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L'écriture, pan d'humanité au bout de la maladie

«Les livres se sont tous tus. Comprendre qu’on en sait plus qu’eux est effrayant. On se sent au milieu des ruines.»


Paru aux éditions Verdier en 2013, Se survivre est composé de sept courts récits, et vient clore un chemin d’écriture né de l’exil dans la maladie, ce cancer dont Patrick Autréaux a découvert l’existence à trente-cinq ans.


Du dénuement d’un homme mis à nu par le cancer, par les médicaments et les machines qui sondent ses cellules, puis de la guérison ont surgi une force poétique singulière et impressionnante, une écriture forcée par cet espace bouché d'une maladie au diagnostic initial définitif.


«Depuis mon hospitalisation en urgence un soir, après qu’on m’eut annoncé que les douleurs sans cause dont j’avais souffert depuis des mois étaient en fait un cancer, j’étais devenu un habitant de ce rien qui entoure tout. Au-dessus des bruits du monde et des nuées d’explications qu’on essaie de rassembler pour faire face, il y a un espace où les dieux ne vivent pas, où on n’entend plus rien des panthéons et des chants, où les échos cohérents de la vie ne sont pas perçus, non qu’ils se soient éteints, ils ne nous concernent plus. On peut ne pas s’apercevoir immédiatement qu’on y est entré, mais à force de zigzags en fauteuil roulant, de murs contre lesquels on est laissé, d’étoiles qu’on voit percer dans la douleur, à force d’attendre et d’épier, on renonce à tenter de rien déchiffrer. Certains nomment cela solitude.»


Soumis au protocole des traitements, le corps amaigri et menacé de stérilité avec la chimiothérapie ouvre une voie à un nouveau langage, à une nouvelle écriture mûrie dans cet espace au bord d’un trou noir.


Patrick Autréaux réussit à dire avec pudeur le ressenti intime de la maladie et le bonheur paradoxal de réussir à écrire à partir de cette situation-là.


«Le terrassement. Tant qu’on n’a pas vécu cela, il y a une part de soi qui reste inéclairée. De même que l’expérience d’être soulevé, maintenu en apesanteur dans un ailleurs d’une étrangeté et d’un exotisme nouveaux. Continent fendu. L’exil véritable. Même guéri, pas de retour possible.»


L’auteur s’était promis d’écrire la biographie d’un poète dissident rencontré des années plus tôt au Vietnam et semble saisir enfin avec la maladie l’expérience humaine de ce vieil homme au bord d’être anéanti.


«Le vieux poète avait été à certains moments de sa vie séparé de tout. Son regard en avait gardé trace. Il n’osait plus reprendre racine.»


Retrouvez cette note de lecture, et toutes celles de Charybde 2 et 7 sur leur blog ici :
https://charybde2.wordpress.com/2015/03/25/note-de-lecture-se-survivre-patrick-autreaux/

MarianneL
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le 25 mars 2015

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