Long week-end
7.6
Long week-end

livre de Joyce Maynard (2009)

Je ne connaissais pas l’univers de Joyce Maynard avant ce roman ; elle qui fut pendant un an la petite amie de J.D Salinger (vous allez crier au sacrilège si je vous dis que je n’ai pas accroché à l’attrape cœurs hein?!). Je l’ai découvert tout d’abord par le biais de la bande annonce : Last days of summer avec en autre, Kate Winslet et Josh Brolin. Vous l’aurez sans doute compris, il s’agit de l’adaptation cinématographique de l’œuvre de l’auteure. A l’époque de la sortie, le film me faisait sérieusement de l’œil mais je voulais lire le roman avant. Alors, verdict ?

Un long week-end est une histoire comme je les aime. Très bien écrite, ficelée; et ce, du début à la fin. On a aucun mal à s’y plonger dans ce (pas si ou trop court) long week-end. D’ailleurs, la temporalité est intéressante car elle se déroule le temps d’un week-end, le Labor Day. Mais, paradoxalement en l’espace de ces quelques jours, les personnages de ce roman font faire tour à tour l’expérience de sentiments qui prennent parfois toute une vie. Un homme va rencontrer la femme de sa vie, un garçon va trouver le père qu’il n’a jamais eu, et, une femme va renaître. Ainsi, ce roman se concentre sur ce fameux week-end où tout bascula pour Henry, le narrateur et sa mère.


Beaucoup de thèmes sont traités dans ce livre mais le plus significatif reste pour moi le passage du narrateur de l’adolescence à l’âge adulte. C’est lui qui nous raconte la rencontre avec Frank, tout d’abord à travers ses yeux d’enfant puis d’adulte. Au début, le jeune homme est fasciné par le fugitif, il développera à l’égard de ce dernier mais pas sans contradiction, un complexe d’œdipe. Avant Frank, il était tout pour sa mère et vice versa et maintenant, il faut la partager. D’ailleurs, on pourrait même dire que Henry et sa mère était une sorte de couple certes dysfonctionnel et platonique mais un couple quand même. Avec l’arrivée de Frank, le fils découvre non plus une mère mais une femme, sensuelle et ardente de désirs avec tout ce que cela implique. Il est heureux pour elle mais en même temps il est troublé car lui-même est en proie à des désirs qu’il juge coupable voir pervers. Henry se livre ainsi sans retenue ou presque au lecteur et ce dernier, le voit grandir un peu trop vite ou peut-être pas de la meilleure façon. Il incarne tout une palette d’émotions contradictoires ; perdu sans doute entre hier et aujourd’hui prenant conscience également qu’il n’est plus un gamin et cela l’effraie. Il ne sait plus vraiment où est sa place ni même s’il en a une dans cette nouvelle organisation familiale.

Il faut dire que le père ou la quasi absence paternelle a une importance cruciale voir maîtresse dans cette intrigue. Le narrateur a été quelque part un père, un meilleur ami pour sa mère et même si cela peut le déranger, c’était eux et cela leur suffisait. Et, Frank arrive et bouscule les habitudes en y apportant de nouvelles règles. Cela le perturbe mais en même temps, le fugitif devient peu à peu le père qu’il a toujours rêvé d’avoir mais les circonstances et leur histoire à chacun font que le tableau ne peut être idyllique. De un, Frank est un fugitif. De deux, Henry ne sait plus vraiment où il en est ni qu’il est. Sa révolte, sa quête identitaire ne font que commencer. Pas tout à faire adulte ni tout à faire un ado non plus.


Quant aux adultes, ils sont tout aussi prisonniers. Frank, d’un passé douloureux qui n’a de cesse de le rattraper. Quant à Adèle,ce n’est peut-être pas la maman parfaite ( mais qui l’est?!) mais elle est elle-même au moins. Elle est surtout le pilier de son fils quoique je ne sais pas qui soutient le plus l’autre, son fils sans doute. Mais, elle a quelque chose d’attachant, un truc lumineux, une délicatesse en elle qui fait qu’on a envie de la protéger, de la rendre heureuse. Et, le temps d’un week-end, Adèle enfermée depuis longtemps dans sa bulle, va se révéler et se transformer. Elle sera femme, elle mettra du rouge à lèvres, aimer et sourire à son bien aimé. Alors, dans de telles conditions, comment ne pas vouloir garder rien que pour soi ce rayon de soleil même si leur vie à tous les deux n’est pas une comédie romantique ?

Je me suis vraiment sentie dans cette maison, dans ce microcosme où le temps s’arrête presque et les règles ne sont pas les mêmes qu’à l’extérieur là où au loin on entend les sirènes. J’ai eu cette impression que rien d’autre n’existait à part eux ; j’ai senti la moiteur, l’électricité dans l’air sans oublier la délicieuse tarte aux prunes de Frank. Dans la cuisine, j’ai vu la rangée de conserve et de la fenêtre, le jardin défraîchi. Mais surtout, j’ai vu la tendresse avec laquelle Frank a fait mangé Adèle. C’était beau, magique ; pas un mot, pas besoin. Leurs yeux, leurs gestes parlaient pour eux. Comment ne pas être jaloux quand on voit que les gens qu’on aime nous échappe ? Que ce à quoi on tient le plus est menacé ? Comment bien réagir quand dans sa tête c’est la tempête des émotions contraires ?

Un long week-end est un roman qui parle de passage : celui de l’adolescence, celui d’un fugitif, celui de l’innocence. Mais, ce qu’il y a de bien avec les passages c’est que cela n’en finit pas de passer. Alors, il ne reste plus qu’à pardonner, à soi puis aux autres et à recommencer en mieux cette fois.
Missbale974
10
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le 4 mars 2015

Critique lue 332 fois

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Missbale974

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