Plus de 200 ans après la publication de "L'origine des espèces" de Charles Darwin, il se trouve encore près de 40 % d'Américains (ce chiffre a sans doute évolué depuis ;-) ) qui pensent que l' arche de Noé est un fait avéré et qu'un être omniscient créa la planète Terre et tous ses habitants il y a 6000 ans de cela. Cet étonnant constat place les USA en position 88 sur une liste de 89 pays, juste devant la Turquie, dans un questionnaire sur la rationalité... C'est de ce refus bizarre de l'Evolution que part Richard Dawkins pour débuter son livre dont l'objectif est de démonter calmement et sans passion les inepties créationnistes qui gagnent du terrain jusqu'en Grande Bretagne. C'est donc un livre particulièrement pédagogique que Dawkins nous offre ici, où il va sacrifier un peu de profondeur pour gagner en lisibilité convaincante.


Ca démarre avec des concepts-clés ignorés des créationnistes, et pourtant évidents aujourd'hui, comme l’extraordinaire succès de la sélection humaine des gènes sur les animaux de compagnie ou de ferme. Deux cent espèces de chiens , du Chihuahua au Grand Danois, ont toutes un ancêtre commun et un seul, le loup, une fulgurante sélection qui se fit sur à peine quelques siècles. Autre notion "oubliée" des détracteurs de Darwin, l'existence d'horloges naturelles qui permettent de dater le monde, comme les stries des troncs d'arbres, le carbone 14, les isotopes radioactifs etc... Tous ces outils révèlent bien l'âge effarant des fossiles et le passage de milliards d'années. L'expérience du groupe Linsky sur des milliers de générations de bactéries (le seul passage "technique" du livre) est aussi un bel exemple d'évolution en action devant nos yeux. Exit donc le baratin "Young Earth"...


Dawkins se fait un plaisir de rappeler que lorsque les créationnistes hurlent "Où sont les preuves?" , il leur suffirait d'entrer dans un musée et d 'ouvrir les yeux pour voir les innombrables fossiles qui retracent l'histoire des espèces sur notre planète. La notion de "chaînon manquant", faux débat mais vrai ânerie, est démontée avec style par l'auteur de l'ouvrage, à une époque où chaque jour des découvertes supplémentaires comblent les "trous" de notre lignée. Et l'auteur de rappeler que si aucun fossile n'existait, la théorie de Darwin serait toujours aussi solidement prouvée par des milliers d'autres preuves, notamment génétiques, les fossiles n'étant que "la cerise sur le gâteau"...


C'est ensuite au tour du célèbre " design intelligent" de prendre l'eau, lorsque Dawkins nous éclaire sur les règles de l'embryon, un extraordinaire tour de force de la nature, qui consiste, à partir de petites instructions simples, locales et aveugles, de construire un organisme complet sans le moindre plan global, sans la moindre notion d’intentionnalité. Donnez quelques règles aux atomes et regardez une simple cellule construire un animal en entier. Point de mystère, juste la Nature en action, et c'est un des chapitres les plus réussis du livre je crois.


Après un détour par la tectonique des plaques, le dernier tiers du livre est plus contemplatif, se concentrant par exemple sur la non-moralité des processus naturels, sur la beauté de cette biodiversité dans laquelle l'homme n'est certainement pas au sommet d'une quelconque pyramide mais bien une espèce parmi tant d'autres. Il tort le cou à ces erreurs éculées comme cette idée que l'homme descendrait du singe (un thème favori des créationnistes) alors qu'il n'en est que le cousin et il nous invite plutôt à admirer ce fait incontournable : nous sommes cousins de tout ce qui vit sur cette planète car nous avons tous un ancêtre en commun.


Une très bonne lecture, moins pointue que "Le gène égoïste", mais plus pédagogique, et qui rappelle à la vigilance quand des concepts scientifiques clairs et efficaces sont bousculés dans les salles de classe par une religiosité qui refuse de vivre avec son temps.

nostromo
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le 20 août 2017

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