Evola nous livre dans cette oeuvre un point de vue philosophique de la montagne et de l'alpinisme. Les sommets ont de tout temps été estimé comme le domaine des dieux dans les mythes des civilisations traditionnelles. Parmi ces croyances variées et le récit de ses expériences, l'auteur nous décrit les éventualités d'accomplissement spirituel qu'offre l'ascension des sommets.


L’anthologie Méditations du haut des cimes recueille les principaux écrits d’Evola sur la pratique de la montagne et les dimensions métaphysiques de cette dernière. Composée d’une vingtaine de textes regroupés en trois parties : « Doctrine », « Expériences » et « Ascension », ce recueil s’attache à développer divers aspects qui ont été regroupés en cinq parties : le symbolisme de la montagne ; le rejet des conceptions modernes de la montagne ; la réactivation d’un style de vie conforme aux antiques aryens et romains ; La montagne comme vecteur de lien civilisationnel ; et la vertu des signes chrétiens en montagne. Ce sont autant de points qui serviront à caractériser la puissance de la pensée évolienne dans un domaine peu connu : celui de la montagne, conférant ainsi à son propos une dimension ontologique non négligeable. On remarquera à cet effet que les éditions Artaud n’ont pas daigné le rééditer dans sa collection « pensée alpine ». Il était donc de première nécessité de pallier le manquement d’un grand éditeur national : celui d’informer ; deuxième nécessité ensuite : celle de rendre hommage à celui qui cultiva toute sa vie une mystique de la montagne, au point que ses cendres furent déposées près du Mont Rose, deuxième plus gros massif montagneux d’Europe.


«La montagne apparaît aujourd'hui comme une des rares voies voire la seule en Occident offerte à l'homme moderne pour une réalisation spirituelle authentique et intégrale. En tant qu'action pure et libre, en tant que guerre sainte contre soi-même, l'ascension permet une renaissance de "quelque chose de transcendant" qui peut mener jusqu'à l'éveil, jusqu'à la grande libération qui est l'objet de toute vie véritable.»


Cet opus méditatif d'Evola n'est en rien une œuvre mineure. Il est une sorte d'hymne à la montagne et à ce qu'elle représente symboliquement.

Le dépassement de soi, l'attrait pour les cimes, le dépouillement ; tous les thèmes présents dans les travaux d'Evola se trouvent ici magnifiés.


La montagne est un symbole sacré dans tous les mythes païens du monde. Son symbolisme relève de la hauteur comme du centre. La montagne est un lien entre la terre et le ciel, c’est le lieu où les pouvoirs célestes et terrestres se rencontrent. Elle est la demeure des Dieux, et à ce titre synonyme d'équilibre divin et cosmique. Tout comme l’Yggdrasil, la montagne est un symbole de l’axe vertical, du point central autour duquel tournent les forces vives de la nature dans toute leur grandeur. Quasiment tous les peuples ont dans leurs mythes une montagne sacrée faisant allusion au coeur du monde, à l’omphalos comme le nommaient les Grecs anciens. La montagne bénéficie ainsi d'un caractère de sacralité très prononcé dans des mythes païens comme celui du mont Méru chez les Indo-Aryens, le K’ouen-louen en Chine, le Fuji-Yama au Japon, le mont Olympe en Grèce, le mont Elbrouz au Caucase, l’Alborj en Perse, le Montsalvat du Graal (Montségur dans les Pyrénées), le mont Canigou en Catalogne du nord, le Montserrat en Catalogne du sud, le volcan Etna en Sicile, le mont Hara Brzaiti de la tradition zoroastrienne, le mont Kailash de la tradition hindoue etc. Dans certaines traditions, où géographiquement parlant il n’existe pas de montagne sacrée, ce sont des tumulus qui finissent par remplir les mêmes devoirs symboliques que la montagne, c’est le cas par exemple chez les Celtes insulaires. Chez les Celtes montagnards comme les Allobroges, le culte sacré à la montagne devait être le même que pour les autres peuples païens d’Europe. Un endroit magique comme la vallée des merveilles ou le Val Camonica dans les Alpes tend largement à démontrer ce phénomène.

La montagne est un reflet de la puissance et de la noblesse de l’esprit. En plus d’être la demeure des Dieux, elle est également le symbole de l’élévation, de l’homme qui dépasse sa condition humaine, du guerrier spirituel qui après avoir surmonté ses faiblesses atteint un état de conscience mystique qui le fond dans la force primitive de la nature. La montagne nous parle du succès spirituel que connaît l’homme lorsqu’il domine les difficultés qui entravent son élévation. Elle invite à une méditation supérieure et à une alliance avec les esprits ouraniens les plus nobles. C’est le principe du surhomme de Nietzsche lorsqu’il explique que l’homme est un pont entre l’animal et le surhumain.


Pour illustrer ce grand principe guerrier du véritable alpiniste, voilà ce que disait Evola : “Les grandes ascensions devaient être elles-mêmes un symbole et en quelque sorte un rite : le symbole et le rite d’une ascension intérieure, d’un désir de libération et de vie et de la volonté de vivre dans un air plus respirable. La fatigue physique et le risque devaient être un moyen de réaliser intérieurement quelque chose dont le milieu naturel ne pouvait être que la solitude des sommets et les étendues gelées et immaculées des massifs montagneux.”


« La montagne enseigne le silence. Elle déshabitue du bavardage, des paroles inutiles, des effusions exubérantes et vaines. Elle rend les choses plus simples et plus intérieures. Le signe et l’allusion y sont plus éloquents qu'un long discours. »


«On oublie trop souvent que la spiritualité est essentiellement un mode de vie et qu’elle n’est pas déterminée par ce qu’on a emmagasiné de notions, d’idées, de théories, mais par ce qu’on a réussi à faire vibrer dans les courants de son sang, et qui se traduit ainsi par une supériorité et par une profonde noblesse de l’âme et du corps lui-même.

Mais dans la civilisation moderne, tout vise à étouffer le sens héroïque de la vie. Tout tend à la mécanisation, à l’embourgeoisement, à la grégarisation méthodique et prudente d’être insatiables et dont aucun ne se suffit lui-même. La communication avec les forces profondes et libres de l’homme et avec celles des choses et de la nature est rompue, le démon des métropoles pétrifie toute vie, syncope toute respiration, contamine toute source. Qui plus est, des idéologies pacifistes attisent le mépris des valeurs qui, à d’autres époques, servaient de base à une organisation sociale plus rationnelle et plus éclairée ; car, dans les anciennes communautés, le sommet de la hiérarchie était occupé par la caste de l’aristocratie guerrière, tandis qu’aujourd’hui, dans les utopies pacifistes et humanitaires, on cherche à faire du guerrier une sorte d’anachronisme, un être dangereux et nuisible, qui, dans l’avenir, sera éliminé par une prophylaxie opportune, au nom du “progrès”. »


À lire si l'alpinisme ainsi que la spiritualité évolienne vous intéresse.

Gobinienne
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le 15 sept. 2022

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