sens, il faut étudier le libéralisme synchroniquement ET diachroniquement. Bien sûr que le libéralisme est intimement lié au développement du capitalisme.

Nous admettrons bien volontiers que le capitalisme néolibéral n'a rien à voir avec le modèle de société que promouvait Adam Smith. Mais quelle situation matérielle concrète permettrait ce fameux retour au libéralisme des origines, qui semble en fait bien utopique ? Quelle est sa potentialité révolutionnaire pour envisager une rupture réelle avec le capitalisme ? Aucune.