On ne répétera jamais assez que les prix littéraires n’ont pas été créés pour être objectifs (même si parfois de bonnes œuvres sont couronnées). Un écrivain ne doit jamais insulter l’avenir, Yasmina Khadra croyait qu'il ne pourrait pas écrire de meilleur roman que « Ce que le jour doit à na nuit », mais je pense qu’il s’est surpassé dans un autre livre qui méritait vraiment le Prix Goncourt et ce livre se nomme « Les anges meurent de nos blessures ». Plus ramassé dans la forme, avec des métaphores qui nous laissent sur le carreau, rarement un roman aura évoqué avec tant d’acuité ambiguïté des rapports entre autochtones algériens et pieds-noirs, dans une spirale du mal et de la haine, indéniablement créée par la colonisation. Ce livre est différent de « Ce que le jour doit à la nuit » dans la mesure où il ne s’agit pas d’un Algérien qui est extrait de son milieu miséreux pour entrer dans le monde des colons grâce à son oncle pharmacien.
Ici, Turambo vivra longtemps dans la misère, et le traditionalisme qui lui enlèvera son premier amour, promise à quelqu’un d’autre dans un mariage arrangé comme on les appelle.

Si Turambo se fera remarquer par des Européens, en majorité Italiens et d’origine modeste comparés à d’autres, ce sera grâce à son crochet du droit, qui ne manquera pas d’attirer l’attention un certain De Stefano, manager de boxers qui lui fera plus tard rencontrer « Le duc » grand promoteurs de matchs. Turambo se liera aussi d’amitié avec Gino, exerçant une fonction dans l’équipe de De Stefano. De fil en aiguille Turambo gravit les échelons comme on dit malgré les coups tordus et les pièges.
Il connaitra aussi une deuxième déception sentimentale avec Aïcha (nom du second chapitre) qui travaille comme fille de joie dans un droit réservé « au repos » des gens importants où Turambo est maintenant admis. Seulement, notre héros voudra la sauver de sa situation qu’il juge bien entendu dégradante, mais bien mal lui en aura pris. Non seulement Aïcha lui fait comprendre que sa situation lui convient parfaitement, mais la « maitresse de maison » lui fait comprendre que celle qu’il veut « sauver » est dans une situation bien meilleure que la sienne et qu’il ferait mieux de quitter les lieux.
Cela n’empêchera pas Turambo de poursuivre son rêve et de devenir champion. Mais une ombre planera à son tableau. Irène, ( nom du troisième chapitre) fille d’Alarcon un ancien grand boxer qui marche en fauteuil roulant depuis un match qui a mal tourné. D’abord hautaine, Irène finit par entrer en communication avec Turambo, pour lui expliquer pourquoi elle hait tant la boxe. Il remettra sérieusement en question ses convictions, est-ce à cause de l’amour naissant qu’il éprouve pour Irène ou parce qu’il a l’impression qu’on l’a utilisé comme bête de foire, écrasant tous les champions pieds-noirs (La grande littérature est faite de questions plus de réponses disait Tolstoï). Toujours est-il que Gino sera persuadé que c’est Irène qui lui a fait tourner la tête, après tout ce que l’équipe de De Stephano a fait pour Turambo. Un malheur arrivera à Irène, Turambo sera sûr de la culpabilité de Gino, mais n’en disons pas plus sur ce roman qui atteint un degrés d’ambigüité morale rarement égalé ( On peut penser à Kundera ou Günter Grass). Mais une chose est sûre, ce livre tout comme « Ce que le jour doit à la nuit » ne fait en aucun cas l’apologie de la colonisation ( comme on l’a entendu), et il dépeint sans fard les conditions de vie des Algériens de l’époque. Un roman n’est pas un reportage ou un livre d’histoire, il y est question de sentiments humains, de dilemmes amoureux, ect…) et ne pas comprendre cela ne peut que nous faire passer à côté de la véritable littérature.

bublegum
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le 20 janv. 2018

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