Premier roman adulte (et deuxième roman tout court) de l’auteur, Les noces clandestines fait partie de ces livres qui semblent vous dire : "Ben ouais, je suis un concentré de belle écriture et de style admirable. Faut t’y faire. Maintenant profite."

La thématique abordée dans le livre n’est pas des plus faciles. En bref, un homme, professeur d’histoire, enlève un jeune sans-abri et le garde séquestré dans une petite pièce chez lui. Voilà pour l’histoire basique. Mais qui va beaucoup plus loin.

Ce qui est assez troublant, c’est qu’avec un style brillant, l’auteur brouille les frontières du bien ou du mal et concentre l’attention sur le rapport entre les deux personnages. Rapidement, il est impossible de dire qui a l’ascendant sur qui et qui manipule qui. Tout est dans l’ambivalence entre les deux hommes, dans la sensualité aussi, tellement bien décrite qu’on n’arrive pas à s’arrêter de lire, prisonnier de cette petite pièce rouge avec les deux personnages.

C’est l’ambiguïté qui domine le récit, la question de savoir si l’un va se faire attraper et si l’autre va réussir à s’enfuir est mineur. C’est le ravisseur qui raconte et le lecteur qui ressent. Pour en arriver là, faut quand même avoir une sacrée plume. Comme l’écrit l’auteur :

"Quant à moi, je me tenais à distance raisonnable des livres, ainsi que je l’avais toujours fait, conscient du danger qu’ils représentent, ne lisant que le strict minimum et ne commettant jamais l’erreur de croire au caractère inoffensif du insignifiant d’entre eux. En lire la première ligne vous asservit jusqu’à la dernière, et même longtemps après. Entre leurs pages, vous n’êtes plus maître de vous-même ; vous vous abandonnez sans conditions à l’esprit d’une plume plus forte que vous, susceptible de vous emmener dans des travers sombres et glauques, de vous faire admettre des idées fausses sans que vous ne cilliez."

C’est exactement ça. A ceci près qu’à aucun moment, le roman ne sombre dans le scabreux ou le glauque. Autant de finesse psychologique, délivrée par le biais du ravisseur, ça laisse admiratif. Lorsqu’on a affaire à un huis-clos, il vaut mieux avoir un cador aux manettes. C’est le cas ici. C’est difficile à décrire, mais avec un style aussi simple et maîtrisé, on a l’impression que Claire-Lise Marguier pourrait s’attaquer à n’importe quel sujet.

Je ne résiste pas à ajouter une dernière citation :

"J’aurais pu le priver de nourriture, l’attacher à la tuyauterie du lavabo, le torturer à le faire hurler. Cette conscience de mon pouvoir me donnait l’illusion de la charité. J’aurais pu, mais je ne le faisais pas. Cela faisait de moi le meilleur homme de la planète, et lui en sortait toujours vainqueur."
MrAmeni
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le 15 mai 2013

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