un regard sur la complexité de "l'opinion publique " allemande

Quand un gouvernement agit au nom d'un peuple. Quand l'organisation d'un Etat sert à guerroyer contre les voisins, à massacrer une partie de sa population, qu'en est-il de la responsabilité de ses citoyens? Qu'en est-il de son adhésion aux thèses mises en oeuvre?


C'est la question à laquelle cherche à répondre Peter Longerich (auteur aussi de la conférence ce Wannsee). Quand on dit les Allemands à la place des nazis, quand on parle de la responsabilité de l'Allemagne dans la Shoah, qu'en est-il? Qu'en est-il de l'individualité? Qu'en est-il quand on sait que le NSDAP n'a eu "que" 43,9% des voix? Peut-on inclure les autres dans la responsabilité? Qu'en était-il de leur conscience, de leur adhésion, de leur connaissance?


Questions intéressantes qui mettent en avant le davantage l'individualisme méthodologique que l'analyse d'un "peuple" qui subsumerait tous les habitants.


Longerich fait une étude chronologique de cette adhésion. A partir de sources importantes (rapports sur l'opinion de la part des autorités nazies), de journaux intimes (Nous retrouvons Victor Klemperer) Il fait une étude chronologique du régime nazi, discute de la nuit de cristal, lois de Nuremberg de 1935, évictions biologiques des juifs de l'espace social en passant bien sûr par la "prophétie" d'Hitler, de Goebbels, du ministère de la propagande, des "judéo-bolcheviques" à partrir de 1942, et des informations éparses pour faire l'étude de l'évolution de "l'opinion publique".


Et le résultat est à la hauteur de la période: complexe. A savoir qu'il y a à la fois la difficulté de connaître l'opinion réelle des individus soumis à un contrôle de fer, un ministère de la propagande qui a instrumentalisé la notino de "peuple" pour en faire un soutien au régime. Le régime nazi faisant croire que sa politique ne faisait que refléter les réflexions d'un peuple uni face à la menace sioniste.


Le bilan est bien là: à travers les rapports, nous pouvons nous apercevoir que le "peuple" n'était pas solidaire des exactions du régime, que des individus ont parfois soutenu leurs voisins juifs (c'est pour cela que des lois vont punir ensuite les Allemands qui fréquentaient les juifs et leurs commerces par exemple), que le soutien à l'extermination (lorsqu'il a été su) était loin d'être massif surtout lorsqu'à la fin les nazis ont lancé leur guerre totale menaçant la population d'une extermination future si eux ne remplissaient pas leur mission (eux ou nous), empêchant de fait de revenir en arrière, en se coupant les ponts de la moralité et faisant de fait la population un complice de la Shoah. Parce qu'effectivement dès 1944, la population allemande savait que l'extermination des juifs était en cours. Donc oui, les allemands le savaient. Mais ce n'est pas pour cela qu'ils en étaient complices.


Quant à répondre à la question de la responsabilité face à l'abomination quand il y a connaissance., le sujet est vaste, philosophique et sociologique. Ce n'est pas l'objet du livre.


Un livre qui rend toute la complexité de la question de "l'opinion publique" questionnant à la fois la notion de "peuple" et qui remet aussi en question la thèse de Goldhagen dans les bourreaux volontaires d'Hitler lorsqu'il parle d'une spécificité, d'un antisémitisme exterminationniste pour incriminer tout un peuple.

LilianSG
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le 21 déc. 2019

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