Echange de jalousies par la fenêtre...
Ecrite à 20 ans par le grand Georges Feydeau, cette très brève pièce fait preuve d’un étonnant savoir-faire scénique : une intrigue fondée sur l’infidélité conjugale, propre à susciter des réactions assez vives de la part des personnages ; un jeu de miroir qui permet de placer symétriquement les situations des deux héros (une femme et un homme), et de faire basculer symétriquement leurs intentions dans des sens opposés. Comme il y a toujours désaccord entre les personnages, cela donne lieu à de rapides déplacements, des répliques brèves et empreintes de vivacité. Et, bien entendu, aux sentiments de l’un et de l’autre viennent se superposer deux méprises, qui constituent le moteur d’un dénouement présentant un renversement des dispositions des personnages.
Ajoutons que, si les personnages se disent des choses, ils s’en cachent – provisoirement – d’autres, dont le lecteur est mis au courant grâce à la bonne vieille technique des apartés. Le dévoilement de ces intentions cachées enrichit les péripéties, et donne lieu à de nouveaux effets comiques (Hector qui attend qu’Emma fiche le camp pour pouvoir enfin déjeuner ; Emma qui instrumentalise abusivement Hector, méprisant sa qualité et ses conseils d’avocat, et envisage sans grande détresse que son mari puisse venir tuer Hector, dans un duel... au vilebrequin...).
Ledit Hector est un faible : d’abord soumis à une mère abusive, il est en proie à la jalousie maladive de sa femme. On s’étonne donc peu qu’il se laisse envahir par cette chipie sans-gêne qui veut le faire servir à ses desseins sans lui demander son avis. Le bref monologue d’Emma, à la scène III, est un peu maladroit : les arguments donnés pour justifier sa démarche sont fort légers ! Déjà, à 20 ans, Feydeau ne manifestait pas une très haute opinion du bonheur que l’on peut attendre de la vie conjugale. Ce n’était qu’un début...