Que d'élogieuses critiques entouraient ce livre! Lorsque je l'ai commencé, j'étais persuadé à coup sûr de lire un bouquin qui allait me plaire. Si cela ne suffisait pas, il restait encore la quatrième couverture qui parlait d'un "Harry Potter pour adultes", et Dieu sait que ce genre de références, ça me fait un petit quelques choses... (mais rassurez-vous, nous y reviendrons, et ce sera sale)
S'il y a une chose que l'on ne peut reprocher aux Magiciens de Grossman, c'est l'originalité de sa structure et disons, l'ambition générale de son récit. On est face à une histoire très, très référencée: on tire franchement du côté de Narnia, et un peu du côté Harry Potter. On pourra presque s'amuser à faire quelques comparaisons entre chaque oeuvre, et c'est aisé car souvent assez frappant. Mais de ces références, même si elles forment une grande partie du récit, l'ambition de l'auteur se dévoile: la vie ne semble pas être aussi simple que dans les romans, à commencer par un élément rarement présent mais bien réel: l'ennui et la désillusion. On tombe donc devant un vague objectif de décrypter ce qui se passerait si Harry Potter était un personnage réaliste se mouvant dans un univers finalement plus si... Magique que cela.
En fait, à bien y réfléchir, "Les Magiciens" transforme parfois le merveilleux/fantasy d'Harry Potter ou Narnia en fantastique à bien des égards (à commencer par les réactions de Quentin).
Mais là où le bât blesse, c'est que le roman est une purge à lire. Mais alors, j'ai trouvé ça franchement nul. Au vu de l'avalanche de critiques positives qu'il a reçues, je répète que je ne critique pas le lectorat ou les goûts de chacun. Mais c'est mon avis, et attention, ça va mitrailler un peu.
Dans le projet général du livre de présenter quelque chose de réaliste, on se doute que Grossman a choisi de ne pas narrer l'histoire d'un jeune garçon héroïque et plein de bonnes valeurs. Parce que vous voyez, ça ce n'est pas réaliste. Il a choisi donc d'en faire une sorte de magma merdique mal caractérisé, à mi-chemin entre un jeune adulte dépressif et un jeune connard tout court. Alors après, je vous dirais bien que les "anti-héros", pourquoi pas. Mais c'est une notion délicate pour un auteur, et Quentin est juste un "anti-". Lâche, déprimant, ennuyant, égocentrique et absolument antipathique: le suivre sera dans le genre une bonne purge.
Mais alors le pire est à venir. Ce qui est absolument dramatique dans ce récit, c'est l'incapacité totale de l'auteur à ancrer son histoire.
Disons que quand tout un chacun lit un livre, il apprécie normalement un minimum d'ancrage dans le temps et l'espace; et de la même manière dans l'intrigue et les personnages. Et là, punaise, on est vraiment à côté de la plaque. Je lis quand même pas mal de romans, de bien des "genres" et "courants", et un peu d'expérimentation ne me fait pas peur. Mais là, c'est ingérable. J'ai été incapable, tout du long, de me faire une idée claire des lieux ou du moment de l'intrigue. L'auteur a un blocage dès qu'il s'agit de glisser quelques éléments descriptifs. Je pausais parfois quelques minutes ma lecture et me disais: "Attends, là je suis où? Quand sommes-nous? En 3ème, 4ème année? A quoi il ressemble lui? Que sait-on de lui?". Et donc, en faisant un petit effort de représentation, je m'imaginais mes personnages sans visage, dans un univers blanc parce que Grosman n'a pas su gérer une seule seconde son rôle d'écrivain: supporter une histoire suffisamment pour que son lecteur puisse la co-créer avec lui.
Et c'est la même chose, donc, avec les personnages et l'intrigue. On les voit défiler, on ne sait même plus qui est qui. Certains personnages paraissaient importants, et on ne les revoit plus pendant 300 pages. Ce qui fait que lorsqu'ils reviennent, généralement, on s'en branle. C'est encore plus dérangeant pour l'intrigue: on assiste par exemple, dans le roman, au meurtre d'une élève (à cause d'ailleurs d'une niaiserie de Quentin, bien sûr...). Eh bien, croyez-le ou non, ceci a un impact absolument égal à zéro sur l'intrigue. Cette incapacité à faire interagir ses personnages entre eux et avec ce qui fabrique leur vie, ce n'est pas de l'expérimentation littéraire, mais un bon loupé qui pue.
Comme je le dis souvent, "une solitude n'en vaut pas une autre". Et c'est un mantra que je m'applique à exercer de façon quotidienne depuis quelques années, depuis que j'ai pensé cette phrase. Et donc, loin de moi l'idée de critiquer la désillusion et cette fameuse solitude inhérente à Quentin, cette espèce de "blase" existentiel qu'il ressent. Mais les scènes où il boit, se drogue, baise... C'est exécuté avec la maestria de la médiocrité. C'est superficiel et puéril, cela ne dépasse jamais des rouages d'intrigue. S'il est difficile dans le livre de ne pas "ressentir" sa solitude et son mal-être, l'auteur ne s'attarde pas une seconde à nous la faire comprendre. Ce qui, finalement, ne fait que rendre son "anti-héros" plus antipathique et la quête du roman plus loupée encore.
Je conclurai donc en vous disant que non, je n'ai pas aimé "Les Magiciens" de Lev Grossman. Et je ne l'ai pas aimé non pas parce que je n'ai pas perçu sa portée ou que je m'attendais à autre chose, mais parce que je le trouve sincèrement loupé.
Et donc, que ce soit extrêmement clair pour L'Atalante, tous ces points développés soulignent une unique chose: à bien des égards, je trouve Harry Potter bien plus adulte que ne le seront jamais ces livres.